Victimes et proches étalent leur douleur à la place de l'obélisque
Des visages tristes, des témoignages émouvants, des larmes entre autres signes d’angoisse ont marqué la place de l’Obélisque qui a renoué lundi avec la mobilisation par un sit-in des familles de victimes des violences électorales qui continuent à se battre pour que justice soit rendue pour payer les pertes en vies humaines lors des manifestations politiques d’avant élection.
Certes, l’Obélisque n’a pas refusé du monde comme lors des grandes manifestations contre la candidature de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, mais ils étaient là, les hommes et les femmes victimes ou parents de victimes des violences électorales. Mobilisées comme un seul homme, ces familles se disent meurtries par les évènements qui ont emporté des êtres chers.
Emmitouflé dans un caftan vert, coiffé d’un bonnet de la même couleur, l’air triste malgré une apparente bonne mine, le père de Mamadou Diop, l’une des plus célèbres victimes des violences électorales, peut se targuer d’être l’auteur du témoignage le plus émouvant le temps d’une matinée de sit-in. ‘’Depuis le décès de mon fils, je ne vis pas un seul instant sans penser à lui. En venant à cette place où mon fils a été fauché, j’ai encore le cœur meurtri et les mots me manquent pour expliquer ce que je ressens’’, a confié le père de Mamadou Diop dont la voix haletante est entrecoupée par de longs moments de silence. ‘’Même en véhicule, quand je traverse cette place, toutes mes pensées vont à mon fils, c’est difficile de digérer ce qui lui est arrivé (…) tout ce que je souhaite maintenant est que justice se fasse’’, a dit, émotif, M. Diop par ailleurs trésorier général du Collectif des victimes et familles de victimes des violences électorales.
Cette structure qui s’agrandit de jour en jour selon sa présidente Rokhiyatou Gassama, compte porter à bout de bras le combat judiciaire. ‘’Au début, chacun pleurait dans son petit coin avec toutes sortes de souffrances, mais aujourd’hui les familles des victimes ont la pertinente idée de créer un collectif pour plaider ensemble la même cause’’, a dit la présidente dudit collectif. ‘’Le collectif est né dans la douleur (…) certes je n’ai pas perdu un être cher dans ces violences électorales, mais mon fils a été brutalisé, il a échappé à la mort. Partout dans son corps, il y a des points de suture. Il est toujours mal portant’’, a-elle expliqué devant une foule qui vit la même angoisse que lui.
Les témoignages étaient aussi visibles dans les pancartes et banderoles qui ornaient la place de l’Obélisque. Parmi les porteurs de pancartes, se trouve Ousseynou Seck dont le fils, a-t-il dit, a été emporté par les violences électorales. ‘’C’est triste, ce qui nous est arrivé, même les nazis ne feraient pas cela, il faut qu’il y ait réparation de préjudice’’, a déclaré M. Seck dont les propos ont été écourtés par des gouttes de larmes qui finissaient leur course sur les micros et enregistreurs des journalistes.
Plusieurs organisations de défense des droits humains ont pris part à cette manifestation. Si les autorités sénégalaises n’accélèrent pas les enquêtes pour que lumière soit faite, menacent-elles, le combat sera internationalisé. ‘’Nous avons commis un pool d’avocat pour défendre l’ensemble des victimes (…) nous avons une banques de données composées de témoignages et de films. S’il n’y a pas justice au Sénégal, il y aura justice ailleurs’’, a averti Seydi Gassama, président de Amnesty International.
M Gassama se dit, certes, confiant vis-vis des nouvelles autorités étatiques, mais demande des actes forts pour matérialiser la rupture par rapport au défunt régime. ‘’Le nouveau pouvoir, peut-être est dans de très bonnes dispositions, mais le système est là (…) il faut que le nouveau régime pose des actes concrets pour annoncer la rupture’’, a-t-il dit, parlant ‘’de possibles plaintes vers la France, notamment si rien n’est fait au Sénégal’’.