Publié le 29 Jul 2023 - 10:56
COUP D’ETAT AU NIGER

La junte cernée de toutes parts

 
 
Alors que l’Union européenne menace de couper toute aide au Niger dont elle représente l’un des principaux partenaires, pendant que les Etats-Unis et la France condamnent fermement le coup d’Etat, les émissaires de la Cedeao disent envisager tous les moyens nécessaires pour rétablir l’ordre constitutionnel.
 
Comme on pouvait s’y attendre, l’escalade est montée d’un cran entre Niamey et Paris. A l’instar de ses homologues maliens et burkinabé, la junte militaire qui a renversé le Président Mohamed Bazoum n’a pas tardé à accuser la France d’un certain nombre de péchés. Parfois en la citant nommément. Dans un communiqué, l’officier qui a porté leur parole déclare : ‘’Malgré les injonctions du CNSP, conformément au communiqué numéro 3 du 26 Juillet 2023, relative à la fermeture des frontières aériennes et terrestres, il a été constaté que le partenaire français a passé outre, pour faire atterrir un avion militaire de type A 400M à l’aéroport international de Niamey, ce matin à 6H30. Le CNSP rappelle une fois pour toute le respect des dispositions du communiqué numéro 3.’’
 
Face à cette accusation, Paris n’a pas tardé à livrer sa part de vérité. Selon ces sources diplomatiques françaises, ‘’il n'y a eu aucune violation de l'espace aérien nidégrien’’. Qu’est ce qui s’est donc passé pour que la France soit accusée d’un tel acte ? De l’avis de notre interlocuteur, il y a eu en effet un A400M qui a atterri à Niamey dans la nuit du 26 au 27 juillet, mais l’avion avait décollé avant la notification de l’interdiction de fermeture des frontières et il n’était pas le seul à être dans cette situation. ‘’Cet avion disposait d'un plan de vol officiel. Il a décollé de France sans connaissance du NOTAM de restriction de l'espace aérien nigérien publié plus tard dans la nuit (vers 02H30 UTC). Il s'est posé à Niamey comme les aéronefs d'autres Etats aux mêmes heures.’’ A en croire notre interlocuteur, l’avion a bel et bien eu l’autorisation des autorités militaires de l’aéroport, avant de se poser.
 
Alors que ce litige n’est pas encore totalement vidé, les autorités nigériennes vont revenir à la charge dans la journée d’hier. Cette fois, le ton est plus grave, tout comme la nature de l’accusation. En effet, il ne s’agit plus d’une simple accusation de violation d’une décision de fermeture de frontière qui venait juste d’être prise, mais d’éventuelle préparation d’une confrontation. La junte ne nomme aucun pays pour cette deuxième charge. Le porte-parole affirme : ‘’Malgré les dispositions prises pour un retour rapide à une situation normale, certains anciens dignitaires terrés dans des chancelleries, en collaboration avec ces dernières, sont dans une logique de confrontation, en vue de l’extraction des autorités déchues. Cette attitude belliqueuse, dangereuse et périlleuse n’aura d’autre résultat que le massacre de la population nigérien et le chaos. Aussi, le CNSP prend-il à témoin l’opinion nationale et internationale sur les conséquences qui découleront de toute intervention militaire étrangère.’’
 
La solution militaire de plus en plus agitée !
 
De quelles chancelleries parlent les nouveaux hommes forts de Niamey ? Les heures et jours à venir seront peut-être plus édifiantes ? En tout cas, du côté de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest, l’on ne semble pas du tout gober ce coup d’Etat que beaucoup présentent comme celui de trop et qui menace gravement la survie de l’institution. Médiateur désigné par l’Organisation, le Président Béninois Patrice Talon est ferme à ce propos : ‘’Tous les moyens seront utilisés au besoin pour que l’ordre constitutionnel soit rétabli au Niger. Mais l’idéal serait que cela se fasse dans la paix et la concorde ; même face à l’inacceptable, il faut le corriger dans la paix. C’est notre première option, et nous pensons que ce sera un succès.’’
 
Cette sortie renforce la thèse de plus en plus agitée d’une solution militaire pour tirer le Niger de la crise. Avant lui, des dignitaires du régime déchu étaient aussi montés au créneau pour inviter les putschistes à revenir à la raison pendant qu’il est encore temps. Sur France 24, le ministre des Affaires étrangères qui assurait l’intérim du Premier Ministre affirmait : ‘’Le seul mode d’accéder au pouvoir au Niger c’est les élections... Il n’y a pas de fait accompli ; le pouvoir légitime et légal est celui qui a été élu par le peuple nigérien et dirigé par le Président Mohamed Bazoum. Le peuple ne saurait accepter ces attitudes factieuses, ces modes anachroniques de conquérir le pouvoir. Nous demandons donc aux officiers factieux à rentrer dans les rangs’’, soutenait le proche de Bazoum, non sans appeler le peuple à la mobilisation pour défendre la démocratie.
 
Hier, le Général Abdourahmane Tchiani, ancien chef de la Garde présidentielle, a fait sa première sortie publique, pour non seulement justifier le coup d’Etat, mais aussi appeler la communauté internationale à accepter la nouvelle réalité. ‘’A l’endroit de la communauté internationale, le CNSP réaffirme sa volonté de respecter tous les engagements internationaux souscrits par la République du Niger ainsi que les droits de l’homme. Aussi, je demande aux partenaires techniques et financiers amis du Niger à appréhender la situation spécifique de notre pays pour lui apporter le soutien nécessaire, afin de lui permettre de relever le défi. Nous demandons aussi à ces PTF, en cette étape cruciale de notre pays, de faire confiance aux FDS garantes de l’intégrité du territoire et de l’intérêt supérieur de notre Nation.’’ Il a par ailleurs justifié le renversement de son ancien patron par la dégradation continue de la situation sécuritaire ; la mauvaise gouvernance économique et sociale...  Le Général a également accusé le Président Bazoum d’avoir fait libérer des terroristes et d’actes de nature à démoraliser les troupes sur le terrain.
 
La junte prend au sérieux la menace et prévient…
 
Cela dit, lui et son équipe vont devoir apprendre à faire sans les partenaires européens, américains et de la Cedeao, qui ont déjà fait montre d’une grande fermeté. Dans un communiqué, l’Union européenne a affirmé condamne ce qu’elle considère comme ‘’une atteinte grave à la stabilité et à la démocratie au Niger’’. Et les conséquences risquent d’être immédiates. ‘’L'Union européenne appelle à ce que la sécurité et la liberté de mouvement du Président Bazoum soient assurées sans conditions. Toute rupture de l’ordre constitutionnel aura des conséquences sur la coopération entre l'UE et le Niger, y compris la suspension immédiate de tout appui budgétaire’’, souligne Bruxelles, qui s’engage à s’aligner sur les positions de la Cedeao. ‘’Nous resterons en étroite coordination avec les Chefs d'État de la CEDEAO. L’UE demeure aux côtés des populations du Niger et réaffirme son plein attachement au strict respect de l’État de droit, des droits de l’Homme et du droit international humanitaire au Niger.’’
 
Pour sa part, le ministère français des Affaires s’est voulu formel. Hors de question selon son communiqué d’accepter la junte militaire au pouvoir. Dans un communiqué, le Quai d’Orsay déclare : ‘’Le Président Mohamed Bazoum, démocratiquement élu par le peuple du Niger, est le seul Président de la République du Niger. La France ne reconnait pas les autorités issues du putsch mené par le général Tchiani. Nous réitérons dans les termes les plus fermes les demandes claires de la communauté internationale appelant à la restauration sans délai de l’ordre constitutionnel et du pouvoir civil démocratiquement élu au Niger.’’ La même journée, Emmanuel Macron disait : ‘’La France condamne avec la plus grande fermeté ce coup d’Etat militaire contre un dirigeant démocratiquement élu, courageux, et qui fait pour son pays les réformes et les investissements dont il a besoin et que nous accompagnons comme nous avons accompagné son prédécesseur depuis le début. Ce coup d’Etat est parfaitement illégitime et profondément dangereux pour les Nigériens, pour le Niger et pour toute la région.’

Mor AMAR

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