Publié le 25 Jul 2021 - 16:26
MADANY SY, SECRETAIRE GENERAL DU SYNDICAT NATIONAL DES TRAVAILLEURS DU NETTOIEMENT/CSA 

‘’Nous avons des problèmes au niveau des communes’’ 

 

Après la Tabaski, dans les marchés et points de vente de moutons, c’est le grand nettoyage. C’est ainsi que l’Unité de coordination de la gestion des déchets solides (UCG) a déployé les gros moyens pour la salubrité de la capitale sénégalaise. Seulement, regrette le secrétaire général du Syndicat national des travailleurs du nettoiement, Madany Sy, certaines municipalités ne se sont pas impliquées dans la gestion des ordures. 

  

Au lendemain de la fête de Tabaski, quel dispositif avez-vous mis en place pour assurer la salubrité de la ville de Dakar ?  

Nous avons passé ces fêtes difficilement, parce que l’UCG avait mis en place un dispositif qui s’appelle APA (Avant, pendant et après). Presque un mois avant la Tabaski, nous avions renforcé le dispositif de nettoiement au niveau des concessionnaires, du balayage et de la collecte, pour parer à toute éventualité.  Et le jour de la Tabaski, à 11 h déjà, nos effectifs étaient sur place au niveau de la collecte pour résorber le déficit qu’il y a dans les quartiers. Quand la collecte n’est pas bien faite, on retrouve des dépôts sauvages sur certaines grandes artères. L’UCG a mis en place une équipe qui s’appelle l’UVS (Unité de veille et de sensibilisation) qui a sillonné les marchés, les foires, ainsi que les sites de forte production. Le but est de changer les comportements et de sensibiliser sur les passages des véhicules de ramassage avant, le jour J et le lendemain de la fête…

Il y a aussi les points de regroupement normalisés qui sont au nombre de 149 sur l’étendue du Sénégal.  Soixante-six points de propriétés spécialement dédiés à la Tabaski ont été également mis sur pied. Ces points sont érigés au niveau des foirails où l’on constate parfois une anarchie, à cause de l’absence de sites pour déverser les ordures. Ils ont aussi mis en place des bacs à ordures dans les marchés pour récupérer le volume de déchets qui est souvent collecté par les charretiers, les pousse-pousse afin d’éviter le débordement des travailleurs.  

Avec ce dispositif, comment se sont passées les opérations ces derniers jours ? 

Nous avons eu des problèmes, et avec les marchés en premier. Tout le monde sait que le nettoiement est une compétence transférée aux collectivités territoriales. Ce sont les mairies qui doivent gérer les ordures ; elles ont des agents de nettoiement et un budget dédié exclusivement à cela. Mais elles ne le font pas. Nos agents n’ont pas le droit d’accéder à l’intérieur des marchés. Nous ne devons prendre que les ordures des grandes artères et la collecte porte-à-porte. Souvent, les maires demandent des taxes aux tabliers et commerçants qui doivent assurer la salubrité, mais ce n’est pas toujours le cas. C’est l’UCG qui assure tout le travail et on ne voit pas l’argent récolté par ces maires.  

Les agents municipaux sont chargés d’effectuer le travail en amont pour vous faciliter la tâche… 

Cela devrait se passer comme ça, mais tel n’est pas le cas. Les municipalités organisent souvent des foires dans les marchés et louent toutes les places. Avec ces millions récoltés, il devrait y avoir une synergie entre maires et travailleurs de l’UCG pour au moins quantifier le besoin matériel, financier et humain pour un état des lieux et intéresser les volontaires qui viennent nettoyer. Idem pour les foirails où souvent, il faut des opérations mécanisées avec des gros-porteurs, des camions à ciel ouvert et des pelles mécaniques pour venir à bout de ces gros tas. Nos agents ne doivent uniquement faire que le raclage pour nettoyer.

Cependant, certains maires ont fait appel à l’UCG, dans le cadre d’une collaboration. 

 Il y a des gens qui n’ont pas célébré la Tabaski en famille et ont été sur le terrain pendant 72 heures. Il s’agit, pour la plupart, de journaliers qui sont au nombre de 3 600 agents à Dakar et dans les capitales régionales.   

A combien s’élève le budget mobilisé pour ces volontaires ?  

Je ne peux pas évaluer le budget, mais, en tout cas, c’est l’UCG qui a payé tous ces agents qui ont été mobilisés avant, pendant et après les fêtes. Nous avons des problèmes au niveau des communes. Le constat le plus amer a été d’ailleurs fait sur les allées du Centenaire, précisément sur le boulevard Général de Gaulle. On autorise des étrangers à installer leurs commerces sur ces lieux et ces derniers abandonnent après toutes les ordures sur place. La population voulait même marcher aujourd’hui (hier) à cause de l’état d’insalubrité. Et jusqu’à 16 h, les allées n’étaient pas nettoyées. Il a fallu qu’on fasse appel à la Brigade d’intervention rapide de l’UCG pour nettoyer les lieux. C’est le même constat au marché HLM, l’un des marchés les plus grands de l’Afrique. Au moment où nous nettoyions, les tabliers et commerçants étaient au milieu des ordures pour écouler leurs marchandises. C’était tout un problème pour les faire quitter les lieux.  Et c’est la mairie qui devait faire cela. A la fin des foires, les municipalités doivent enlever toutes les bâches, les cantines, les tables… pour permettre aux agents de sortir les ordures et de les exposer sur les grandes artères ou sites dédiés.  

Au Sénégal, les ventes se poursuivent jusqu’au jour des fêtes. Est-ce que vous ne devriez pas avoir plus de compréhension pour ces commerçants ? 

La compréhension est de mise. Nous avons une mission de santé et de service public. C’est une compréhension mutuelle ; c’est une question d’approche. Quand elle est positive, la communication passe bien, mais quand c’est le contraire, c'est difficile. Ils disent qu’ils ont payé, donc ne sont pas obligés de quitter les lieux. Regardez ce qui se passe sur certains points de vente de moutons ! Les invendus occupent toujours les lieux sous des bâches. Cela ne nous facilite pas la gestion des déchets. Cette année, le gouverneur a délivré des autorisations d’occupation anarchique. Des lieux de détente ont été transformés en lieux de vente de moutons.  

Officiellement, les points de vente de moutons ont été réduits à la baisse, à cause des chantiers routiers. Alors, qu’est-ce qui explique ces nombreuses autorisations ? 

Rien n’a été respecté. Il y a une différence entre ce qui est dit et ce qui est fait. Nous qui sommes sur le terrain, avons constaté une anarchie. Je pense aujourd’hui que pour un Sénégal zéro déchet, tant que les comportements ne changeront pas, tout ce processus risque d’être à l’eau. Je l’ai dit et je vais le redire : si on apportait l’entreprise la plus performante du monde, mais que la société ne change pas, le travail sera toujours voué à l’échec. Il nous faut les états généraux de nettoiement avec l’Etat central, les collectivités territoriales, l’UCG, les travailleurs et les concessionnaires pour qu’on ait un schéma directeur et qu’on nous donne un objectif à atteindre d’ici 2035. 

Comment est-ce que les opérations se sont déroulées dans ces foirails et marchés ? 

Avec la compréhension des agents, nous avons attendu. Certains étaient sur les lieux jusqu’à 4 h du matin. Si vous faites le tour de certains marchés, aujourd’hui (hier), il y a un certain mieux. Aux HLM, c’était la catastrophe jusqu’au jour de la fête. Mais actuellement, le gros du travail a été fait.

Il nous faut aujourd’hui un esprit citoyen, un changement de comportement. Il faut savoir que les techniciens de surface, à eux seuls, ne peuvent pas rendre le Sénégal propre ; c’est un tout. Et la gestion des ordures doit être inclusive, participative et globale. Il faut des moyens humains, matériaux et financiers. Sans cela, ce sera toujours un éternel recommencement. Avec l’arrivée du nouveau coordonnateur Mass Thiam, tout le monde a constaté qu’il y a du mieux. On peut encore mieux faire. 

Est-ce que vous avez entrepris des démarches auprès de ces municipalités avec lesquelles la collaboration est souvent difficile ? 

On organise chaque jour des rencontres, mais au final, rien n’est fait. Je ne peux pas concevoir qu’il y ait des réunions de cadres de concertation dans certaines communes pour préparer la Tabaski et voir comment s’y prendre, car qui dit Tabaski, dit surproduction d’ordures. Et qu'ailleurs, il n'y ait rien. En temps normal, nous ramassons chaque jour plus de 2 800 tonnes. Et pour les fêtes, ce chiffre a triplé, puisque nous avons ramassé plus de 6 000 tonnes. Ce, avec un effectif assez réduit, il a fallu rajouter des volontaires et des journaliers.  

Les travailleurs de l’UCG avaient menacé d’aller en grève la semaine dernière, même s’ils sont revenus sur cette décision. Qu’est-ce qui a motivé ce préavis ?  

Pour rectifier, ce ne sont pas les travailleurs de l’UCG, mais plutôt les concessionnaires sénégalais, c’est-à-dire les propriétaires de bennes à ordures. Ils réclamaient 4 à 5 mois d’arriérés de salaire que leur doit l’Etat, par le biais du ministère de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique. Il y a eu récemment une rencontre entre les concessionnaires et le coordonnateur de l’UCG, afin que la question soit résolue. C’est une situation qui ne nous honore pas. Il faut toujours éviter ces manquements-là. Le travail est une chaine ; quand un maillon se casse, c’est des conséquences à n’en plus finir. Si nous restons une journée sans ramassage d’ordures, Dakar sera irrespirable. Heureusement que nous avons des citoyens modèles, des travailleurs qui aiment leur pays. Ces travailleurs méritent soutien, aide et considération. Or, souvent, ils sont relégués au second plan.  

Regardez avec la Covid-19 ! Nous sommes les travailleurs les plus exposés. C’est nous qui prenons les ordures des malades, les déchets biomédicaux, les ordures ménagères. Avec les plus de 1 000 milliards du Fonds Covid-19, les travailleurs du nettoiement continuent jusqu’à présent à réclamer leurs parts.

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