Le Nigérian Bola Tinubu prend la présidence
Le président de la République du Nigeria a été élu à la tête de la Conférence des chefs d’État de la CEDEAO, à l’issue de son 63e sommet à Bissau, hier.
À peine élu président de la République fédérale du Nigeria en mai dernier, Bola Tinubu va également présider la Conférence des chefs d'État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Hier, les chefs d’État ouest-africains ont élu le plus ‘’récent’’ de leurs homologues à la tête de l’organisation, après la fin de mandat du président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo. Ceci, à l’occasion de la 63e session de la conférence des chefs d’État.
À Bissau, où la rencontre s’est tenue, les chefs d’État se sont penchés sur les défis sécuritaires de la sous-région. Beaucoup d’entre eux sont la conséquence de troubles politiques et démocratiques. D’où l’orientation du discours du nouveau président qui a promis d’axer son action sur le retour et sur la consolidation de la démocratie dans les États membres de la CEDEAO. Cela passe par la lutte contre les coups d’État militaires et les coups d’État anticonstitutionnels.
Trois pays de la sous-région vivent déjà des transitions militaires. Les avancées vers le retour de l’ordre constitutionnel au Mali, au Burkina Faso et en Guinée ont préoccupé les chefs d’État, dimanche. Ces pays ont été suspendus des organes décisionnels de la CEDEAO, après les prises du pouvoir par des militaires, respectivement en 2020, 2021 et 2022. Ils ont demandé, en vain, le 10 février, la levée de leur suspension de l’organisation et de l'Union africaine (UA).
L’ordre constitutionnel toujours en souffrance au Mali, au Burkina et en Guinée
La situation la plus préoccupante se vit certainement au Mali où les autorités de la transition sont pratiquement en froid avec toutes les forces étrangères présentes dans le pays. Après la France et l’Union européenne, c’est au tour de la force onusienne de la Minusma de plier bagage sous la demande des autorités. Et cela ne se passe pas dans un esprit tranquille.
Le 12 mai dernier, un rapport du Haut-Commissariat aux Droits de l’homme de l’ONU, fondé sur une enquête d’éléments de la Minusma, a conclu que l’armée malienne et ses supplétifs russes du groupe paramilitaire Wagner ont exécuté des centaines de civils à Moura, petite commune du centre du Mali, entre le 27 et le 31 mars 2022. Un document auquel les autorités maliennes ont répondu par une plainte.
En effet, Bamako accuse notamment la mission de l’ONU d’espionnage et d’atteinte au moral des armées.
Selon un communiqué de l’État malien, le procureur du pôle spécialisé dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée a été saisi d’une plainte contre les membres de la Minusma ayant enquêté sur le massacre. Le document souligne que tous sont présentés comme ‘’co-auteurs ou complices du chef des crimes, entre autres, d’espionnage, d’atteinte au moral des armées de terre ou de l’air, de faux et usage de faux et d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État’’.
Le cas malien inquiète
Le retrait annoncé des forces de la Minusma inquiète plusieurs pays de la sous-région. D’ailleurs, un document de la 63e session de l’institution sous-régionale, consulté par RFI, soutient qu’il y a ‘’un risque d’aggravation de l’insécurité dans le Sahel et nous devons prendre des mesures’’. Le représentant spécial du secrétaire général et chef du bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (Unowas) partage les mêmes inquiétudes.
Leonardo Santos Simão, qui a pris part au sommet, estime que ‘’l'insécurité reste une préoccupation majeure pour la stabilité de notre sous-région. Les attaques terroristes, les violences intercommunautaires et la criminalité organisée continuent d'avoir des conséquences désastreuses sur le plan de la sécurité et sur le plan humanitaire dans l'ensemble de la sous-région’’.
Tout en saluant l'attention particulière que la CEDEAO accorde aux pays en transition - le Burkina Faso, la Guinée et le Mali - Léonardo Santos Simão a relevé que ‘’la situation dans ces pays illustre le lien délicat entre la bonne gouvernance, la sécurité et le développement’’ et a souligné l’importance de tenir compte des situations particulièrement difficiles auxquelles ils sont confrontés.
Une armée de la CEDEAO
En plus du Mali, des chronogrammes pour l'organisation de scrutins ont déjà été fixés par la CEDEAO aux autorités de transition au Burkina Faso et en Guinée. Mais le retour de l’ordre constitutionnel dans les trois pays est loin d’être une réalité. Le Premier ministre burkinabé a affirmé, le mardi 30 mai, qu'il ne pourrait y avoir d'élections "sans sécurité" dans ce pays régulièrement frappé par des groupes terroristes. Le pays a connu deux coups d'État en 2022, est dirigé depuis septembre dernier par le capitaine Ibrahim Traoré. Les militaires doivent rendre le pouvoir aux civils en juillet 2024, après une élection présidentielle.
En Guinée, la junte au pouvoir, menée par le colonel Mamadi Doumbouya, s'est engagée auprès des États ouest-africains et de la communauté internationale à rendre le pouvoir aux civils au bout de deux ans, à compter du 1er janvier 2023.
Une solution pour combattre le terrorisme et la multiplication des coups d’État dans la sous-région est la mise en place d’une force d’intervention de la CEDEAO. L’idée est évoquée depuis plusieurs sommets, mais le retrait de la Minusma du Mali pourrait ‘’aider’’ à accélérer le processus.
Lamine Diouf