Joe retourne à Ouakam
La communauté artistique sénégalaise ainsi que les autorités étatiques, religieuses et coutumières du pays ont rendu un vibrant et ultime hommage à l’artiste Issa Samb dit Joe Ouakam. La levée du corps s’est tenue hier à l’hôpital Principal de Dakar, suivie de l’inhumation au cimetière de Ouakam.
Décédé mardi dernier des suites d’une longue maladie, Issa Samb, plus connu sous le nom de Joe Ouakam, repose depuis hier au cimetière de Ouakam, auprès des siens. Mais auparavant, un ultime hommage lui a été rendu par la nation sénégalaise dans sa diversité, à l’occasion de la levée du corps qui a eu lieu à l’hôpital Principal de Dakar. Dès les premières heures de la matinée, la communauté artistique sénégalaise dans toute sa diversité, les personnalités étatiques du pays dont le président de la République, des chefs religieux et coutumiers, ainsi que les dignitaires lébous ont convergé vers l’hôpital Principal pour rendre un grand et dernier hommage au monument de la culture sénégalaise qu’était Joe Ouakam. Ainsi, de chaleureux et émouvants témoignages, dont celui du chef de l’Etat, ont fusé de toute part.
‘’C’est la première fois, depuis que je suis à la tête du pays, que le Conseil des ministres a été déplacé de son heure habituelle, le mercredi à 10h, pour me permettre de venir apporter un hommage à ce digne fils du Sénégal qui vient de nous quitter’’, déclare le président de la République, visiblement touché par cette perte. Macky Sall d’indiquer que la mort est toujours une surprise, bien qu’elle soit le destin de toute créature. ‘’Il n’y a d’éternel que Dieu, rendons Lui grâce, en toute circonstance, malgré la douleur incommensurable qui nous saisit, lorsqu’un être cher nous quitte pour toujours. Issa Samb, couché là devant, est une de ces figures dont la mort revêt une signification singulière’’, déclare le Chef de l’Etat. Qui, ajoute que ‘’Joe Ouakam était un artiste d’une dimension nationale et internationale incontestable’’.
Macky Sall : ‘’Il incarnait un humanisme si précieux pour notre époque tourmentée’
Selon le président de la République, ‘’rarement, on a côtoyé, dans notre pays, un homme qui aura organisé sa vie comme une œuvre d’art. Je veux dire une vie vouée entièrement à la création, défiant la mort et le désespoir. Ses œuvres étaient originales et empreintes à la fois d’inquiétude et d’espoir, à l’image de lui-même comme artiste intégral dans sa manière d’être, dans sa demeure, dans sa relation avec les autres et dans son regard sur son pays et le monde’’. Ainsi, le Chef de l’Etat dit regretter le fait que ‘’Joe Ouakam nous ait quittés, au moment où nous avons le plus besoin de sa présence rebelle, de sa parole étonnante et toujours remplie de sens, de sa colère juste et de ses valeurs sublimes faites de générosité et de solidarité’’. Le président Sall de rendre ce témoignage : ‘’l’homme que nous accompagnons, ce matin, à son ultime demeure, incarnait un humanisme si précieux pour notre époque tourmentée’’.
Il a aussi magnifié et réitéré tout le respect qu'il a toujours eu pour la personne de Joe Ouakam qui, pour lui, avait imposé sa présence bénéfique dans le landerneau artistique et culturel sénégalais. ‘’Il y a quelques années, j’avais convié des intellectuels et des hommes de culture au palais de la République pour une conversation franche, sans tabou. Issa Samb faisait partie des conviés. Nous avions alors échangé et j’ai senti en cet homme debout et toujours droit, frêle et plutôt déterminé, la puissance de la conviction, la forte volonté de mouvement et de progrès qui ne s’expliquent que par ces valeurs fondamentales qui font la singularité de l’homme.’’
‘’Le vivant est celui qui aide l’autre à vivre’’, disait-il
Du côté de sa famille, étaient présents des sœurs, des cousines, des cousins, des neveux et des nièces profondément émus et inconsolables. ‘’Issa est un homme intègre et sociable. Il côtoyait et aimait aider les faibles. Il passe inaperçu avec son accoutrement, mais il faut l’approcher pour le connaître. C’est un cerveau. Le Sénégal a perdu un monument de la culture’’, déclare un de ses cousins. Le Grand Serigne de Dakar, El hadji Abdoulaye Makhtar Diop, se souvient d’un camarade avec qui il partageait le pavillon A à la chambre 174 de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. De son avis, des miracles dormaient en cet homme. ‘’Il aidait les démunis à partir des revenus tirés de la vente de ses tableaux d’art’’, a-t-il affirmé. Pour sa part, Abdoul Ba est revenu sur la générosité du défunt. ‘’Nous devrions faire 7 voyages ensemble ; finalement, nous n’en avions effectué que 4. Il aidait les orphelins et les veuves. Joe s’intéressait à l’Homme. Il me disait souvent que le vivant est celui qui aide l’autre à vivre. Sinon, on n’est pas vivant’’, témoigne-t-il.
Les témoignages sont unanimes. L’homme a consacré toute sa vie à la culture et au social. Après la levée du corps, le cortège funèbre a pris la direction du cimetière de Ouakam où il repose désormais, auprès de ses ancêtres qu’il a toujours honorés à travers ses représentations.
HABIBATOU WAGNE