Publié le 30 Mar 2021 - 00:55
JOURNÉE MONDIALE DU THEATRE

Les professionnels veulent sortir du gouffre

 

La cérémonie officielle de la Journée mondiale du théâtre s’est tenue, ce samedi 27 mars,  au Théâtre national Daniel Sorano. Les professionnels de ce sous-secteur en ont profité pour opérer un diagnostic de leur métier.

 

Le Sénégal a célébré, à l’instar de la communauté internationale, la Journée du théâtre. À Sorano, la traditionnelle cérémonie inaugurale de ladite journée s’est tenue ce samedi. Elle a été marquée par la sobriété, en raison de la crise sanitaire de la Covid-19 qui oblige à observer les mesures barrières.  D’ailleurs, ce n’est qu’à la veille de cette fête que les grandes salles ont reçu l’autorisation d’accueillir le grand public. Ainsi, c’est le début d’une reprise totale de l’activité théâtrale qui a connu un coup de frein, à cause de cette pernicieuse pandémie.

‘’Pour ses initiateurs et pour tous ceux qui la servent à travers le monde, la Journée mondiale du théâtre est aussi un moment de réflexion permettant d’opérer un diagnostic régulier et sans complaisance de la situation du 4e art’’, a estimé le directeur de cabinet du ministère de la Culture, Demba Faye. Pour leur part, les professionnels de ce sous-secteur n’ont pas tardé à exposer leurs problèmes. Parmi les contraintes auxquelles ils sont confrontés, il y a le manque de financement structuré.

‘’Notre écosystème artistique est fortement enrichi de nouveaux accords. Sur le plan de la création, force est de reconnaître que les rares créations qui sortent du lot sont des coproductions soutenues par la coopération internationale’’, constate l’artiste comédien Abdel Kader Diarra dit ‘’Pichininico’’. 

Sous les applaudissements de ses pairs, il s’interroge : ‘’De ce point de vue, faut-il se réjouir que certains jeunes artistes de la génération se distinguent particulièrement par la mobilité de leurs créations qui se multiplient sur toutes les scènes d’ici et d’ailleurs ?’’.  Selon le fondateur du Comedy Show et du Dakar Comedy Club, bon nombre d’initiatives ont disparu de l’agenda théâtral africain, voire de l’espace francophone, par défaut de financement structuré.

Ainsi, il estime que cette génération doit être accompagnée et soutenue par la mise en place d’un fonds dédié aux arts vivants. Un fonds où le théâtre trouvera naturellement son compte. Cela permettrait ainsi d’impulser la création et la diffusion. ‘’Notre vœu est que ce fonds soit effectif, fonctionnelle, efficace, efficient, avec, en amont, des critères d’éligibilité établis avec la participation de tous les acteurs, en tenant compte de la territorialisation des politiques publiques et surtout un cachet fort de l’équité territoriale’’, poursuit-il, invitant le gouvernement à continuer les chantiers culturels entamés et à aller au-delà des infrastructures importantes.

Une nouvelle Ecole des arts à Diamniadio

L’autre problème du théâtre sénégalais est lié à la diffusion, à la promotion et à la consommation du produit culturel. À cet effet, le nouveau directeur de Sorano, Abdoulaye Koundoul, a insisté sur le fait qu’il faut créer des espaces de diffusion de proximité. ‘’Aujourd’hui, à Dakar, c’est vrai que nous avons le Grand Théâtre, le Théâtre national Daniel Sorano et quelques centres culturels. Mais c’est des espaces qui ne vont pas jusqu’en banlieue. Tout est concentré sur Dakar et ses environs. Or, on sait bien que les 3/5 de la population dakaroise sont confinées au niveau de la banlieue. Donc, il va falloir renforcer ces espaces de diffusion avec des espaces de diffusion de proximité qui ne sont pas assez élitistes, à l’image de Sorano, pour permettre de diffuser le théâtre à grande échelle'', a-t-il soutenu. 

Sur ce point, le ministère de la Culture et de la Communication s’est voulu rassurant. Il a, en effet, réitéré ‘’l’engagement du gouvernement à faire découvrir et faire partager à tous les Sénégalais, dans tous les terroirs, une production artistique et théâtrale de renouveau’’.

La problématique de la formation a aussi retenu l’attention des acteurs du théâtre. Ainsi, les informations qu’ils ont reçues concernant la nouvelle Ecole nationale des arts et métiers dont l’érection est prévue à Diamniadio, présage, selon eux, des lendemains meilleurs pour les jeunes désireux de se former dans les métiers des arts et de la culture. Comédien, metteur en scène et entrepreneur culturel, Papa Meissa Guèye propose la création d'une école qu'il nomme ‘’labo-créatif’’. Cette école est une sorte d'alternative qui, durant trois ans, devra régler les urgences de l'heure. ‘’Aujourd’hui, au Sénégal, on a de moins en moins de dramaturges. Et l’écriture ne répond plus aux exigences des créateurs. Nous avons des problèmes de scénographe, de metteur en scène, mais aussi de jeu d’acteurs’’, analyse l’auteur du livre ‘’Quelle politique pour la relance du théâtre au Sénégal’’.

Mais Demba Faye s’est voulu rassurant. Il estime que le président Macky Sall ‘’souhaite renforcer les cadres d’échange, d’expressions, de formation et de revalorisation du patrimoine et de la diversité culturelle''. Mais, précise-t-il, la mise en œuvre et la réussite d’une telle vision passe nécessairement par l’engagement des créateurs et artistes, et par l’unité des acteurs culturels.

Ainsi, le représentant du ministère Abdoulaye Diop a profité de ce moment pour exhorter à une union sacrée des forces vives de la culture autour de ce projet du président. ‘’Loin de se limiter à la perpétuation traditionnelle d’un simple rituel, cette commémoration est à placer dans les retrouvailles familiales entre les professionnels de tous les corps de métier de notre théâtre’’, a-t-il demandé.

Pour terminer la cérémonie en beauté, l’Association des femmes comédiennes a presté quelques parties d’une pièce qui évoque le rôle de la tontine. Une occasion pour elles d’utiliser le rire comme arme, afin de dénoncer les violences faites aux femmes.

BABACAR SY SEYE 

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