Publié le 13 Feb 2024 - 12:30
CRISE PRÉÉLECTORALE, MÉDIATION DE LA CEDEAO

Macky Sall dans le collimateur de l’organisation régionale

 

Annoncée en grande pompe par les médias internationaux, la visite du chef de l’État nigérian, Bola Ahmed Tinubu à Dakar, n’aura pas lieu. Toutefois, la CEDEAO compte mettre la pression sur le chef de l’État sénégalais pour respecter le calendrier électoral.

 

Le président du Nigeria, Bola Tinubu, devait rencontrer son homologue sénégalais Macky Sall, ce lundi 12 février, pour trouver une solution à la crise actuelle liée au report de l’élection présidentielle. Alors que des sources au niveau de la présidence affirment que ce tête-à-tête n’était pas confirmé, une délégation du Parlement de la CEDEAO est déjà arrivée à Dakar pour s’entretenir avec les différentes parties prenantes : l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel et le président Macky Sall.  Une conférence de presse avec une déclaration finale du Parlement est prévue ce mardi 13 février.

La CEDEAO cherche à désamorcer les tensions liées au report de la Présidentielle initialement prévue le 25 février 2024. Les manifestations sur toute l’étendue du territoire national ont déjà fait trois morts, des dizaines de blessés et des centaines d’arrestations.

La coupe est pleine pour cette organisation sous-régionale fortement discréditée ces dernières années. Cette nouvelle crise ne fait qu’exacerber les relations entre États membres dans un contexte où l’institution peine à apporter des réponses satisfaisantes aux différents défis sécuritaires et économiques.  Le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger (qui ont mis sur pied l’Alliance des États du Sahel), les balbutiements dans le dossier de Niamey et les critiques tous azimuts des populations ont certainement incité les chefs d’État à enclencher un dialogue avec Macky Sall.

La CEDEAO est accusée de faire du deux poids, deux mesures. Prompte à dénoncer et sanctionner les coups d’État militaires, mais très complaisante avec les coups d’État institutionnels dans l’espace ouest-africain.   Il s’y ajoute le plaidoyer du président béninois, Patrice Talon, en faveur des pays de l’Alliance des États du Sahel et la dénonciation de la ‘’posture complaisante’’ envers le Sénégal.

Le cas sénégalais a également fait écho dans ce cercle restreint de décideurs. Face aux journalistes, Talon s’est interrogé sur la réaction que devrait avoir la CEDEAO et l’UEMOA. ‘’Ce que l’on observe au Sénégal, qui est regrettable, est de nature aujourd’hui à nous interpeller sur le rôle des communautés auxquelles nous appartenons. Est-ce que la CEDEAO ou l’UEMOA, cette fois-ci, doit condamner ou non ?’’.

Au cours des dernières tensions dans la sous-région, la diplomatie togolaise à elle seule a réussi là où la CEDEAO a presque échoué : la libération des soldats ivoiriens au Mali et la médiation dans la transition nigérienne. Alors que l’idée d’une intervention militaire avait enterré tout espoir de dialogue entre putschistes et les partisans d’un retour à l’ordre constitutionnel.

CEDEAO : Vers une renaissance ou un déclin inexorable ?

Dans cette nouvelle crise, les autorités de la sous-région semblent adopter une posture plus claire et plus ferme, si l’on s’en tient aux deux communiqués de l’institution. Tout au début de cette ‘’pseudo crise institutionnelle’’, l’organisation sous-régionale avait opté pour un réaménagement du calendrier électoral, comme l’avait voulu le président Sall et BBY et Wallu.

Mais 72 heures après, elle a changé de ton, exigeant du Sénégal, réputé comme un des bons élèves de l'organisation, à rétablir "de toute urgence" le calendrier électoral.

Un coup de pression auquel se sont greffées d’autres injonctions de l’Union européenne et du département d’État américain. Cet alignement de ces grandes puissances devrait élargir la marge de manœuvre de la CEDEAO pour trouver une issue entre les parties prenantes.

Si la médiation diplomatique de Dakar réussit, la CEDEAO enverra sans doute des signaux positifs pour attaquer les autres dossiers brûlants, à savoir la réintégration des États membres de l’Alliance du Sahel et la libération du président nigérien destitué Mouhamed Bazoum.  

Pour l’instant, au Sénégal, une volonté de décrispation de l’atmosphère est en cours. Après la restitution de la licence de la télévision Walfadjri, une loi d'amnistie générale serait envisagée pour libérer tous les ‘’détenus politiques’’. La mesure devrait également concerner des faits plus anciens, notamment ceux liés aux condamnations de Karim Wade et Khalifa Sall. Ces nouveaux actes posés constituent les premiers jalons pour aller vers un dialogue inclusif.

Reste à savoir si les autres acteurs vont répondre à cette main tendue et que le chiffon rouge d’une prise de pouvoir des hommes en kaki agité par le président Macky Sall n’aura pas d’effet.  

Amadou Camara GUEYE

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