Le ver est dans l’assiette des taxes
De par l’articulation du système des taxes, le Sénégal a des produits pétroliers trop chers. Ils sont plus élevés que ce qui se fait dans presque tous les pays limitrophes. La taxe spécifique et la TVA y sont pour beaucoup.
889 F CFA le litre de super à la pompe contre 792 pour celui du gasoil. Au Sénégal, les prix des hydrocarbures sont très chers. Ils constituent un fardeau pour les industriels et les transporteurs. Bref, pour le citoyen qui est le consommateur final. Et sur qui est répercutée toute sorte de hausse des charges induites par le renchérissement d’un facteur de production d’un bien ou de réalisation d’un service. Cette cherté des prix n’est pourtant que la résultante d’un système d’imposition très pesant. Au Sénégal, le secteur pétrolier est un grand contributeur pour l’Etat. Les hydrocarbures font partie des biens les plus taxés.
Des chiffres obtenus chez des acteurs du secteur et les défenseurs des consommateurs font ressortir une taxation entre 48% et 50% du prix à la pompe pour le super et 36% à 40% environ pour le gasoil. Babacar Tall de l’ASPP le relève dans une interview accordée au magazine ‘’Réussir’’ en août 2013. ‘’Au Sénégal, sur chaque litre de super vendu sur la base de la structure des prix du 13 avril 2013 (les prix sont restés inchangés : NDLR), l’Etat encaisse 425,53 F CFA en droits et taxes, le distributeur fait une marge de 34,96 F FCA et le gérant gagne 10,50 F CFA. Finalement, sur le prix à la pompe de 889 F CFA, le prix du brut, CIF NWE qui sert de référence, n’intervient que pour 383,62 F CFA, soit 43,15%’’, précisait-il.
En fait, Il y a au total 5 taxes et impôts auxquels le produit est soumis avant qu’il n’arrive au citoyen quelconque. Il y a d’abord le Fonds de soutien à l’importation des produits pétroliers (FSIPP). Il représente 2,65% du prix du super à la pompe et 1,26% pour le gasoil. Il y a ensuite le Fonds de soutien à l’énergie qui va à la Senelec. Il est de l’ordre de 1,69% sur le prix du super et 2,53% sur le gasoil. Ces deux taxes cumulées ne font pas grand-chose, peut-être. On peut citer aussi le droit de porte, un tout petit peu plus élevé que les deux autres.
Il se chiffre à 4,72% pour le super et 5,9% pour le gasoil. Ce que les connaisseurs de l’activité appellent le droit de porte est en fait composé de droits douaniers et de redevances statistiques. Mais, pour la compréhension du profane, les acteurs le définissent comme les droits de douaniers tout court. Ce qui pose problème réellement, ce sont les deux dernières impositions : la taxe spécifique et la TVA. La taxe spécifique est de 24,37% sur le prix de vente du super et 13,13% sur celui du gasoil. Cette taxe dite spécifique est donc à elle seule 50% de toutes les impositions sur le produit, quand il s’agit du super. Elle représente 36,75% de toutes les taxes retenues sur le gasoil. C’est dire donc que cette taxe est bien spécifique sur le prix final.
Taxes : 27% du prix final au Mali, 48% au Sénégal
La cinquième et pas des moindres est la TVA. Elle est chiffrée à 15,07% du prix à la pompe du super et 13,91% sur celui du gasoil. Ce qui est surprenant avec la TVA, c’est qu’elle constitue une sorte de double taxation. En effet la TVA est assise sur le Prix parité importation (PPI). Or, ce prix est déjà frappé de taxes sur les droits de porte, la taxe spécifique et la marge distributeur. Ce qui signifie qu’il y a ici ‘’des taxes frappées de taxes’’.
S’il est vrai que ceci n’est pas une spécificité sénégalaise, il existe des différences notoires avec la sous-région. D’ailleurs, un coût d’œil sur ce qui se passe dans les pays voisins permet de trouver une explication à ce que les Sénégalais n’arrivent pas à comprendre. C'est-à-dire que tous les pays aient des prix moins élevés, alors même qu’un pays comme le Mali, territoire enclavé, voit son carburant transiter par le port de Dakar.
Si l’on prend l’exemple de deux voisins, l’ensemble des taxes prélevées sur le super s’élève à 27,82% au Mali et 34,90% pour la Côte d’ivoire, contre 48,50% au Sénégal. Pour le gasoil, il est de 16,24% au Mali et 14,32% en Côte d’Ivoire, là où il est de 36,72% au Sénégal. Le gasoil étant un produit essentiel dans les transports, c’est ici qu’on note la volonté politique ou plutôt les décisions stratégiques entre les différents pays.
Au bout du compte, quand le Sénégal vend le super à 889 F CFA, le Mali et la Côte d’Ivoire le cèdent respectivement à 750 et 792 F Cfa. Le gasoil est échangé à 792 F au pays des Lions de la Téranga, contre 665 chez les Aigles et 615 F CFA chez les Eléphants. C’est dire que si le Sénégal baisse le super et le gasoil respectivement à 94 F et 102 F, il sera toujours au dessus des prix appliqués par ses voisins. Et pour combien de temps encore ?