L’opération “blanchiment” de Karim Wade en marche
Premiers reflets du bout de tunnel pour Karim Wade ! Son retour dans le jeu électoral, avec celui de Khalifa Sall, était le point le plus attendu du Dialogue national. Les conclusions de ces discussions ont été matérialisées par la modification, par l’Assemblée nationale, des articles L28 et L29 du Code électoral, ce qui permettra une réhabilitation des droits civiques et politiques des personnes bénéficiaires d’une grâce présidentielle et ayant purgé leur peine. Depuis, une opération de ‘’blanchiment moral’’ a débuté en faveur de Karim Wade.
Le Dialogue politique avait permis de trouver un accord sur la modification de l'article L28-3 du Code électoral, en y ajoutant la mesure de la grâce. De ce fait, l'article L28-3 a été modifié ainsi qu'il suit : ‘’Aux personnes qui, frappées d'incapacité électorale à la suite d'une condamnation, bénéficient de la réhabilitation ou font l'objet d'une mesure d'amnistie ou de grâce. Pour les personnes bénéficiant d'une mesure de grâce, l'inscription sur les listes électorales ne pourra intervenir qu'après l'expiration du délai correspondant à la durée de la peine prononcée par la juridiction de jugement, s'il s'agit d'une peine d'emprisonnement ou d'une durée de trois ans à compter de la date de la grâce, s'il s'agit d'une condamnation à une peine d'amende.’’
Dans la même veine, un accord sur la modification de l'article L29 du Code électoral pour y intégrer la limitation de l'inéligibilité. Désormais, ‘’cette interdiction d'inscription sur les listes électorales ne concerne que ceux qui sont condamnés pour crime, trafic de stupéfiants et pour les infractions portant sur les deniers publics, à l'exception des cas prévus à l'article L28-3 du Code électoral. Pour les autres infractions, cette interdiction est de cinq ans après l'expiration de la durée de la peine prononcée’’. Après l’adoption de ces lois par l’Assemblée nationale la semaine dernière, l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, et Karim Wade, tous deux candidats à la Présidentielle du 25 février prochain, sont donc, à nouveau, électeurs et éligibles. Mais le nouveau leader du PDS veut plus. Il souhaite que son honneur soit restauré, car, selon un de ses proches, ‘’c’est une accusation gratuite et infamante qu’il faut absolument réparer’’.
Le 14 juillet dernier, les avocats de l’ancien puissant ministre d’État sous le magistère de son père avaient remis une couche pour résumer l’état d’esprit de leur client : ‘’Karim Wade a toujours été victime de sa qualité de fils du président Abdoulaye Wade. Ainsi, à la fin du régime de son père, il a subi un acharnement inédit de la part des opposants de son père qui, obnubilés par le pouvoir, ont fabriqué toutes sortes de mensonges à son encontre. Un patrimoine immense lui a été attribué à tort’’, accusaient-ils.
Débat sur la nationalité
Rengaine bien connue et partagée comme nouveau dogme au sein du PDS, alors que de larges franges de l’opinion gardent à l’esprit l’amende de 165 milliards F CFA qui pèse sur sa tête et surtout qui continue à écorner son image. C’est pour cette raison que le futur ex-exilé de Doha tenait à la révision de son procès.
Karim Wade avait été condamné, en 2015, à six ans de prison ferme pour enrichissement illicite, avant d’être gracié et de s’exiler au Qatar. Sa libération avait été obtenue en 2016, suite à l’entregent du khalife général des mourides d’alors, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké et de l’émir du Qatar dont le procureur général était venu expressément à Dakar pour organiser le départ du golden boy à bord d’un jet privé vers l’émirat où il s’était replié depuis. De manière régulière, Karim Wade avait posé sa réhabilitation à travers une révision de son procès comme préalable à toute initiative de sa part tendant à acter son retour dans le jeu.
En conséquence, depuis dix ans, il se contente de communiquer avec ses compatriotes via des messages postés sur les réseaux sociaux. Depuis l’annonce de la condamnation de l’État du Sénégal par la Cour de cassation française à payer des réparations à son ami Bibo Bourgi (voir par ailleurs), des voix s’élèvent pour réaliser une corrélation entre cette décision judiciaire et le retour au Sénégal de Karim Wade, dans le but d’auréoler sa future campagne électorale sous le label du martyr.
Politiquement, il sera difficile pour le PDS d’obtenir plus que la restauration des droits civiques de Karim Wade. Si Bibo Bourgi a pu se prévaloir de sa nationalité française pour confondre le Sénégal, ce n’est pas le cas de l’ancien mentor de la Génération du concret. Pire, ‘’les sanctions financières contenues dans la décision de justice du 23 mars 2015 et la procédure de recouvrement déjà engagée demeurent’’, précisait le décret de grâce signé par Macky Sall.
C’est donc l’intention de solder un compte moral qui anime le candidat du PDS à la prochaine Présidentielle. Dans une dynamique bien comprise, certains cercles proches du PDS diffusent l’idée que ‘’la victoire’’ de Bibo Bourgi est la preuve de l’innocence de Karim Wade, malgré l’éloignement des deux cas.
C’est là un couteau à double tranchant, car c’est un argumentaire qui ferait renaître le débat sur la nationalité de Karim Wade. Chose à laquelle il se refuse…