Publié le 25 Mar 2016 - 17:30
MACKY SALL A LA RENTRÉE DE L’ANSTS

‘‘Le Sénégal pourrait se retrouver sans terres’’

 

Le président de la République a été clair hier, lors de la séance officielle de l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS). Responsabiliser les Collectivités oui, mais pas au point d’immatriculer les terres en leur nom.

 

Le président de la République appelle à la prudence quant aux recommandations de l’Académie sur la responsabilisation des Collectivités locales en matière foncière. ‘‘Le Sénégal peut se retrouver, comme le Zimbabwe quelques années avant, sans terres puisque tout aura été vendu et ça deviendra des titres privés. Il faut que nous fassions très attention sur les pouvoirs à donner ou à transférer. Il faut donner la terre pour un usage, définir les formes juridiques. Je recommande la prudence, je ne serai pas du tout pas favorable à ce que les terres soient immatriculées au nom des collectivités. 

Ça, c’est exclu. En moins de 12 mois, ce sera terminé. Il n’y aura plus aucune terre dans le pays. Ce n’est pas une solution’’, a prévenu Macky Sall. Une hypothèse contenue dans les recommandations de l’Académie rejetée par un chef de l’Etat échaudé par la vague de bradage de terres qui avait atteint des sommets entre 2008 et 2011. ‘‘Toute erreur peut être fatale pour le pays. Il y a quelques années, les terres, d’ici jusqu’au Walo, ont été spoliées. On ne peut s’engager dans une dynamique où l’on va immatriculer les terres qui appartiennent au domaine national, à la nation ; même pas à l’Etat. Comment peut-on les donner à des collectivités où des gens sont élus pour un mandat et les vendre à des compagnies internationales ?’’ interpelle le chef de l’Etat.

Sourang en phase avec le Président

La loi de 2004 ayant instauré des droits réels sur les terres, la Commission nationale de réforme foncière (CNRF) avait estimé que l’Etat devait sortir les terres du domaine national par deux moyens : soit les donner en pleine propriété aux Collectivités locales, soit les leur donner en bail emphytéotique. Mais le rejet présidentiel remet tout en cause et rencontre l’adhésion du patron de la CNRF, Moustapha Sourang. ‘‘Il faut responsabiliser les collectivités mais que l’Etat reste dans le jeu. Nous sommes dans les mêmes dispositions que ce qui a été dit.

C’est juste un travail de précision’’, déclare-t-il.  Quant aux conclusions tant attendues des travaux de sa commission, dont la parution avait été annoncée pour décembre 2015, il déclare : ‘‘Nous avons pratiquement bouclé l’essentiel du document de politique foncière et des axes de la législation. Mais il faut mutualiser avec les acteurs, c’est le meilleur gage de la réussite’’, a-t-il poursuivi. Des conclusions qui prennent en compte la contribution de l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal. Nous apportons notre contribution pour que la commission nationale de réforme foncière puisse être dans les meilleures conditions et que le document qu’il va apporter puisse avoir le consensus des scientifiques et de tous les acteurs’’, estime Doudou Ba président de l’Académie.

Solutions

Quant aux projets en cours, Macky Sall a réitéré son engagement à atteindre l’autosuffisance en riz l’an prochain. Aussi a-t-il fait état des efforts du gouvernement : 5 milliards annuels pour la reconstitution du capital semencier, et 2 000 tracteurs pour la modernisation de l’agriculture d’un montant de 85 milliards. Mais avec le phénomène d’acquisition des terres à grande échelle, la raréfaction des terres et l’augmentation de la population, un stress foncier s’est développé pour atteindre son pic durant la crise financière en Europe en 2008. Selon le vice-président de l’Académie, Seydou Madani Sy, les prévisions doivent inciter à plus de réflexion. Sur 19 millions 627 hectares de superficies disponibles, seules 3 sont arables alors que la population sénégalaise devrait passer à 25 millions de personnes en 2035 et 34 millions en 2050.

La séance de l’Académie qui s’intéresse au ‘‘foncier au Sénégal, état des lieux et perspectives pour la modernisation de l’agriculture’’, tentera d’apporter des solutions scientifiques à la question.

OUSMANE LAYE DIOP

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