L’AJS à la rescousse des femmes
L’Association des juristes sénégalaises (AJS) est en séjour dans la région de Matam pour outiller les femmes et faire l’état des lieux de la loi sur la parité. Autour d’un panel de haut niveau sur la participation politique des jeunes et des femmes, les participantes ont diagnostiqué sans complaisance les différents axes d’entrave à l’amélioration des conditions de la femme, particulièrement celles qui vivent dans la partie nord-est du Sénégal.
Depuis le vote de la loi sur la parité, le 14 mai 2010, théoriquement, les conditions de la gent féminine sont optimales. Puisque cette loi votée par l’Assemblée nationale stipule que la moitié des candidats de chaque parti politique doit être des femmes. Elle a été adoptée par le Sénat le 19 mai et promulguée le 28 mai 2010.
Aujourd’hui, treize années plus tard, dans les faits, son application paraît chancelante, surtout dans les zones périphériques, éloignées de la capitale de plus de 700 km.
‘’Tout récemment, dans le bureau du Conseil départemental de Matam, on a eu à rectifier le tir pour respecter la parité’’, a révélé l’adjointe au préfet Néné Diombana, qui présidait l’atelier organisé par l’Association des juristes sénégalaises. La délégation de l’AJS dépêchée dans la région de Matam a, durant deux jours, vulgarisé le projet ‘’Politisons les femmes et les jeunes’’ auprès des participants venus des trois départements.
Pour la chargée du projet Seynabou Diouf, la présence des femmes dans les instances de décision est un acquis à préserver par le biais du renforcement de capacités. ‘’On avait constaté qu’avant la parité, il y avait peu de femmes dans les instances de décision. Mais avec le vote de la loi sur la parité, il y a eu un engouement, une bonne représentation des femmes a été constatée. C’est pour cela que nous avons pensé qu’il est important de les outiller, les capaciter pour qu’elles puissent remplir les missions qui leur sont assignées. C’est pour cela que ce projet a été mis en œuvre depuis 2022 et qui nous a amenées ici à Matam pour un panel de haut niveau’’, fait-elle savoir.
Revenant sur les objectifs, Mme Diouf les a organisés autour de trois axes : ‘’La première thématique portait sur la parité. Douze ans après, c’est une sorte d’évaluation. Parce que 12 ans après le vote de la loi sur la parité, je pense qu’il était important de faire une petite évaluation, de voir de là où on était parti et là où nous en sommes, de voir quels sont les défis. Vu que la parité n’est pas à 100 % acquise, même si on sait qu’il y a une évolution, parce qu’on parle de 44,2 % de femmes dans les instances de décision. La deuxième thématique portait sur l’implication des jeunes dans la politique en dehors de toute discrimination basée sur le genre : état des lieux, défis et stratégies pour leur implication, et la dernière était axée sur les violences politiques basées sur le genre’’, a renseigné la chargée du projet.
En deux ans d’existence, le projet ‘’Politisons les femmes et les jeunes’’ cherche, dans sa deuxième phase, à élucider les différentes formes de violence que rencontrent les femmes et les jeunes en milieu politique et de promouvoir un dialogue constructif, afin d’éradiquer les violences politiques basées sur le genre.
À Matam, les participantes, notamment celles qui vivent dans des zones reculées, ont aussi exprimé les principaux obstacles auxquels les femmes sont souvent confrontées dans leur volonté de prendre place dans les instances de décision. Elles sont le plus souvent victimes de leur niveau d’études. Elles sont analphabètes. ‘’Je suis conseillère municipale dans ma commune, mais je dois avouer que je ne comprends pas toutes les décisions qui sont prises par le conseil. La plupart du temps, c’est mon leader qui m’appelle la veille pour me dire ce que je dois faire, si je dois voter pour ou contre. C’est parce que je ne sais pas lire, encore moins écrire et cela constitue un grand handicap pour moi. Je ne suis pas respectée à ma juste valeur. Je sais que si j’étais instruite, les choses n’allaient pas se passer ainsi. C’est pourquoi j’ai dit que le premier défi à relever pour les femmes rurales, c’est celui de l’instruction. On a beau crié et réclamé plus de places dans les instances, mais si on est analphabète, on ne fera que de la figuration’’, confesse dans l’anonymat une participante.
Ainsi, pour limiter les inconvénients causés par le faible niveau d’instruction des femmes, l’Association des juristes sénégalaises avait créé le concept de boutique de droit pour mieux venir en aide aux dames. Ces boutiques de droit, au nombre de huit sur l’ensemble du territoire national, fournissent un service d'assistance juridique et d'orientation judiciaire et psychosocial aux victimes de violences basées sur le genre. Les usagères, pour la plupart à faibles revenus, bénéficient gratuitement des conseils juridiques et sont représentées devant les juridictions grâce au fonds d’assistance alimenté par des partenaires de l’AJS.
Une aubaine, pour l’heure, inaccessible pour les femmes de la 11e région du Sénégal. Mais la chargée du projet espère qu’avec l’appui des partenaires financiers de l’AJS, Matam aura sa boutique.
Djibril Ba.