Publié le 12 Feb 2024 - 13:30
MANIFS A SAINT LOUIS

Les étudiants décrètent une grève illimitée et réclament justice

 

Les stigmates des violents affrontements opposant les forces de l’ordre et les étudiants sont toujours visibles à l’UGB. La devanture de l'entrée principale n'a rien à envier à une carrière de pierres. Les restes de pneus et de troncs d'arbres, qui ont servi de barricades aux manifestants, ornent encore le décor des lieux. À l’UGB, la paix reste toujours précaire. Pour dénoncer et réclamer justice de la mort de leur camarade Alpha Yéro Tounkara, la Coordination des étudiants de Saint-Louis a décrété une grève illimitée.

 

Pendant soixante-douze heures, les étudiants de l'Université Gaston Berger (UGB) ont affronté les forces de l'ordre dans l'enceinte du campus et sur la RN2. Des affrontements qui ont dégénéré et occasionné une mort d'homme, des blessés, des dégâts matériels et beaucoup de désagréments aux usagers de cet axe routier.

D'ailleurs, trois jours après les violents incidents, l'odeur des lacrymogènes et celle des matériaux incendiés polluent toujours l'atmosphère.

Pour le président de séance de la Coordination des étudiants de Saint-Louis, Adama Mamadou Kane, cette situation catastrophique pouvait être évitée, parce que les étudiants de l'UGB ne faisaient que manifester pacifiquement contre le report de la Présidentielle comme partout au Sénégal. “Il n'y avait ni casse ni débordement. Les étudiants chantaient et brandissaient des drapeaux aux couleurs nationales. Malheureusement, les forces de l’ordre sont intervenues violemment pour réprimer la manifestation. Dans leur folle répression, elles ont assassiné, à balle réelle, un de nos camarades, Alpha Yéro Tounkara, étudiant en L3 au Département de géographie’’.

Il ajoute : ‘’D’ailleurs, les rapports médicaux sont sans équivoque sur la nature du décès. Ce qui constitue une bavure de trop des forces de l'ordre. Qu’elles sachent que les étudiants ne sont pas des chairs à canon et que les campus ne sont pas des champs de tir. Il y a quelques années, un autre étudiant, Mohamed Fallou Sène, avait été lâchement tué dans de pareilles situations. Il faut que ces tueries dans les campus cessent‘’, râle Adama Mamadou Kane devant la foule d'étudiants. 

L’étudiant indique que la communauté estudiantine est profondément attristée et indignée par cette perte inacceptable et condamne fermement l'usage excessif de la force qui a conduit à cette tragédie. “Cette violence aveugle et injustifiée doit cesser immédiatement. C'est pourquoi nous sommes indignés d’entendre certaines autorités véhiculer des informations soutenant que notre camarade est mort d'une crise cardiaque et que les forces de sécurité sont intervenues en dehors de l'université. Nous tenons à éclairer l’opinion nationale et internationale que c'est une fausse information et de la manipulation. Que les autorités assument et endossent les responsabilités de leurs actes.  Parce qu’envoyer des forces de l'ordre lourdement armées charger des étudiants sans défense, dans le campus, démontre que leur intention de tuer est manifeste”, martèle M. Kane. 

Le limogeage de deux ministres exigé 

Dans l'urgence, la Coordination des étudiants de Saint-Louis (CESL) indique avoir pris des dispositions pour faire face. Le président de séance de la CESL renseigne qu’une grève illimitée a été décrétée et le combat se poursuivra sur le terrain pour demander justice et la fin de la répression brutale contre les manifestants pacifiques.

“Nous exigeons que toute la lumière soit faite sur les circonstances exactes de cette mort et que les responsables soient identifiés et jugés. La vie de notre camarade ne doit pas être banalisée, ni passée sous silence. Plus jamais ça ! Plus jamais la mort d'un étudiant dans de telles circonstances ! Nous ne lâcherons pas, nous continuerons à nous mobiliser jusqu'à ce que justice soit rendue pour notre camarade. Que l'enquête ouverte par le procureur aille jusqu'au bout. La Coordination des étudiants de Saint-Louis n’acceptera pas que celle-ci soit classée ou qu’elle traîne en longueur comme les autres”, prévient-il.

 

Fake news et manipulation de la vérité

Poussant le bouchon plus loin, les étudiants demandent au chef de l’État de démettre les ministres de l’Enseignement supérieur et de l'Intérieur et les autres hauts responsables impliqués dans le drame de l’UGB.  “Depuis vendredi, le jour de l’incident, des communiqués manipulateurs assaillent les réseaux sociaux pour pervertir les faits et blanchir les forces de sécurité. Mais cela ne passera pas. Leurs auteurs ne peuvent pas divertir les étudiants du Sénégal. Nous resterons unis pour que toute la lumière soit faite autour de cette affaire criminelle. La mort d’Alpha Tounkara sera élucidée et tous les responsables qui y ont touché, de près ou de loin, seront sévèrement traqués et condamnés. Cette fois-ci, les étudiants ne lâcheront pas prise”, assure Adama Mamadou Kane. 

Dans la même veine, ces étudiants dénoncent avec la dernière énergie le transfert du corps d’Alpha Tounkara à Dakar pour les besoins de l'autopsie, sans aviser ni la CESL, ni sa propre famille.

Il faut signaler que des membres de la famille de l'étudiant tué ont fait le déplacement sur Saint-Louis pour être près de ses collègues et partager avec eux la douleur et la tristesse. La CESL a également reçu un autre soutien de taille, avec le Saes qui a décrété 48 heures de grève pour fustiger les bavures policières et la violation des franchises universitaires. 

IBRAHIMA BOCAR SENE (Saint-Louis)  

 

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