Vous avez dit patriotisme économique ?
Présidant mercredi le Symposium national pour une charte nationale de gouvernance des délégations de service public, Baïdy Agne, le président du Conseil national du patronat (CNP), a réitéré ce qui semble être son cheval de bataille depuis l’accession de Macky Sall à la magistrature suprême.
C'est-à-dire militer activement pour un ‘’patriotisme économique’’ qui consisterait, selon lui, à permettre aux privés nationaux de bénéficier de marchés ou de concessions et de délégations de services publics que le défunt pouvoir attribuait aux entreprises étrangères. A en croire M. Agne, de nombreuses conventions de concession ont été faites ‘’sans le secteur privé national’’. Il s’agit notamment de l’attribution de la troisième licence de téléphonie à SUDATEL, de la Concession du terminal à conteneurs du Port à DP world, des Industries chimiques du Sénégal, de la Société africaine de raffinage (SAR), du secteur des mines, entre autres. Toute une volonté, pour ne pas dire un programme qui a déjà trouvé un écho favorable chez les nouvelles autorités politiques qui l’avaient exprimé dans leur projet politique soumis à l’appréciation des électeurs sénégalais et qui l’ont réitéré la semaine dernière, lors du Conseil des ministres décentralisé de Kaolack.
Mais, cela n’empêche qu’il faut se poser des questions et notamment poser des questions à Baïdy Agne et aux membres du CNP sur leur attitude face à la gouvernance nocive et toxique de Wade durant ses 12 années au pouvoir. En effet, sous Wade, des entrepreneurs comme Bara Tall ont été ruinés et des entreprises étrangères promues. Le patron de Jean Lefebvre Sénégal (JLS), un vrai self made man qui aurait dû être porté au pinacle pour avoir racheté une entreprise étrangère et en avoir fait un fleuron dans son domaine d’activité, méritait certainement d’être défendu au nom du patriotisme économique. Mais, c’est seulement l’organisation à laquelle il appartient (la CNES) qui a porté son combat ? Le CNP de Baïdy Agne préférant ne pas s’aliéner un pouvoir qui commençait à en faire son organisation favorite parce que ses entreprises gagnaient bizarrement les marchés de l’Etat. C’est le cas notamment de l’entreprise de Baïdy Agne (SINCO) qui gagne un marché dont les caractéristiques techniques ont été modifiées pour justement… empêcher Bara Tall de le gagner (le patron de JLS avait remporté le premier appel d’offres qui sera finalement annulé). Et que dire de la concession de l’hôtel Méridien à une entreprise appartenant au CNP sans appel d’offres ?
De même, il est à se demander où étaient le CNP et son président quand des forces vives de la Nation réfléchissaient sur le devenir l’entreprise sénégalaise dans le cadre des Assises nationales. Qu’ont-ils fait quand l’organisation sœur (que nous ne défendons pas au passage) était vouée aux gémonies pour avoir participé à ces Assises ? Ou quand le pouvoir de Wade a voulu politiser la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Dakar (CCIAD) ou l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (UNACOIS) ? Ou encore quand l’Etat avait, de façon unilatérale, modifier le Code des marchés pour soustraire du principe de contrôle plus de 500 milliards de francs Cfa de commande publique ?
Sur toutes ces questions et tant d’autres, il aurait fallu que ceux qui prônent aujourd’hui le patriotisme économique se prononcent, et de façon tranchée. Mais pas comme ce qu’a fait le CNP quand le Code des marchés fut modifié. L’on se souvient que l’organisation dirigée par Baïdy Agne a signé la lettre de protestation des organisations patronales adressée au Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye. Mais n’a pas voulu en faire autant pour la missive qui devait être envoyée aux partenaires au développement.
Bachir FOFANA