Les coulisses de la première transplantation rénale
La première transplantation rénale a été réalisée le 26 novembre 2023. Hier, lors d’un point de presse, le professeur Alain Ndoye, le chef du Service urologie de l'hôpital Le Dantec, est revenu sur les moments forts de cette performance qui n’est qu’un début.
Le 26 novembre 2023, le professeur El Hadj Fary Ka, président du Conseil national du don et de la transplantation (CNDT), informait que son équipe venait de réaliser la première transplantation rénale au Sénégal. Hier, l’équipe médicale est revenue sur les moments forts de cette performance, lors d’un point de presse. Le professeur Alain Ndoye, par ailleurs chef du Service urologie de l'hôpital Le Dantec, renseigne que c’est dans cet établissement que devait avoir lieu l'opération, mais du fait de sa fermeture, elle a été transférée à l’hôpital militaire de Ouakam (HMO).
‘’Le Sénégal est capable de transplanter. Le plus difficile était de mettre en place cette équipe. Sur le terrain des opérations de dimanche et lundi, l'équipe était forte de cinquante personnes. Elle était composée d’infirmiers, de néphrologues, de biologistes, de radiologues, etc. Mais sachez que cette équipe est beaucoup plus large. Le consortium HMO-Le Dantec prend environ plus d'une centaine de spécialistes. Il y avait d'autres spécialistes qui étaient en attente qu'on ait besoin de leurs services. Je pense que c'est la chose la plus difficile à réaliser pour les équipes qui veulent transplanter. Le matériel, on peut l'acquérir, s'il y a une volonté politique, ministérielle pour l’acquérir’’, déclare le Pr. Ndoye.
À la question à savoir si le Sénégal peut transplanter seul, il se montre très clair : ‘’Il y a le fait que les équipes turques sont arrivées. Vous savez, en chirurgie, le nombre de procédures est important. Ce n'était pas une procédure chirurgicale difficile, mais c'était la première fois qu'on fonctionnait en temps réel et en équipe. Il fallait cette équipe expérimentée turque. À chaque étape et niveau, elle nous a amené un responsable qui nous a observés, nous a regardés travailler. Ils ont participé aux interventions à travers des remarques qui sont pour nous un gain d'expérience. On aurait pu le faire seul, au pis avec des complications. Mais là, on a eu la chance d'avoir cette équipe turque qui nous a fait immédiatement toutes les remarques. Ils ont identifié très rapidement les points forts et points faibles. Raison pour laquelle je dis oui, que le Sénégal est capable aujourd'hui de faire une transplantation et tout seul.’’
En outre, poursuit-il, son équipe va tenter de faire d'autres séries de transplantation au mois de janvier. L’objectif est de faire des transplantations régulièrement d'ici le mois de juin. Ce qui fera engranger de la confiance à son équipe, car la demande est extrêmement importante.
D’ailleurs, le nombre de personnes en attente de greffe, approximativement, d’après le professeur Alain Ndoye, est d’une douzaine.
Le long processus à suivre pour les hôpitaux pour faire une transplantation
Présent à la rencontre, le président du CNDT, le professeur El Hadj Fary Ka, a informé que les autorités sénégalaises ont choisi de mettre un cadre législatif et réglementaire qui encadre cette activité. Il précise que le Conseil national du don et de la transplantation (CNDT) ne transplante pas, ce sont les hôpitaux qui le font, particulièrement le consortium HCMO-Le Dantec. Il est revenu sur les étapes à suivre par les hôpitaux pour pouvoir effectuer une transplantation.
‘’Nous espérons que d'autres hôpitaux vont suivre. Maintenant, pour aboutir à ça, il y a un long processus. Au Sénégal, pour prétendre mener des activités de transplantation, il faut obtenir un agrément. L'obtention est assujettie à une évaluation. Donc, l'hôpital qui souhaite transplanter est évalué, parce qu'au CNDT, nous avons élaboré un référentiel avec une grille d'évaluation. Et tout hôpital qui souhaite transplanter doit se soumettre à ce référentiel. Ce dernier comprend plusieurs niveaux : les ressources humaines qualifiées en matière de transplantation rénale, des infrastructures avec des blocs opératoires fonctionnels, des laboratoires. C'est tout un ensemble. Même si vous avez cela, ce n'est pas suffisant’’, précise-t-il.
Il ajoute : ‘’Nous avons des experts qui vont aller sur place. Ils vont vérifier toutes les installations, du bloc opératoire à la radiologie. Ils passent dans tous les coins. Le processus d'évaluation du HCMO-Le Dantec a duré à peu près un an. Peut-être plus, car à chaque fois, il y avait des réglages, compléments et ajustements à faire. Ceci a abouti, en avril 2023, à l'octroi de l'agrément. Ainsi, le comité de transplantation a commencé à travailler. Une équipe de transplantation est comme une équipe de football ; tout le monde est important (…). Nous avons un regard sur le suivi de ces patients et à chaque moment pour savoir si la procédure a été respectée. De plus, l'agrément dure deux ans. Au bout de deux ans, il va falloir déposer une autre demande d'agrément et l'hôpital va être réévalué. Dans la réévaluation, on est beaucoup plus exigeant, car on ne peut accepter qu'il descende en dessous des standards internationaux.’’
Il faut un donneur vivant apparenté
Le professeur Fary Ka informe qu’au Sénégal, le don d'organes est encadré. N'importe qui ne peut pas faire un don. Il faut un donneur vivant apparenté. On ne peut pas le faire n'importe où aussi. ‘’Il n'y a pas de risques de trafic d'organes. Le donneur va prouver le degré de parenté, en apportant les papiers d'état civil. Il faut qu'il prouve que le don est libre, c'est-à-dire qu'il ne subit aucune pression. Qu’il est gratuit, autrement dit, il n’y a aucune contrepartie et que le don est éclairé. Pour cela, le président du tribunal est aidé par trois médecins spécialistes, deux néphrologues et un psychologue en général. Leur mission est de cerner la personnalité du donneur. Pour dire que c'est quasi impossible de faire du trafic d'organes dans ces conditions’’, détaille le médecin.
‘’C’est à l'issue de cette audience solennelle que le président du tribunal décide que le consentement a été accepté. Sans ce consentement, on ne peut pas vous prélever. C'est impossible’’, prévient-il. Avant d’ajouter qu’ils n’ont pas commencé les transplantations plus tôt, parce qu'ils ont voulu respecter les procédures. Le CNDT est intransigeant sur cette question, précise-t-il. Car on ne peut pas le faire, si on ne respecte pas les critères majeurs.
CHEIKH THIAM