La police lance la traque des faux praticiens
L’exercice illégal de médecine a actuellement pignon sur rue. Pour combattre le fléau, le directeur général de la Police nationale a instruit la Sûreté urbaine de travailler en étroite collaboration avec l’Ordre national des médecins du Sénégal, pour mettre un terme à ces activités délictuelles.
Il est devenu très fréquent de voir au Sénégal la police faire des interpellations pour exercice illégal de la médecine. Cette pratique dangereuse et mortelle génère énormément de revenus. Mais expose les patients et décrédibilise les vrais praticiens.
Ce samedi, le commissaire de police Bara Sangaré a demandé à l’Ordre national des médecins du Sénégal (ONMS) d’établir un protocole pour inviter les professionnels de la santé à fournir aux officiers de police judiciaire de leur ressort toutes les informations relatives à ce genre de pratique. Le commissaire Sangaré faisait une présentation sur les aspects sécuritaires de l’exercice illégal de la médecine au Sénégal, au cours du lancement du Plan stratégique de développement 2021-2025 de l’ONMS.
Selon son analyse, ce fléau commence à prendre des proportions inquiétantes dans le pays et appelle, de leur part, une gestion beaucoup plus inclusive. ‘’L’enquête judiciaire que nous avons réalisée a permis de mesurer l’ampleur du phénomène au Sénégal avec certains professionnels de la santé qui ne satisfaisaient pas aux exigences de la réglementation. Il a été noté que beaucoup de médecins, mais aussi des personnels non-qualifiés avaient ouvert des structures en toute illégalité. Ceux-ci faisaient courir aux malades des risques aux conséquences dramatiques’’, explique-t-il.
Outre cela, des personnes qui se sont prévalues de cette fausse qualité de médecin ont aussi été interpellées et mises à la disposition de la justice. C’est dans ce cadre, soutient-il, que le directeur général de la Police nationale a instruit la Sûreté urbaine à travailler en étroite collaboration avec l’Ordre national des médecins du Sénégal pour mettre un terme à ces activités délictuelles.
Car, selon le commissaire Sangaré, au cours des investigations, ils se sont rendu compte que l’exercice illégal de la médecine générait beaucoup de revenus. Que les sanctions légères encourues peuvent pousser à la récidive.
Il s’avère aussi, renseigne-t-il, que ceux qui pratiquent cette activité utilisent des dispositifs et des produits médicaux qui ne répondent pas aux normes de fabrication. Ces dispositifs produisent, en conséquence, des effets néfastes sur la santé publique. ‘’Donc, en raison de ces paramètres, ainsi que du lien très étroit entre l’infraction et d’autres formes de criminalité telles que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, il est important que la collaboration entre les services de sécurité et l’ONMS puisse davantage se perpétuer’’, conseille le commissaire.
Un vide juridique entoure l’exercice de la médecine traditionnelle
Par ailleurs, il souligne qu’en raison du vide juridique qui entoure l’exercice de la médecine traditionnelle, il est noté que des charlatans et autres personnes proposent, à travers même des publicités, des soins sur certaines formes de pathologies graves comme le diabète, le cancer, l’hypertension. ‘’Face au mutisme des pouvoirs publics, les populations pourraient se ruer sur ces personnes. Dans le cadre de nos missions, nous avons eu à présenter à la justice plusieurs individus se livrant à ce type d’activité. Cependant, la plupart des cas qui ont été soumis à nos services ont été révélées à la suite de complications sur la santé de la personne, notamment en matière d’interruption volontaire de grossesse’’, révèle-t-il.
Selon le commissaire, la loi n°66-69 du 4 juillet 1966 et la directive de l’UEMOA du 16 décembre 2005 organisent les conditions d’exercice de la médecine au Sénégal. Elle définit aussi l’exercice illégal, ainsi que les sanctions y relatives. C’est pourquoi il recommande à l’ONMS de se rapprocher du Bureau central national de la Police nationale, dans l’application de l’article 2 de ladite loi. Il s’agira, dit-il, de faire vérifier auprès du bureau Interpol de Dakar si le médecin étranger souhaitant exercer au Sénégal n’a pas fait l’objet, dans son pays ou dans un autre Etat, d’une radiation ou d’une condamnation, dans le cadre de ses activités.
Cette vérification, renseigne le commissaire, permettra d’éviter des situations préjudiciables pour la santé des populations. Car, souligne-t-il, il se peut qu’un médecin faisant l’objet d’une sanction dans un autre pays s’installe au Sénégal sans qu’il ne soit démasqué. ‘’D’ailleurs, à plusieurs reprises, nous avons été saisis par l’ONMS sur la présence de médecins étrangers qui pratiquent la médecine dans des structures ayant pignon sur rue, sans pour autant respecter la réglementation’’, explique le commissaire Sangaré.
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MEDECINE AU SENEGAL
Les conditions d’exercice
Pour exercer, les médecins doivent respecter obligatoirement la loi régissant leur profession. Le non-respect des règles établies assujettit à des sanctions, voire la radiation.
Pour exercer la médecine au Sénégal, il faut être titulaire, soit du diplôme d’État sénégalais de docteur en médecine, soit d’un diplôme étranger reconnu équivalent. De nationalité sénégalaise ou ressortissant d’un État ayant passé avec le Sénégal une convention impliquant le droit d’établissement au Sénégal. C’est du moins ce que dit la loi n°66-69 du 4 juillet 1966 relative à l’exercice de la médecine et à l’Ordre des médecins, dans son article premier. Il faut aussi avoir une connaissance suffisante de la langue française par les ressortissants des pays non-francophones. Le praticien doit également s’inscrire au tableau de la ou des sections de l’Ordre des médecins correspondant au mode d’exercice de la médecine qu’il pratique, sauf les médecins du service de santé de l’armée sénégalaise et les médecins militaires étrangers servant au titre de l’assistance militaire.
Dans son article 2, il est dit que, par dérogation aux dispositions de l’article précédent, peuvent être autorisés à exercer la médecine au Sénégal, à l’exclusion de toute activité privée de type libéral, les médecins ne remplissant pas les conditions de nationalité (dans une structure de santé gérée par une œuvre confessionnelle ou non sous la responsabilité de ladite œuvre et sous le contrôle de l’administration). Les médecins ne remplissant pas les conditions de nationalité et engagés par contrat de médecine du travail, à condition qu’il ait un défaut de médecins nationaux constaté par décret.
En son Art. 3, la loi stipule que nul ne peut exercer, à titre privé, la profession de médecin au Sénégal, s’il n’est pas autorisé par l’autorité administrative, après avoir rempli les conditions préalables. Le médecin bénéficiaire d’une bourse du gouvernement du Sénégal, d’un gouvernement étranger ou d’une organisation internationale doit servir préalablement durant dix ans au moins dans les services publics du Sénégal.
L’exercice de la médecine privée par les médecins des services publics
Par ailleurs, l’article 12 de la loi n°66-69 du 4 juillet 1966 autorise, à titre temporaire et révocable, des médecins appartenant au service public à exercer la médecine à titre privé en dehors des heures de services et des locaux administratifs, conditionnée par insuffisance du nombre de médecins privés dans une localité et pour une spécialité donnée.
Cependant, dans l’article 13 de la même loi, l’autorisation temporaire et révocable ne s’applique pas à l’activité privée exercée par les membres du personnel enseignant et hospitalier du CHU de Dakar, dans le cadre de leur statut. La loi n°77-110 du 26 décembre 1977 modifiant la loi n°66-69 du 4 juillet 1966 relative à l'exercice de la médecine et à l'Ordre des médecins en son article premier modifiant l’article 12 dispose que cette autorisation temporaire et révocable ne s’applique plus dans la région du Cap-Vert et dans les chefs-lieux de région.
Pour l’article 9 de la loi 65-061 du 4 février 1965 relatif au personnel enseignant et hospitalier du CHU de Dakar, les personnels d’enseignement et hospitalier du CHU de Dakar peuvent recevoir à l’hôpital, en consultation privée, des malades personnels, deux fois par semaine. Ils peuvent aussi répondre exceptionnellement, en dehors du temps dû au service, sauf urgence, à l’appel d’un praticien pour se rendre auprès d’un malade. Ils sont rémunérés directement par les malades. Les personnels du centre hospitalier universitaire peuvent, sans que l’exercice de cette faculté modifie les conditions de leur titularisation, de leur avancement ou de leur rémunération, faire des consultations privées à l’hôpital ou dans les cliniques, directement rémunérées par les malades ou les cliniques, selon les dispositions prévues par décret.
Les cas d’inégalité et sanctions
Il est dit qu’un médecin exerce illégalement, quand il y a l’accomplissement habituel ou par direction suivie d’actes médicaux sans l’un des diplômes requis ou autorisations valables. L’accomplissement d’actes médicaux par une personne sans remplir les conditions de nationalité exigées et sans l’une des autorisations valables est considéré comme exerce illégal. Toute personne munie d’un titre régulier et outrepassant ses attributions légales en apportant son concours aux personnes précitées pour leur soustraire aux interdictions de la présente loi est dans l’légalité.
Il y a également le fait que toute personne exerçant la médecine en dehors des établissements ou entreprises desquels une autorisation lui a été accordée. Tout médecin qui exerce la médecine sans être inscrit au tableau de la ou des sections de l’Ordre des médecins correspondant à son mode d’exercice, ou après avoir été radié temporairement pendant une durée de trois mois à deux ans. Cela s’applique à tous, sauf les médecins du service de santé de l’armée et aux médecins militaires étrangers servant au titre d’assistance militaire.
Des sanctions sont prévues par l’article 43 de la loi de 61-33 du 15 juin 1961. La loi stipule que tout médecin fonctionnaire ou assimilé, tout membre du personnel enseignant et hospitalier titulaire du Centre hospitalier universitaire de Dakar qui aura exercé la médecine à titre privé en dehors des cas prévus aux articles 12 et 13 ci-dessus, sera considéré comme démissionnaire d’office et radié de la Fonction publique ou du Centre hospitalier universitaire, sous réserve du respect de la procédure disciplinaire. En cas de faute commise par un médecin inscrit simultanément aux tableaux des sections A et B, l’intéressé fera l’objet soit de la procédure disciplinaire administrative prévue par son statut. Mais aussi de celle dédiée à la section A de l’ordre, soit de la procédure prévue pour la section B.
VIVIANE DIATTA