Publié le 30 May 2023 - 16:27
“CARAVANE DE LA LIBERTÉ”

 À l’épreuve de la loi

 

En décidant de marcher par la force de Ziguinchor à Dakar, sans aucune formalité administrative, Ousmane Sonko a décidé délibérément de se soustraire des lois de la République et de défier les institutions qui ont réagi, en l’interpellant à l’étape de Tambacounda et l’ont conduit manu militari à son domicile à la cité Keur Gorgui.

 

‘’Un procès politique ne se gagne pas au tribunal, ça se gagne avec l’opinion. Si vous voyez ma posture depuis le début, voilà ce que j’ai voulu vous faire comprendre...’’, disait Ousmane Sonko au lendemain de son procès contre l’ancienne masseuse Adji Sarr. Dans la foulée, il appelait tous les Sénégalais, en particulier les jeunes, à se mobiliser et à le rejoindre dans sa croisade contre l’État et la justice. ‘’J’appelle tous les Sénégalais à se mobiliser. Notre marche vers le palais va commencer aujourd’hui ou bien c’est le début de la phase terminale de notre marche vers le palais. Nous appelons tout le monde à se retrousser les manches. Si Macky Sall réussit à avoir ce qu’il veut avec Ousmane Sonko, rien ne lui résistera’’, enchainait-il, non sans annoncer sa ‘’Caravane de la liberté’’ qui devait démarrer le lendemain et qui, sur sa route, a fait un mort à Kolda, avant son interpellation par les éléments des forces de défense et de sécurité qui l’ont par la suite déposé à son domicile à la cité Keur Gorgui. À entendre certains observateurs, c’est une violation des droits de monsieur Ousmane Sonko.

Ironie de l’histoire, on invoque les lois que ce dernier a décidé volontairement de ne plus respecter pour justifier des abus contre sa personne.

Selon cette autorité administrative qui n’a pas jugé utile de réagir de manière officielle, c’est faire preuve de malhonnêteté intellectuelle que d’imputer la responsabilité de ce qui se passe à l’État. ‘’Nous aurions été dans un autre pays, M. Sonko n’aurait pas passé la nuit chez lui. Vous avez tous entendu ce qu’il a dit, mais les pseudo-défenseurs des Droits de l’homme n’en parlent pas. Dans quel pays sommes-nous ? Au nom de quoi l’État, qui est le garant de l’ordre public, va laisser une personne empêcher tout le monde de vaquer à ses occupations ? Il faut qu’on se dise la vérité’’, s’emporte-t-il, réagissant à une question sur le ‘’blocus’’ de Keur Gorgui.

Cela dit, l’autorité renvoie aux articles 92 et suivants du Code pénal pour justifier les actes jusque-là posés par les forces de défense et de sécurité dans cette affaire. Aux termes de l’article 96 du Code pénal, ‘’sont soumis à l'obligation d'une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes et, d'une façon générale, toute manifestation sur la voie publique. Toutefois, sont dispensées de cette déclaration les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux. La déclaration sera faite à l'autorité administrative chargée du maintien de l'ordre public sur le territoire de laquelle la manifestation doit avoir lieu, trois jours francs au moins et quinze jours francs au plus avant la date de la manifestation’’.

Leur leader amené de force à la cité Keur Gorgui et placé sous haute surveillance, Pastef et ses alliés ruent dans les brancards et appellent à rallier la maison de l’opposant pour exiger le départ des forces de l’ordre.

Interpellé, l’autorité précise que l’État est le garant de l’ordre public et est seul habilité à apprécier les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des personnes et des biens. ‘’Arrêtez de reprendre comme ça de telles accusations qui ne reposent sur rien du tout. Comme je vous l’ai dit, vous savez pertinemment quel est l’objectif de M. Sonko : c’est d’instaurer le chaos dans ce pays, faire sortir les jeunes et occasionner le maximum de morts possibles. Est-ce que l’État va attendre que cela se passe pour agir ? Non. Nous allons prendre toutes les dispositions nécessaires pour que l’ordre public soit garanti, afin que les populations puissent vaquer tranquillement à leurs occupations’’.

À l’en croire, l’État ne fait rien sans base légale. ‘’La loi est claire. Est interdit sur la voie publique ou dans un lieu public : 1) tout attroupement armé, 2) tout attroupement non armé qui pourrait troubler la tranquillité publique’’, rétorque-t-il, de manière très ferme, non sans invoquer les dispositions de l’article 92 à son alinéa 3 : ‘’Les représentants de la force publique, appelés pour dissiper un attroupement ou pour assurer l'exécution de la loi, peuvent faire usage de la force, si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou contre toute personne ou si des destructions ou des dégradations sont causées aux biens ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent ou les postes dont la garde leur est confiée’’, a-t-il insisté. Les peines encourues pour les personnes ayant participé à des attroupements peuvent aller jusqu’à trois ans selon le cas, en plus des risques de perdre les droits civiques. Les peines sont encore plus sévères pour ceux qui auront été à l’origine de tels actes.

En effet, l’article 94 dispose : ‘’Toute provocation directe à un attroupement non armé, soit par discours proférés publiquement, soit par écrits ou imprimés, affiches ou distribués, sera punie d'un emprisonnement d'un mois à un an, si elle a été suivie d'effet et, dans le cas contraire, d'un emprisonnement de deux mois à six mois et d'une amende de 25 000 à 1 00 000 F ou de l'une de ces deux peines seulement.’’ Les peines sont encore plus corsées, si les rassemblements ont occasionné des violences ou voies de fait, de même que pour les instigateurs de tels actes.  

Tout avait commencé en février 2021, suite à la plainte pour viols déposée par la masseuse Adji Sarr contre le président de Pastef/Les patriotes Ousmane Sonko. Depuis, il accuse les tenants du régime d’avoir comploté contre lui et a engagé un bras de fer contre l’État. Il y a quelques semaines, il disait : ‘’Tout le monde sait que le président Macky Sall a décidé d’instrumentaliser un pan de la justice pour liquider Ousmane Sonko. C’est pourquoi, par rapport à ces actes posés, vous m’avez entendu proclamer la campagne de désobéissance civile. Nous avons déjà posé quelques actes dans ce sens et cela va prendre de plus en plus de l’ampleur.’’

MOR AMAR 

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