Publié le 31 Jan 2021 - 13:20
INTERROGATIONS AUTOUR DU VACCIN ANTI-COVID-19

Les académiciens rassurent l’opinion publique

 

Le vaccin est le seul recours pour combattre la Covid-19, selon les professionnels de la santé. Le Sénégal est dans un processus d’acquisition de ses doses. Quel est le degré d’efficacité du vaccin ? Qui doit être vacciné ? Quels risques encourent les personnes allergiques à certains médicaments ? Autant de questions abordées, hier, lors d’une rencontre virtuelle de l'Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS), par le PDG de l'Institut de recherche en santé, de surveillance épidémiologique et de formation (Iressef-Diamniadio), le Pr. Souleymane Mboup, et le spécialiste des maladies infectieuses et tropicales, le Pr. Papa Salif Sow. Ils ont rassuré l’opinion sur l’efficacité des vaccins.

 

Le Sénégal est dans un processus d’acquisition des vaccins, à l’image d’autres pays, dans le cadre de coalition internationale dite Covax. L’objectif est de vacciner 70, voire 80 % de la population au niveau national et international pour ‘’obtenir une immunité collective de protection’’. D’après le ministère de la Santé, au courant des mois à venir, le Sénégal devra recevoir ses vaccins.

Ainsi, hier, une séance académique virtuelle a été organisée par L’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS). À l’occasion, le président-directeur général de l'Institut de recherche en santé, de surveillance épidémiologique et de formation (Iressef-Diamniadio), membre de l'ANSTS, le Pr. Souleymane Mboup, et l’expert en santé globale et diplomatie, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales, membre de l'ANSTS, le Pr. Papa Salif Sow, ont tenté d’éclairer la lanterne par rapport aux nombreuses questions qui se posent à la suite de l’annonce d’un éventuel vaccin pour tous.

Traditionnellement, le travail d’invention de vaccin dure entre 5 et 10 ans. Mais, d’après le Pr. Sow, le coronavirus a entrainé une ‘’révolution extraordinaire’’ dans le domaine de la vaccinologie. Au lieu de 15 ans, c’est 10 à 12 mois maximum pour trouver ce vaccin. Ce qui n’a jamais existé dans l’histoire de la médecine. ‘’Il y a actuellement 237 candidats-vaccins au monde qui sont actuellement entrés au laboratoire. Sur le plan bio-statistique, l’efficacité du vaccin est avérée de 95 %. Ce qui est très important. C’est une validation scientifique de ce que Pfizer et BioNtech ont fait. Mais est-ce que cette efficacité est homogène ? Est-ce qu’on peut retrouver cette efficacité au niveau des différentes tranches d’âge ? Que l’on soit noir, blanc, etc., selon les groupes ethniques qui ont été impliqués dans cela, l’efficacité est confirmée à 97 %. Sur le plan scientifique, c’est un bon vaccin. Aujourd’hui, Pfizer a reçu son autorisation avec 95 % d’efficacité’’, rassure l’expert en santé globale et diplomatie.

D’ailleurs, M. Sow rappelle que Pfizer a programmé 50 millions de doses depuis début 2020, 1,300 million pour 2022. Au total, c’est 8 milliards et 20 millions de doses produites en 2020 et 2021 par les différentes firmes pharmaceutiques, pour vacciner la moitié de la population mondiale, si on tient compte du fait qu’il faut deux doses par personne. ‘’Il faut plus de laboratoires pour vacciner tout le monde. Si on se base sur Pfizer et Moderna, on ne pourra pas couvrir le monde entier. Il faut la solidarité internationale pour vaincre le virus. Personne n’est en sécurité quand tout le monde n’est pas en sécurité. Si on vaccine le Nord et que le Sud n’est pas vacciné, cela va créer des problèmes’’, poursuit-il.

L’Afrique n’ayant pas les ressources financières pour se procurer les vaccins, face aux commandes des grandes puissances économiques, le Pr. Sow estime que la Coalition Covax est une solution internationale pour aider les pays à moyen limité, au moins d’avoir 20 % de la dose au courant de 2021. Des doses seront consacrées aux populations prioritaires. ‘’C’est important, mais quand est-il des 80 % ? C’est pour cela que l’Union africaine a signé, le 19 janvier dernier, avec l’aide d’Afreximbank, 2 milliards de dollars US pour acheter 270 millions de vaccins. Or, nous sommes plus d’un milliard de personnes en Afrique. En dehors de ces initiatives, il nous faut aussi une initiative nationale’’, dit-il.

Continuer les transferts de technologie pour la production locale de vaccins

Pour le spécialiste des maladies infectieuses et tropicales, il est important qu’au niveau national, les autorités puissent prévoir quelque chose pour cela. ‘’Au niveau sous-régional, il faut surtout la continuité des transferts de technologie pour la production locale de vaccins. Nous avons, dans certains pays, la capacité et l’échelle de production. Ce qu’il faut faire également au niveau national, en attendant les vaccins, c’est de voir les populations à vacciner. Il faut préparer la logistique nécessaire. Parce que cela va poser beaucoup de problèmes’’, préconise le Pr. Sow.

Les forces de défense et de sécurité connaissant la logistique. Il pense qu’elles pourraient aider le pays à mettre en place ces unités de vaccination. Les ressources humaines, matériels, financières sont nécessaires, d’après lui. ‘’Il n’y a pas que le vaccin. Il faut la formation du personnel, les seringues à acheter et tout ce qui va avec. C’est ce qu’il faudra dès maintenant programmer. Il faut aussi voir, avec nos jeunes informaticiens, comment rappeler les gens pour qu’ils prennent la deuxième dose. Il ne suffit pas de prendre une dose et disparaitre ; il faut revenir 4 semaines plus tard. Il faut des sites de vaccination beaucoup plus proches des populations’’, souligne-t-il.

L’expert en santé globale et diplomatie juge primordial de développer dès maintenant un plan de communication pour l’éducation et la sensibilisation des populations, avec une traduction sur toutes les langues nationales. ‘’La méfiance du vaccin a toujours existé, mais avec les réseaux sociaux, cela s’est amplifié. Il faut instaurer un dialogue citoyen avec la participation de tout le monde, renforcer les mécanismes du dialogue populeux en impliquant tout le monde’’, suggère le Pr. Papa Salif Sow.

Les effets secondaires jugés ‘’mineurs’’

En effet, frappé par une deuxième vague qui a poussé le gouvernement à revenir à des mesures sanitaires strictes, le Sénégal a annoncé, ce jeudi, avoir détecté, pour la première fois, le variant britannique, réputé plus contagieux.

Face à ce nouveau variant, les vaccins existants sont-ils efficaces ?  ''Pour le moment, avec les mutations, les vaccins sont encore efficaces à 75 %‘’, rassure le Pr. Souleymane Mboup. Aux personnes qui craignent les mauvaises réactions à l’injection, il leur dit que cela n’arrive que pour les personnes présentant des antécédents de manifestations d’allergie. ‘’Quatre-vingt-quatre millions de personnes ont été vaccinées dans le monde. Ce qu’on a noté, ce sont des effets mineurs : un peu de fièvre, de la fatigue, etc. Et pour le vaccin contre la grippe, on n’a pas noté de choses extraordinaires. Par contre, on a noté 21 cas de réactions allergiques. Ils avaient déjà des antécédents allergiques’’, dit-il, précisant qu’il est prévu, dans la stratégie de vaccination contre la Covid-19, de suivre de très près le cas de ces personnes.

À la question de savoir pourquoi le Sénégal n’a pas tenté d'enrayer la propagation de la maladie à travers l’immunité collective, il rétorque : ‘’L’immunité collective n’a jamais marché.’’ Selon lui, les pays qui l’ont essayé ont tout bonnement échoué. ‘’Les gens qui l’ont adopté l'ont beaucoup regretté. Des études qui sont faites à Iressef ont montré qu’il y avait la circulation du coronavirus avec une moyenne de 20 % de personnes contaminées. Et cela peut aller jusqu’à 40 % dans certaines populations. Mais pour que cette immunité collective soit efficace, il faut qu’elle soit au moins de 75 à 95 %’’, a-t-il indiqué. ‘’La preuve, avec les régions où nous avons un taux d’immunité assez élevé, avec la deuxième vague, on voit des cas. Donc, c’est le vaccin qui nous permettra de s’en sortir’’, a-t-il ajouté.

Mais les malades guéris de Covid-19, devront-il faire partie des personnes à vacciner ? Pour Papa Salif Sow, dans une approche de santé publique, ‘’il faut que tout le monde soit vacciné’’. Parce que, d’après lui, le degré de protection de ces personnes n’a été réellement mesuré, de même que la durée de cette protection. Pour l’heure, ces spécialistes demandent un renforcement de l’idée de l’approche communautaire pour que tout le monde s’approprie les mesures barrières. De plus, ils demandent aux populations de faire confiance à la science et aux professionnels de la santé. ‘’Les autorités ne vont pas valider un vaccin pour ruiner les populations. Et nous personnels de santé, nous sommes là pour vous protéger. Des gens ont prêté serment’’, disent-ils, appelant les agents de la santé de ‘’ne dire rien que la vérité basée sur des faits sceptiques’’.

Cependant, le Pr. Sow reconnait, pour sa part, qu’il existe encore des questions scientifiques, concernant notamment la durée d’immunité des vaccins. ‘’Peut-on retarder l’administration de la 2e dose afin de pouvoir vacciner le maximum avec la première dose ? Quelle est l’efficacité des vaccins actuellement disponibles sur les nouveaux variants britannique et sud-africain dans le court et le moyen terme ? Donc, cela nécessite un suivi continu, le recueil des informations, des données, la documentation scientifique régulière et une production scientifique journalière très fournie’’, préconise-t-il.

BABACAR SY SEYE - MARIAMA DIEME

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