Les huit propositions de Macky Sall pour un nouveau départ
Au total, c’est huit propositions comme contribution à la définition de leur nouveau partenariat, que le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall, par ailleurs Président de l’Union africaine (UA), a soumis au 6e Sommet Union européenne (UE)-Union africaine (UA) ouvert hier à Bruxelles.
Les dirigeants africains veulent changer les règles du jeu, dans le cadre de leur coopération avec l’Union européenne (UE). Ceci, notamment, à travers un partenariat plus bénéfique pour le continent. ‘’Avec l’Europe, l’Afrique souhaite convenir d’un partenariat repensé, rénové et refondé. Plus qu’une mise à jour du logiciel régissant le réseau relationnel euro-africain, nous proposons d’installer, ensemble, un nouveau logiciel adapté aux mutations en cours et apte à soutenir la dynamique novatrice que nous voulons imprimer à nos relations. Ensemble, nous avons convenu d’engager un dialogue interactif sur sept thématiques et de parvenir à une déclaration orientée vers l’action. Dans cet esprit, je soumets à notre sommet huit propositions comme contribution à la définition de notre nouveau partenariat’’, affirme le chef de l’Etat sénégalais, Macky Sall, qui est par ailleurs Président de l’Union africaine (UA).
Il intervenait hier, lors de la cérémonie d’ouverture du 6e Sommet Union européenne (UE)-Union africaine (UA).
Au fait, le président Sall a relevé que les deux continents font face, ensemble, à un certain nombre de défis, qui concerne la paix et la sécurité, les vulnérabilités qui affectent les Etats, pas seulement en Afrique. ‘’Je pense au réchauffement climatique, aux opportunités du numérique, mais aussi à ses dérives ; aux flux migratoires illégaux et aux multiples impacts d’une crise sanitaire inédite. Comme partout ailleurs, les peuples africains voient le monde en instantané. Ils aspirent légitimement au mieux-être et à la prospérité. Cette Afrique en pleine mutation veut des partenariats consensuels et mutuellement bénéfiques ; des partenariats co-construits sur le fondement de priorités et valeurs partagées, sans injonction civilisationnelle, sans exclusion, ni exclusivité’’, dit-il.
Assouplir les règles de l’OCDE
Pour faire face à ces challenges, le président en exercice de l’UA, dans ses huit propositions ; souligne d’abord la nécessité, pour les deux parties, de travailler ensemble au renforcement de leur collaboration en matière de paix, de sécurité et de lutte contre le terrorisme, à travers la Facilité européenne pour la paix (FEP).
‘’Deux, nous souhaitons l’appui de l’Europe pour accélérer le processus de réallocation des DTS. (…) Trois, nous plaidons pour l’assouplissement des règles de l’OCDE, afin de mieux faciliter l’accès de nos pays au crédit export, à des conditions de maturité plus longue et des taux d’intérêt plus soutenables, pour renforcer l’investissement et les échanges commerciaux entre nos deux continents. L’Afrique, c’est 30 millions de km2, un milliard trois cents millions d’habitants et des besoins de financement de 130 à 170 milliards de dollars par an, selon les estimations de la Bad, rien que pour les infrastructures. Nous sommes disposés à travailler avec nos partenaires européens à la mise en œuvre de l’initiative Global Gateway, dans le cadre du Programme de développement des infrastructures en Afrique (Pida), en cours d’exécution’’, poursuit le président Sall.
A ce propos, la présidente de l’Union européenne, Von der Leyen, a précisé que Global Gateway est une stratégie d'investissement en faveur des infrastructures et de l'humain, l'investissement le ‘’plus précieux’’. ‘’Nous voulons des investissements dans des infrastructures de qualité, créatrices de liens entre les biens, les personnes et les services. Nous voulons une approche fondée sur des valeurs, offrant des garanties de transparence et de bonne gouvernance à nos partenaires. Nous voulons faire de notre stratégie Global Gateway une marque reconnue dans le monde entier. Global Gateway renforcera la capacité de l'Europe à débloquer des investissements, non seulement publics, mais aussi privés, à des niveaux sans précédent. Nous pouvons tabler sur une enveloppe d'au moins 150 milliards d'euros en faveur de l'Afrique sur les sept prochaines années. Il s'agit du premier train de mesures au titre de cette stratégie. Et nous avons besoin de vous pour nous dire ce qui est le mieux pour les citoyens’’, soutient-elle.
Grâce à ce ‘’nouveau train de mesures’’, Von der Leyen indique que l’UE veut ‘’catalyser’’ les investissements dans trois grands domaines. Le premier est l'énergie, la voie vers une énergie renouvelable fiable. ‘’Nous sommes bien placés pour savoir que le développement économique durable est tributaire d'un accès fiable à l'énergie. L'Afrique est riche en énergie solaire, éolienne et hydroélectrique. Tirons parti de cette richesse. Investissons dans des projets relevant de la stratégie Global Gateway pour accroître les capacités en hydrogène. Ou dans les interconnexions électriques et l'accès à l'énergie. Les citoyens doivent avoir accès à l'électricité. Les chiffres que vous nous communiquez sur le nombre de personnes vivant sans électricité constituent un véritable défi. Mais ensemble, nous pouvons changer les choses’’, renchérit-elle.
Se concentrer sur la connexion de l'Europe et de l'Afrique par des câbles sous-marins
La présidente de l’UE reconnait qu’ils doivent investir dans des couloirs de transport tels que les routes, les chemins de fer et les voies navigables. D’après elle, c'est la combinaison de l'énergie, de l'électricité et des transports qui permettra de donner corps à la zone de libre-échange africaine. ‘’Prenons l'exemple de la transition numérique. C'est là que réside le nouveau modèle de productivité économique. Mais ce dont ils (les jeunes entrepreneurs) ont besoin, c'est d'avoir accès à l'Internet pour développer les idées remarquables qui sont les leurs. Nous voulons donc nous concentrer sur la connexion de l'Europe et de l'Afrique par des câbles sous-marins et sur celle des régions africaines par des câbles terrestres. C'est de cela que les jeunes entrepreneurs ont besoin, avec l'accès aux capitaux. Ils ont la passion, les idées et la volonté de réussir. Ils ont besoin d'investissements dans la connectivité et dans les compétences. Et d'investissements dans les micro, petites et moyennes entreprises. Nous investirons donc massivement dans l'enseignement et la formation techniques et professionnels. La stratégie Global Gateway a pour vocation d'investir dans les talents de l'Afrique’’, admet Von der Leyen.
Si la présidente de l’UE compte sur les câbles sous-marins pour connecter les deux continents, le président de l’UA lui, dans son discours, a prôné pour une connectivité à haut débit par satellite en orbite basse. ‘’Dans le même esprit, explorons ensemble les possibilités de collaboration autour du projet européen de connectivité à haut débit par satellite en orbite basse ; car le devenir de notre partenariat se joue aussi dans le champ fertile du numérique où s’exprime le talent de notre jeunesse créative et entreprenante’’, suggère Macky Sall.
Concernant sa 4e proposition, le président Sall a exprimé le souhait de l’Afrique ‘’d’œuvrer ensemble’’ avec l’Europe pour la révision des critères d’évaluation du risque d’investissement en Afrique. ‘’Pour l’Afrique, la perception du risque reste toujours plus élevée que le risque réel ; ce qui renchérit les primes d’assurance, pénalise l’investissement et réduit la compétitivité de nos économies. Des études récentes montrent qu’au moins 20 % des critères de notation de nos pays relèvent plutôt de facteurs subjectifs, certains d’ordre culturel ou linguistique, donc sans relation avec les indicateurs de risque ou de stabilité d’une économie. Cinq, nous appelons à la simplification des formalités et procédures liées aux conditions de financement des projets, dans le respect des règles de bonne gouvernance et de transparence. Trop souvent, ces formalités et procédures retardent la formulation et l’exécution des projets ; ce qui fragilise l’action publique et suscite des attentes parfois déçues’’, regrette-t-il.
Pour le 6e point, les leaders africains plaident pour un ‘’meilleur accès’’ aux vaccins et le renforcement des capacités pharmaceutiques du continent. ‘’L’Afrique est aussi engagée dans la production de vaccins anti-Covid, notamment avec l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Egypte et le Maroc. D’autres comme le Sénégal, le Rwanda et le Ghana s’y préparent. Nous invitons l’Europe à soutenir ce nouvel élan pour le renforcement de nos capacités pharmaceutiques et biotechnologiques, au-delà de la riposte anti-Covid. Sept, conjuguons nos efforts pour la protection du climat et la justice climatique. L’Afrique soutient l’Accord de Paris sur le climat. Nombre de nos pays développent, à ce titre, des stratégies de mix énergétique et des initiatives de protection et de restauration de la biodiversité, dans le cadre du projet continental de la Grande Muraille verte’’, ajoute-t-il.
Pour un continent en retard sur le processus de développement et dont plus de 600 millions d’habitants vivent encore dans l’obscurité, la priorité, c’est aussi, d’après Macky Sall, l’accès universel à l’électricité et l’industrialisation de leurs pays. ‘’Voilà pourquoi nous sommes pour le maintien du financement de l’industrie gazière et pour une transition énergétique juste et équitable, tenant compte des besoins et contraintes spécifiques de nos pays. Huit, l’Afrique appelle au rapatriement de son patrimoine. La restitution des œuvres africaines reste une priorité élevée pour nous, parce qu’elles font partie de notre identité civilisationnelle. Si nous voulons bâtir une nouvelle éthique relationnelle Europe-Afrique, fondée sur le respect et la reconnaissance de la vérité historique, il nous faut conforter le travail déjà entamé dans le sens des recommandations du Rapport Savoy-Sarr’’, note le président de l’UA.
MARIAMA DIEME