Entre réalité et fantasmes !
Rare, pour ne pas dire inédit, le cas Bassirou Diomaye Faye suscite moult interrogations et fantasmes. Classé parmi les favoris de la prochaine Présidentielle, le candidat d’Ousmane Sonko est encore en prison.
‘’Diomaye élu, Amadou Mame Diop devient président de la République’’. Cette affirmation qui a barré, hier, la une du journal ‘’Point Actu’’, a fait le tour de la toile. Sur plusieurs panels et autres plateformes sur les réseaux sociaux, certains Sénégalais en ont discuté à volonté. Les uns y voyant une énormité, une supputation qui ne repose sur aucune base solide. Les autres y trouvant un questionnement qui peut être légitime. Le journal, lui, ne s’est pas arrêté en si bon chemin. De manière péremptoire, alliant certitude et conditionnel, sans citer ni les dispositions légales y relatives ni des spécialistes reconnus, le journal continue de prédire le sort qui attendrait le candidat de l’ex-Pastef, présenté comme un des favoris de la prochaine Présidentielle, au cas où il serait élu.
‘’Élu, il risque de ne pas avoir la possibilité de prêter serment... Le Conseil constitutionnel pourrait constater l’empêchement du président élu... Une nouvelle Présidentielle est possible dans les 90 jours qui suivent…’’
Joint par téléphone, l’administrateur du journal, Pèdre Ndiaye, s’explique : ‘’En fait, il y a beaucoup d’amalgames, alors que ça, c’est du droit. Vous savez, si Bassirou Diomaye est élu, il doit prêter serment, non ? Diomaye peut-il devenir président sans prêter serment ? La réponse est non ; c’est impossible… L’idée de ce papier a été de poser le débat, pour dire : attention il y a danger’’, insiste Pèdre non sans nous inviter à aller lire la Constitution qui, selon lui, prévoit qu’en cas ‘’d’empêchement, le président de l’Assemblée nationale…’’. Il coupe sa phrase et répète : ‘’… Il faut lire la Constitution.’’
Ce bout de phrase est tiré de l’article 39 de la charte fondamentale qui, contrairement aux allégations du journal, traite de la question de la vacance du pouvoir et non du cas du président nouvellement élu et qui ferait l’objet d’une poursuite judiciaire. Ladite disposition précise : ‘’En cas de démission, d’empêchement ou de décès, le président de la République est suppléé par le président de l’Assemblée nationale.’’
Si pour le décès et la démission, il n’y a en principe aucune confusion possible, ce n’est pas le cas en ce qui concerne l’empêchement. Le fait de se retrouver en prison en fait-il partie ?
Joint par téléphone, le professeur Babacar Guèye, constitutionnaliste et président du comité de pilotage du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (COSCE) estime que l’article 39 de la Constitution ne concerne pas le candidat de l’ex-Pastef.
D’abord, fait-il remarquer, l’empêchement dont il est ici question concerne un président déjà en exercice, c’est-à-dire qui a déjà été installé. ‘’S’il lui arrive quelque chose qui peut, par exemple, l’empêcher de s’acquitter de sa mission, comme une maladie grave, on peut dire qu’il est empêché. Et il y a une procédure spécifique pour procéder à sa suppléance par le président de l’Assemblée nationale avant d’organiser de nouvelles élections. Cette situation est bien régie par la charte fondamentale. Ça n’a rien à voir avec le cas d’espèce. Ici, c’est inconcevable’’.
Revenant sur le cas Diomaye, le président du COSCE s’est voulu catégorique. ‘’Dans les normes, s’il est élu président, il doit sortir immédiatement de prison. D’autant plus que, il faut le rappeler, Bassirou Diomaye Faye n’a pas encore été jugé. Il est juste en détention provisoire. On ne peut donc lui opposer ce genre d'arguments. S’il est élu, il n’y aura plus de raison de le garder en prison, parce qu’il jouit de la légitimité populaire. Il devra être libéré immédiatement’’, affirme le professeur de droit, non sans plaider pour une liberté provisoire du candidat le plus significatif de l’opposition.
Saisissant la balle au bond, le professeur Ndiogou Sarr, également publiciste, invite les dépositaires du pouvoir Judiciaire à rétablir le candidat de l’ex-Pastef dans ses droits. ‘’Au lieu de parler de ces supputations, il faudrait surtout inviter les autorités judiciaires à veiller au respect des droits de tous les candidats. Le fait de le maintenir même en prison, à mon avis, est susceptible de porter atteinte à l’un des principes fondamentaux du droit du suffrage, à savoir l’égalité entre tous les candidats. Il faut le mettre dans les conditions de concourir avec tout le monde. Si les Sénégalais lui font confiance, le problème ne se pose plus, parce qu’il jouit d’une immunité. Je pense que c’est un faux débat qu’on a voulu nous imposer. Je ne sais à quelles fins’’, fulmine l’enseignant à la faculté des Sciences juridiques et politiques de l’Ucad.
MOR AMAR