Le diagnostic des scientifiques
Depuis le début de la pandémie de Covid-19, plusieurs individus sont soupçonnés d’avoir été contaminés deux fois. Les scientifiques n’écartent pas la réinfection ou rechute causée par une réponse immunitaire très faible.
La question de la possibilité d’une réinfection ou rechute taraude les immunologistes et les virologues. Bien que, par analogie aux autres coronavirus, nous dit-on, la maladie Covid-19 induite par le SARS-CoV-2 ait été initialement supposée monophasique et transitoirement immunisante. Des sources rapportent des patients avec un 2e épisode.
Au Sénégal, même si on n’en parle pas, lors de la première vague, le pays a connu un cas de réinfection. Ce dernier a créé une véritable polémique avec l’Institut Pasteur de Dakar. Une polémique qui a valu la tenue d’une conférence de presse par le directeur dudit institut. Quoi qu’il en soit, le patient a fini par mourir, emportant avec lui la vérité sur sa maladie.
Comment une personne rétablie d’une infection peut être à nouveau porteur du virus ? Selon le docteur Ibou Guissé, membre de l’équipe technique du Service national de l’éducation de l’information pour la santé (Sneips), la rechute traduit un nouveau départ d’une maladie existante traitée et en voie de guérison, souvent provoquée par une mauvaise observance du traitement. Tandis que la récidive se définit comme la réapparition d’une maladie dont un sujet déjà atteint était complétement guéri. ‘’Ce qui soulève la question sur le degré de l’immunité qui peut être construit contre le virus et qui est relative et différente d’une personne à une autre. Les patients guéris de Covid développent des anticorps neutralisants qui peuvent constituer un rempart pendant un ou deux mois. Donc, il faut comprendre que la Covid-19 n’est pas une maladie auto-immune. Cela veut dire que le patient était déclaré guéri, alors qu’il ne l’était pas, soit, il y a eu ré-infestation’’, précise le Dr Guissé.
A son avis, la réponse immunitaire n’étant pas très forte, on peut penser qu’il est possible d’avoir des cas de ré-infestation ou un rebondissement du virus, ou bien un problème de prélèvement, dans certains cas. ‘’Il est important de savoir qu’on peut attraper plusieurs fois le virus (ré-infestation). Et, malheureusement, être plus malade la deuxième fois, car le système pulmonaire étant déjà affaibli lors de la première infection et, donc probablement, une ré-infestation peut être de trop’’, renseigne le médecin.
Dans tous les cas, un constat est fait. Beaucoup de personnes déclarées guéries font une détresse respiratoire et meurent une fois à la maison.
‘’Après guérison, les malades peuvent développer des séquelles différentes’’
Toutefois, le Dr Guissé soutient que, pour une maladie virale comme la Covid-19, être déclaré guéri veut dire qu’on n’a plus le virus dans son organisme. C’est pourquoi, dit-il, au Sénégal, on fait deux fois le test à 48 heures d’intervalle, avant de vous déclarer guéri. Seulement, après guérison, renseigne le Dr Guissé, les malades peuvent développer des séquelles différentes d’un individu à l’autre. Parmi les accidents, il y a l’embolie pulmonaire qui, malheureusement développée à domicile, peut être mortelle assez rapidement. ‘’Il faut auditer ces décès, avant d’affirmer quoi que ce soit. Je sais que les responsables de la prise en charge, notamment les équipes du Pr. Seydi et le Cous, travaillent à documenter tout cela véritablement. Au moment opportun, ils pourront communiquer sur cela, si c’est avéré ou pas, car je n’ai pas assez d’informations pour affirmer cette thèse’’, fait-il savoir.
Alors que le monde se bat pour faire reculer la menace pandémique, la confirmation de l’hypothèse que le virus peut frapper au moins deux fois la même personne peut sembler alarmante. Mais elle n’a pas surpris la communauté scientifique. “Nous avons dit, presque depuis le début de l’épidémie, que les défenses immunitaires duraient entre quatre et six mois chez les personnes qui ont souffert d’une forme légère de la Covid-19”, souligne le docteur Paul Bassène, microbiologiste et spécialiste des maladies infectieuses émergentes à l’université Paris 8 (France), contacté par ‘’EnQuête’’.
Et de poursuivre : ‘’Il est donc possible que le SARS-CoV-2 frappe silencieusement, lorsqu’il contamine pour la deuxième fois une personne. Cela devient plus dangereux, car ça entraine la mort. Parce que le système du patient est affaibli. Ses organes sont attendris. Cette rechute ou réinfection explique le nombre élevé de décès dans plusieurs pays’’, annonce-t-il.
Par ailleurs, le Dr Bassène soutient que la règle générale, en virologie, est que, quand on a eu une maladie virale, on ne se réinfecte pas avant un certain temps. Mais, dit-il, cela ne dit rien sur la durée de l’immunité, ni ce qui se passe chez les nombreuses personnes qui s’infectent sans être malades. ‘’Ce qui peut se passer, c’est que les formes mineures entraînent une immunité de faible niveau, de faible durée. Et que les infections systémiques graves induisent une immunité de plus longue durée. Parce la présence des anticorps post-infectieux, généralement très importants dans la protection, semble courte. Donc, s’il y a protection dans les mois qui suivent, elle ne s’étendra pas très longtemps. Même s’il y a une prévalence d’anticorps importante dans la population, ils circulent chaque année’’, explique le microbiologiste.
‘’’L’enjeu est de savoir si les personnes contaminées pour la deuxième fois peuvent être contagieuses’’
Selon le médecin, la réponse immunitaire, face à la Covid-19, peut varier selon les personnes. Cependant, la possibilité avérée de réinfection fait que des questions qui restaient jusqu’à présent théoriques deviennent très concrètes. “L’un des principaux enjeux est de savoir si les personnes qui sont contaminées pour la deuxième fois peuvent être contagieuses et à quel point”, note-t-il.
A son avis, si d’autres cas venaient à être identifiés, il sera important de faire des tests sérologiques approfondis pour comprendre quels sont les risques. Car, pour le médecin, si l’immunité peut disparaître après seulement quelques mois, l’efficacité d’un vaccin peut sembler toute relative.
Néanmoins, il se veut moins pessimiste sur cette question : “On sait que les vaccins procurent généralement une immunité qui dure plus longtemps que celle qui survient naturellement après une contamination”, rassure le Dr Bassène.
Dans la même veine, une source souligne que les développements des vaccins doivent prendre en compte ce risque. ‘’C’est sans doute le mécanisme qui a arrêté le vaccin contre la dengue développée par Sanofi’’, confie-t-elle. A son avis, ces anticorps sont des non-neutralisants (ne neutralisent pas l’infection par le virus), qui se fixent dans un domaine autre que celui nécessaire pour le neutraliser ou qui sont en proportion trop faible. Ils peuvent, dit-il, faciliter l’entrée du virus dans des cellules immunitaires comme les macrophages et peuvent stimuler une réponse immune exacerbée. ‘’Soit ils peuvent faciliter l’infection, soit ils peuvent faciliter une réponse immunitaire excessive ou déviée’’, informe notre source.
Avant d’ajouter qu’une étude rétrospective observationnelle doit être lancée pour recenser les patients présentant un 2e épisode aigu symptomatique de Covid-19, défini par au moins un signe clinique majeur typique et une PCR SARS-CoV-2 positive dans les voies aériennes. ‘’La plupart du temps, la rechute ou la réinfection survient après au moins 21 jours du début du 1er épisode. Ou après une phase de guérison clinique (retour à l’état antérieur ou sortie de soins aigus sans oxygène), sans diagnostic différentiel infectieux, thromboembolique ou inflammatoire’’.
D’ailleurs, notre interlocuteur nous rapporte les résultats d’une étude exploratoire qui confirme la possibilité de récurrence de symptômes après guérison clinique d’un premier épisode de Covid-19. ‘’La positivité des PCR au 2e épisode (de plusieurs gènes ou avec CT bas) et au moins une culture virale positive, sans diagnostic différentiel identifié, sont en faveur d’une origine virale à ces récurrences. Les caractéristiques des deux groupes de patients suggèrent soit des réinfections, soit des réactivations virales’’, informe-t-il.
A son avis, un déficit immunitaire relatif cellulaire ou humoral pourrait entraver la clairance virale ou l’efficacité immunitaire antivirale. Sur ce, il soutient que de plus larges études épidémiologiques et immuno-virologiques sont nécessaires pour comprendre la fréquence et le mécanisme de ces récurrences.
VIVIANE DIATTA