L’état de santé d’Ousmane Sonko inquiète des partisans
Le maire de Ziguinchor est encore hospitalisé dans une clinique privée, au moment où la société civile s’indigne des dérives des autorités publiques.
‘’Depuis que les FDS (forces de défense et de sécurité) m’ont déposé chez moi, je suis sujet à de terribles vertiges. Je souffre de douleurs au bas-ventre et j'éprouve des difficultés respiratoires. Nous avons appelé la Suma Assistance, mais depuis plus d’une heure, la police a bloqué leur ambulance au rond-point et leur refuse l’accès à mon domicile. Macky Sall se livre ouvertement à une énième tentative d’assassinat sur ma personne’’. Les mots sont forts, du leader de Pastef/Les patriotes, avant d’être évacué, jeudi soir, à une clinique de la place.
Ousmane Sonko venait de passer une journée mouvementée, date de son procès contre le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang, qui l’accuse de diffamation.
Depuis, les nouvelles ne sont guère rassurantes. El Malick Ndiaye, responsable du pôle Secrétariat national à la communication de Pastef/Les patriotes a assuré, hier, avoir rendu visite au maire de Ziguinchor. ‘’J’ai été à la clinique Suma Assistance, mais je n’ai pas pu voir le président Ousmane Sonko. Son état de santé est inquiétant et les médecins ont décidé de suspendre les visites’’, relève-t-il. Pire, retient El Malick Ndiaye, prenant à témoin l’opinion nationale et internationale, ‘’la vie de du président Sonko est en danger et nous tiendrons Macky Sall et son ministre de l'Intérieur responsables de tout ce qui pourrait lui arriver’’.
‘’Son état de santé est inquiétant’’
Extrait de force de son véhicule par des éléments des forces de sécurité, Ousmane Sonko a été conduit au tribunal de Dakar, afin de comparaître dans un procès qui secoue le pays depuis le début de l’année. Une fois au palais de Justice, un communiqué de Pastef/Les patriotes a souligné qu’un individu habillé aux uniformes de la Brigade d’intervention polyvalente (BIP) a aspergé d’une substance inconnue le président Ousmane Sonko. Raison pour laquelle il a fait un malaise au tribunal. Les images de sa consultation, dans un bureau du tribunal, inondent les réseaux sociaux.
Selon des confidences de proches du leader de Pastef, ce qui rend difficile sa prise en charge, c’est qu’on n’arrive pas encore à identifier la nature du liquide qui lui a été aspergé. Plus difficile encore, les produits qui pourraient le soulager, au vu des symptômes qu’il présente, sont indisponibles au Sénégal.
Après avoir rendu visite au leader de Pastef, les leaders du mouvement Y en a marre se sont montrés préoccupés par l'état de santé ‘’alarmant’’ d’Ousmane Sonko. Hier, face à la presse, Thiat et Aliou Sané ont dit qu’un ‘’recul grave et honteux de notre démocratie doit interpeller toutes les Sénégalaises et les Sénégalais’’. En effet, affirme le rappeur du groupe Keur Gui, ‘’toutes ces manœuvres n’ont que deux objectifs : participer à l’élection présidentielle de 2024 et choisir ceux qui vont l’accompagner’’.
Aussi, Thiat avertit le régime. ‘’Ce qu’on a vu toucher deux fois un citoyen qui allait au tribunal, nous n’accepterons pas que cela se reproduise. On va emprunter les mots de Macky Sall qui disait : ce qui s’est passé (en mars 2021, NDLR) ne se reproduira pas ! Le 30 mars, date du report du procès, Macky Sall, tu vas laisser Ousmane Sonko aller au tribunal comme le fait Mame Mbaye Niang. Sinon, tu auras les Sénégalais en face de toi, y compris Y en a marre’’, assure le membre de ce mouvement, une des forces emblématiques de la société civile sénégalaise ayant joué un rôle prépondérant dans la lutte contre le troisième mandat du président Abdoulaye Wade.
Y en a marre donne rendez-vous pour la nouvelle date du procès
Un fait que n’a pas manqué de rappeler Aliou Sané. Selon le coordonnateur du mouvement Y en a marre, ‘’si le président Abdoulaye Wade avait agi avec Macky Sall de la manière dont ce dernier le fait avec ses opposants, il (Macky Sall) ne serait pas président de ce pays. Lorsqu’il a été convoqué en 2009, pour une affaire de blanchiment d’argent présumée, il était accompagné par ses militants jusqu’au tribunal’’.
Aliou Sané s’indigne qu’il ait fallu qu’Ousmane Sonko dénonce ce qui se passe sur les réseaux sociaux pour que l’on daigne lui permettre d’aller se soigner. ‘’Tout membre épris de vérité doit dénoncer cela. La sécurité d’Ousmane Sonko, celle de tous les opposants et de tous les Sénégalais incombe à l’État et au président Macky Sall. Cent quatre-vingts personnes ont été arrêtées jeudi pour avoir manifesté. Qu’est-ce qui le justifie ? On ne peut plus laisser faire cela. Et le 30, on sera debout pour défendre notre démocratie’’, ajoute le coordinateur de Y en a marre.
Autre membre de la société civile, Alioune Tine, a invité l’État du Sénégal à s’enquérir de la situation de l'opposant. En effet, suggère le fondateur d’AfrikaJom Center, ‘’si la santé se dégrade au point de nécessité une évacuation pour les médecins traitants, l’État du Sénégal devrait examiner les moyens concrets de son évacuation à l’étranger’’.
Alioune Tine suggère une évacuation pour le leader de Pastef
Placé sous contrôle judiciaire dans la cadre du traitement médiatique des accusations de viol visant Ousmane Sonko, Pape Alé Niang a également réagi aux événements marquants de ce jeudi 16 mars 2023. Le journaliste trouve ‘’inacceptable et inadmissible’’ la ‘’barbarie’’ contre un citoyen qui a décidé librement d’aller répondre à une convocation, mais à qui ‘’on asperge un liquide qui pourrait être mortel’’. Le directeur de Dakarmatin en appelle à la communauté internationale et ‘’lance un message à la diaspora pour une grande mobilisation à partir de ce vendredi pour la prise en charge de l’état de santé de Sonko’’.
Ces nouveaux heurts, après ceux de mars 2021, inquiètent la société civile internationale. Dans un communiqué rendu public hier, Amnesty International dénonce une intensification de la répression au Sénégal, à moins d’un an de la prochaine Présidentielle.
Selon l’organe de lutte pour les droits humains, ‘’les autorités sénégalaises intensifient la répression à l'approche de l'élection présidentielle de 2024, en s'attaquant aux droits humains, en restreignant l'espace civique, en interdisant les manifestations et en plaçant en détention un journaliste et des personnalités de l'opposition’’.
Amnesty International déplore une intensification de la répression
Samira Daoud, Directrice régionale d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale, donne plus d’éléments, en notant que ‘’les autorités sénégalaises affaiblissent la protection des droits humains dans le pays, notamment en restreignant les droits à la liberté d'expression et de réunions pacifiques et la liberté de la presse, en interdisant les manifestations organisées par les partis d'opposition et en ne respectant pas les droits à la justice, à la transparence et à la vérité des victimes de l'usage de la force".
Au lieu de réprimer les libertés, Amnesty International appelle les autorités sénégalaises à ‘’respecter les droits humains, cesser de faire un usage excessif de la force lors des manifestations, autoriser les médias à couvrir les manifestations, cesser de détenir arbitrairement des journalistes et des membres de l'opposition, et respecter les droits à la liberté d'expression et à la liberté de réunions pacifiques. Cette tendance à la répression doit cesser maintenant afin de désamorcer les tensions".
Déjà deux morts comptabilisés
Après les 14 vies perdues en mars 2021, suite à l’arrestation d’Ousmane Sonko dans les mêmes circonstances que celles observées jeudi dernier, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Deux morts ont été déplorés lors des affrontements entre manifestants et des éléments communément appelés ‘’nervis’’.
Aux Parcelles-Assainies, un livreur du nom de Gora Diop a été écrasé par un pick-up rempli de gros bras. Il a succombé à ses blessures. À la Médina, c’est un agent de la mairie, selon ses proches, qui a été tué lors de rixes avec des manifestants non identifiés.
Lamine Diouf