Ousmane Sonko enfonce le clou
Le débat relatif à l’impôt de l’Assemblée nationale est loin de connaître son épilogue. Face aux journalistes hier, le Président du parti Pastef (Patriotes du Sénégal), Ousmane Sonko, a commenté le communiqué du président de l’Assemblée nationale avant de le flinguer avec toute l’institution parlementaire dans son entièreté.
Le Président du parti Pastef est loin d’être convaincu par la déclaration du Président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, qui a sorti un communiqué pour réagir au débat sur le reversement de l’impôt des parlementaires. Au terme de sa lecture du communiqué du président de l’hémicycle, Ousmane Sonko retient trois points : des incohérences, des aveux et des omissions.
Pour les aveux, il déclare : ‘’Si vous enlevez les 120 millions des 174 millions, cela veut dire que la présente législature qui est là depuis 4 ans n’a reversé que 54 millions sur 460 millions. Cela signifie qu’il y a pratiquement 406 millions qui sont encore dans le vent, ce qui est différent des 140 millions qu’avance le président Niasse’’. Ousmane Sonko de poursuivre : ‘’Le président de l’Assemblée nationale lui-même a reconnu que son institution a fait l’objet de redressement fiscal. J’ai dit tantôt qu’on ne redresse que ce qui est tordu. Un redressement fiscal est toujours consécutif de la constatation d’une infraction à la loi fiscale. S’il admet avoir reçu un redressement fiscal, c’est qu’il admet quelque part qu’il y a eu fraude fiscale, défauts de reversements et violation de la loi fiscale’’.
Sûr de son propos, le fiscaliste fait remarquer que ‘’sur le montant, il y a dans la déclaration du Président Moustapha Niasse des omissions’’. ‘’La première omission, c’est que le personnel de l’Assemblée nationale ne s’arrête pas qu’aux députés. Il y a énormément de personnel politique casé à l’hémicycle et qui est rémunéré sur le budget de l’Assemblée nationale. Les 8 milliards alloués au personnel ne couvrent pas que les dépenses des parlementaires. Vous faites rapidement les calculs, vous verrez que les députés ne consomment même pas la moitié ou le tiers’’, croit savoir le leader de Pastef.
Toujours, selon ce dernier, le Président Niasse n’a pas donné le montant en ce qui concerne le personnel administratif de l’Assemblée. ‘’Et tout ce beau monde-là, poursuit-il, fait l’objet de rémunération et de retenue à la source sur les salaires. ‘’L’autre élément que Moustapha Niasse n’a pas soulevé, c’est la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) précomptée par l’Assemblée nationale sur ses marchés et sur ses acquisitions, ses dépenses courantes. Cette TVA également n’a pas fait l’objet de reversement’’, renchérit Ousmane Sonko.
A l’en croire, lorsqu’on cumule les retenues à la source sur les salaires des députés, du personnel, la TVA précomptée non reversée, le montant risque de dépasser de loin celui de 2 milliards 700 millions déjà avancé. ‘’Cette affaire révèle le manque de patriotisme et de civisme de l’Institution parlementaire à la tête de laquelle se trouve un chef de parti qui a bâti tout son profil autour d’un slogan « d’homme d’Etat hors pair ». Moustapha Niasse a été interpellé pour une première fois, en tant qu’ « homme d’Etat », sur une question d’Etat. Nous attendions une réponse d’un homme d’Etat qui s’est contenté de donner un communiqué ahurissant’’, regrette le président du parti Pastef.
L’amer réquisitoire d’un fiscaliste ‘’Aujourd’hui, l’Assemblée nationale du Sénégal est une zone de non-droit avec un budget de 16 milliards géré dans des conditions d’opacité. Le Président de l’Assemblée nationale donne : en veux-tu ? En voilà. On s’en sert à des fonds de campagne’’, dénonce Ousmane Sonko qui ajoute que cette question d’impôts de l’Assemblée nationale pose un débat beaucoup plus structurel autour des impôts des Sénégalais qui, selon lui, sont mal gérés. A cet effet, il estime qu’‘’il est important qu’à douze mois des élections législatives, on puisse faire un focus sur l’Assemblée nationale qui est un repère de politiciens qui ne sont là pour s’enrichir sur le dos du peuple, qui ne font absolument pas leur travail et qui se donnent en spectacle chaque jour à l’hémicycle comme de petits gamins’’. Mieux encore, ‘’ce sont ces mêmes députés qui ont voté d’ailleurs la modification de l’article 706 du Code général des impôts. Une modification qui a permis d’accorder des remises gracieuses à des multinationales et qui nous ont fait perdre plus de 50 milliards en moins de 8 mois. Cette Assemblée nationale-là, en plus de toutes ces forfaitures, est un fraudeur fiscal’’, accuse Sonko qui soutient que cette situation ne s’arrête pas à l’Institution parlementaire mais se retrouve dans toutes les institutions du pays. ‘’Je suis sûr que si vous remontez le filon, nous allons parler du Conseil économique, Social et Environnemental et je suis sûr que si vous allez à la Présidence de la République, les retenues ne sont pas opérées et reversées comme cela se doit. Le mal il est très profond’’, a-t-il déclaré. Raison pour laquelle, le fiscaliste demande à tous les acteurs de la société civile, les partis politiques ‘’crédibles’’, les journalistes et les citoyens de s’approprier cette question.Au Directeur général des Impôts et des domaines, Ousmane Sonko demande d’entreprendre des poursuites pénales prévues dans ce cas d’espèce. |
MAMADOU YAYA BALDE