L'avenir du M23 en question
Après avoir réussi à empêcher le vote de la loi relatif au ticket présidentiel et précipiter la chute du régime d’Abdoulaye Wade, le M23 est aujourd’hui face à son avenir. «Où va le M23 ? Va-t-il continuer sa verticalité ? Va-t-il se donner Sa verticalité va-t-elle se pencher vers le nouveau pouvoir ?» Autant de questions qui préoccupent Babacar Touré, président du Groupe Sud communication, en ce premier anniversaire des événements du 23 juin. Modérateur du panel organisé hier au centre Daniel Brottier, BT, comme on l'appelle, considère que la structure coordonnée par Alioune Tine doit nécessairement faire son aggiornamento compte tenu du contexte de nouvelle alternance à la tête pays. «Il y a le dit, le non dit, et la pratique, indique-t-il.
Il y a des gens avec qui vous n’irez plus au combat». Autrement dit, des membres du M23 issus de la société civile vont quitter la barque pour rejoindre des formations politiques. Ce qui n’est pas sans risque pour ce mouvement citoyen populaire, selon le Pr. Ismaël Madior Fall, pour qui le Sénégal a besoin d’un instrument comme le M23 pour engager les «réformes constitutionnelles» attendues du régime Macky Sall. A savoir : «une présidence de la République rationalisée», «un parlement fort qui devient un pouvoir», «une justice constitutionnelle» dont les membres ne se déclareront pas systématiquement «incompétents» comme par le passé. Cet état de fait découle du fait que, selon le Pr. Fall, depuis l’indépendance, «le président de la République est le seul canal d’où coule la puissance». Pour reverser la tendance, le Pr. Fall invite le M23 «à être le témoin qui va accompagner les réformes» souhaitées et dont les méthodes seront «inclusives». Dorénavant, «il ne faut plus que les réformes soient octroyées mais négociées», déclare Ismaïla Madior Fall.
«Meilleure répartition des richesses»
Une position réaffirmée par Me Adama Guèye, membre du M23 qui se veut, tout de même, optimiste quant à l’avenir du mouvement. Introduisant le thème : «Valeurs citoyennes», ce membre du Conseil d’administration de Amnesty international pense qu’«aucun nouveau pouvoir ne peut ignorer ce qui s’est passé le 23 juin» et qui a donné naissance à ce vaste élan populaire. C'est pourquoi «il est pernicieux de se demandent si le M23 est encore opportun» ou pas. Lui considère simplement que «le M23 n’est pas une fin en soi, il va demeurer» après avoir rendu possible le début «d’un processus de 'sacralisation de la constitution' par les citoyens» et «réhabilité notre devise : un peuple, un but, une foi».
Pour le juriste Sidiki Kaba, président d'honneur de la Fédération internationale des ligues de droits de l'Homme (FIDH), le «23 juin a changé le cours de l’histoire», mais il reste encore du chemin à faire. Et l’un des plus importants chantiers à prendre en charge à ses yeux est celui de la bonne gouvernance. A et effet, il exhorte le nouveau régime à lutter contre «l’Etat arbitraire», «la corruption», et surtout à procéder à une «meilleure répartition des richesses».
Les débats ont été passionnants, voire houleux par moment. Un intervenant s’est dit «surpris» des propos du modérateur Babacar Touré qui pense que «les assises nationales ne constituent pas la panacée» par rapport aux crises que traverse le Sénégal. Le patron de Sud Com reprend alors le micro pour préciser sa pensée tout en maintenant sa positon. «Vous souffrez de contradiction», lui dit BT. «Non, rétorque l'intervenant, j’ai participé aux Assises nationales et je considère que c’est un travail exemplaire». Pour clore ce débat, Babacar Touré lui rappelle alors qu’il n’est pas question d’Assises nationales à ce panel, mais plutôt de 23 Juin.
DAOUDA GBAYA