Deux commerçants sénégalais acquittés
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Demba Sow, 34 ans, cultivateur et commerçant, et Siradji Labor, commerçant et père de sept enfants, ont été acquittés des accusations de soutien à un groupe terroriste. Les deux hommes étaient accusés d'avoir facilité le recrutement de Sénégalais pour la Katiba Macina, un groupe djihadiste actif au Mali. Placés sous mandat de dépôt le 10 mai 2021, ils ont été jugés hier en audience spéciale, à la barre de la Chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar. Cependant, après plusieurs mois d'enquête et de procédure judiciaire, le tribunal a ordonné leur acquittement.
Le 19 janvier 2021, la Section de recherches de Colobane a été informée de la possible implication de citoyens sénégalais dans le recrutement de membres pour la Katiba Macina. Après plusieurs mois de surveillance, Demba Sow et Siradji ont été arrêtés. Ce dernier, en particulier, était suspecté d'être un facilitateur pour les candidats désirant rejoindre les camps djihadistes. Onze numéros de téléphone ont été retrouvés en sa possession ainsi que des enregistrements audio compromettants, notamment des échanges avec un certain Abou Moussa, identifié comme Alpha Ballo Ba, un administrateur du groupe terroriste.
Dans le téléphone de Demba Sow, les enquêteurs ont découvert des images de tueries et des scènes de violence utilisées comme propagande djihadiste.
Cependant, lors de son interrogatoire, Sow a nié toute implication active dans le groupe, affirmant avoir quitté la Katiba Macina, après seulement quatre mois d'affiliation.
Les déclarations des accusés à l’audience
Siradji, malgré les enregistrements audio compromettants, a nié toute relation avec Abou Moussa. Il a déclaré : ‘’J’appartenais à un seul groupe WhatsApp et on y parlait de commerce avec mes clients. Je n’ai aucune connaissance au Mali avec qui échanger. Si le message était en wolof ou en pulaar ? Mais c’était en français. Je n’ai jamais connu Abou Moussa.’’
Il a également expliqué que les puces téléphoniques retrouvées chez lui étaient destinées à la vente.
Demba Sow, quant à lui, a insisté sur le fait que ses relations avec Siradji étaient purement commerciales. ‘’Je déposais de la marchandise dans sa boutique. Nous avons juste des relations commerciales’’, a-t-il déclaré. Il a également nié appartenir à des groupes WhatsApp liés à des activités terroristes, affirmant que ses groupes étaient familiaux ou ethniques.
Le procureur a souligné que, bien que des éléments sonores et des images aient été retrouvés, ils ne constituaient pas une preuve suffisante pour établir un lien direct entre les accusés et les activités terroristes. ‘’Les images trouvées dans son téléphone ne prouvent pas de lien de rattachement’’, a-t-il déclaré. Il a également noté que Siradji n'était pas en contact direct avec Abou Moussa, mais plutôt avec Demba Sow.
Maitre Abdy Nar, l'avocat de la défense, a vivement critiqué les conclusions hâtives des enquêteurs. ‘’Ce sont de pauvres commerçants. Le juge s’est fondé sur les conclusions hâtives des agents enquêteurs’’, a-t-il plaidé. Il a également souligné que les accusés n'avaient pas eu accès à une assistance juridique adéquate pendant les interrogatoires.
Finalement, le tribunal a acquitté les deux hommes, faute de preuves. Le procureur a requis l'acquittement ou, à défaut, le bénéfice du doute. Réquisitoire suivi par la chambre.
MAGUETTE NDAO