Otages des politiciens
‘’Celui qui guette ne tousse pas.’’ (Proverbe wolof)
Un pays africain
Ainsi donc, le Sénégal s’achemine, à coup sûr, sur le chemin d’un enlisement politique. À l’allure où vont les choses avec autant de rebondissements et de surenchère, tout pourrait finir dans un imbroglio avec déchirure pour simple fait d’une date d’élection et de la conduite d’une transition devenue incontournable. Cela est clair et accepté par toutes les composantes de la population, le report de la présidentielle du 25 février dernier a installé le pays dans une situation de non-droit. La période d’exception qui en a découlé fait qu’aujourd’hui, lois et règlements ont cédé la place aux arrangements et aux ententes. C’est-à-dire à des négociations où chaque partie veut gagner quelque chose et faire perdre le maximum au camp d’en face.
Cette situation d’enlisement dans laquelle le pays patauge est le fait d’une caste entièrement à part, celle des politiciens qui se croient investis de tous les droits dans ce pays. Et ceci depuis la première alternance de l’an 2000 qui a vu l’apparition d’un nouveau métier sous nos cieux, celui de politicien de métier et de profession.
Quels que soient les maux et les pesanteurs relevés, analysés ou mis en exergue sur l’état désastreux dans lequel se débat le pays, nul ne peut soustraire la responsabilité pleine et entière de toute la classe politique qui a fait de l’État sa vache laitière et ayant conduit, ainsi, de nombreuses personnes à choisir les voies de la politique pour se faire une place au soleil et pour s’enrichir. Landing Savané, fondateur d’And Jëf, avait qualifié cette attitude ‘’de partage du gâteau’’.
Il y aura, certes, une élection, car il faudra bien finir par s’entendre sur une date et quels que soient les postures et les calculs politiciens, il ne saurait être acté une vacance au sommet de l’État.
La transition paraît, donc, être un préalable avant la naissance d’un nouveau magistère présidentiel et d’un nouveau leadership politique. Voilà pourquoi, à défaut d’un consensus au sein de la classe politique et d’un agrément du reste de la société, tous les ingrédients sont, donc, en place pour l’entrée en scène d’un nouvel acteur sur la scène politique. Y a-t-il plus de probabilité pour que celui-ci soit un religieux ou plus de possibilités pour que celui-ci soit un quarteron issu des forces de défense et de sécurité ?
La lecture que toutes les composantes du pays se font de la situation actuelle va, à terme, nous indiquer de quel côté la balance pourrait pencher. S’il y a possibilité de s’entendre au sein des religieux malgré la multiplicité des confréries et des sectes religieuses, cette alternative du religieux pèsera de plus en plus dans le futur. Si, au contraire, la sécurité intérieure comme extérieure devient de plus en plus la première urgence du pays à cause d’une instabilité politique ou sociale, les FDS devront servir de bouclier pour préserver l’unité nationale et défendre la République et ses institutions.
Et ce qu’il y a de plus désolant dans ce Sénégal du premier trimestre 2024, est la situation de pays africain dans laquelle nous a installé notre classe politique, alors que de tout temps, l’on a cherché à brandir ‘’l’exception sénégalaise’’ comme modèle unique à atteindre par tous dans une Afrique où l’adversité politique a enterré l’État de droit et la démocratie libérale de type occidental depuis belle lurette. De nombreux compatriotes, et ceci depuis les années Senghor, ont toujours brandi un ‘’soft power’’ sénégalais reposant sur un art de vivre, une culture et un raffinement, et soutenu avec raison que nous avions beaucoup plus de finesse, de tolérance dans notre ‘’way of life’’ et nos manières de faire qui font plus de place au dialogue et au compromis qu’à des affrontements permanents pouvant conduire à des déchirures communautaires, ethniques, tribales ou identitaires.
Du fait d’une classe politique égoïste et n’ayant pas d’ambitions de grandeur pour leur pays, la foire d’empoigne qu’elle a entamée depuis 2016 a donné au Sénégal le même visage de pays du continent que certains toisaient avec hauteur et condescendance. Cette leçon doit nous servir et surtout nous rappeler que nous sommes des Africains comme les autres et aucun de ces derniers ne devrait rire de nous comme l’a tenté le président Patrice Talon du Bénin en nous souhaitant un bon retour dans la réalité de la jungle des politiciens du continent où tous n’ont fait subir que des déchirures et des désastres à leur pays.
Vivement la fin de ce cauchemar politique afin que le pays se mette au travail, car il en a, grandement, besoin.
Les petits mystères de la Présidentielle (12)
Ne faudrait-il pas s’étonner de la fixation que font certains candidats retenus et d’autres dits ‘’spoliés’’ sur l’organisation d’une élection avant le 2 avril ?
Jusqu’à présent, tout porte à croire que les forces politiques les mieux organisées ou ayant le plus de sympathisants ne se retrouvent que dans quatre camps. À savoir, Benno Bokk Yaakaar en tête, talonnée par les radicaux de l’ex-Pastef, les ‘’sopistes’’ de la famille Wade et les socialistes dissidents de Taxawu Sénégal.
À en croire certains, les dernières photographies instantanées obtenues sur les intentions de vote du corps électoral ne font apparaître que deux candidats parmi les 19 retenus par le Conseil constitutionnel pouvant franchir le cap de pourcentage à deux chiffres. Tout le reste des 19 candidats retenus par le Conseil constitutionnel, soit 17 offres politiques, oscillerait entre 8 et 0,0 %.
La question est donc de savoir ce qui anime tout ce beau monde. Devenir président de la République ou bien faire perdre quelqu’un ? Ou encore certains parmi eux ont-ils des ‘’contrats’’ ou des ‘’pactes’’ les obligeant à jouer un rôle dans un scénario déjà écrit ?
Tout de même, une chose apparaît clairement dans tous les sondages probables ou supposés avoir été réalisés entre décembre 2023 et janvier 2024, une victoire au premier tour n’est à portée de main que d’un seul candidat parmi les 19 validés.
Abdoulaye Bamba DIALLO