Le discours de la méthode d’Ousmane Sonko
À l’occasion du lancement de l'opération de nettoyage ‘’Setal Sunu Reew’’, le Premier ministre Ousmane Sonko a expliqué l’imminence de la mise en œuvre du processus de reddition des comptes et la fin des audits. Ses détracteurs dénoncent la lenteur des procédures et de possibles chasses aux sorcières.
C’est un Ousmane Sonko offensif qui est dans une stratégie communicationnelle sur le plan de la reddition des comptes. Après sa vidéo postée sur les réseaux sociaux concernant l’imminence des actions contre les personnes accusées d’avoir spolié les deniers publics sous l’ancien régime, le Premier ministre, lors du lancement de l’opération de nettoyage ‘’Setal Sunu Reew’’, a décidé d’en remettre une couche. Le chef du gouvernement est revenu sur la symbolique du balai, qui doit aller au-delà du simple nettoyage de nos rues pour débarrasser le pays de sa mauvaise gestion.
‘’Nous allons étendre ce nettoyage aux institutions de la République. Les Sénégalais doivent garder à l’esprit que Dieu nous a sauvés, mais aussi que nous avons été sauvés grâce aux prières de nos très respectées personnalités du pays. Sans cela, nous aurions pu connaître une situation similaire à celle de nombreux pays voisins en 2023. Cette crise a été provoquée par des dirigeants qui, au lieu de travailler pour le bien de la population, ont agi autrement, qu’il s’agisse du président, du ministre ou d’un magistrat’’, a-t-il déclaré hier lors de l’opération à Sangalkam.
Dans la même dynamique, l’ancien maire de Ziguinchor a ainsi indiqué sa ferme intention d’aller jusqu’au bout de cette démarche. ‘’Je vous promets que lorsque nous aurons fini de balayer, vous saurez réellement qui a fait quoi. Si c’est moi, Ousmane Sonko, vous le saurez. Si c’est quelqu’un d’autre, vous le saurez également. Il est impensable de laisser les mêmes personnes responsables de ces crises continuer à agir comme avant. Tout cela était dû à des responsables qui, au lieu de se préoccuper des besoins de la population, passaient leur temps à organiser des règlements de comptes et des complots’’, soutient le président du parti Pastef.
L'ex-inspecteur des impôts et domaines entend poursuivre coûte que coûte cette politique de reddition des comptes pour enfin sortir le Sénégal de l'ornière. ‘’Il faut assainir la justice, car celui qui était dans cette même justice et y a commis des méfaits et qui avait des responsabilités, doit changer d’attitude. Il faut remettre le pays dans le droit chemin pour que les Sénégalais vivent en paix, pour éviter les commérages, les violences et les médisances, car au Sénégal nous ne connaissons que la paix et la fraternité. Nous devons travailler et en finir avec l’animosité qui caractérise notre société’’, renseigne-t-il.
Contrat d’armement de 45 milliards au profit du projet d’équipements de la Direction des eaux et forêts et des parcs nationaux
Cette séquence des audits ne semble épargner aucun secteur. Ainsi, le ministre de l’Environnement, Daouda Ngom, lors d’un déplacement à Somone avant-hier, a aussi indiqué que des investigations étaient en cours concernant le contrat d’armement de 45 milliards au profit du projet d’équipements de la Direction des eaux et forêts et des parcs nationaux, de la Direction des aires marines protégées sous le magistère d’Abdou Karim Sall. Une manière pour le gouvernement de reprendre la main sur l’actualité nationale avec ce dossier dans un contexte d’exacerbation des critiques autour de l’absence des mesures contre la vie chère et la baisse du loyer.
Pour Abdoul Maliky Bousso, membre du Bureau exécutif du Forum civil, la reddition des comptes est un principe sacro-saint pour tout nouveau gouvernement qui vient aux affaires. ‘’Le principe de bonne gouvernance veut que le président nouvellement élu demande au gouvernement de faire un état des lieux des finances publiques conformément aux recommandations de l’UEMOA. Ainsi, le nouveau gouvernement peut avoir une cartographie complète de la situation du pays et ajuster ses politiques en conséquence. Cette méthode permet de tirer les bonnes leçons en matière de gestion des affaires publiques. L’audit permet de sanctionner positivement les personnes qui sont dans la gestion des affaires publiques’’, soutient-il.
Concernant le déroulement du processus de reddition des comptes avec des audits que certains jugent trop lents, Abdoul Maliky Bousso appelle à la patience. ‘’Il est difficile de juger une méthode du gouvernement qui vient de commencer, concernant la reddition des comptes. Nous avons un gouvernement qui est en place depuis moins de deux mois et le Premier ministre Ousmane Sonko n’a même pas encore fait sa Déclaration de politique générale. Donc, je pense que c’est trop tôt pour faire une évaluation d’un processus qui est en cours. Nous, au Forum civil, sommes en posture de veille et notre préoccupation est de savoir si le ministère de la Justice va enclencher la séquence de la judiciarisation des rapports de l’Ofnac, de la Cour des comptes et ceux très attendus de l’IGE’’, selon M. Bousso.
Ce choix de transparence dans les affaires publiques ne doit pas prêter le flanc à d'éventuels jeux politiques, rapporte Elimane Kane, président de Legs Africa.
En effet, les audits ont servi de moyen de pression pour les précédents régimes afin de contraindre les anciens pontes à rallier le camp victorieux en contrepartie de la mise en suspens de leur dossier judiciaire. L’initiative de l’ex-procureur de la Crei, Alioune Ndao, de poursuivre jusqu’au bout les 25 personnalités inculpées par ladite juridiction, lui a valu son licenciement en plein procès de Karim Wade.
Selon le président de Legs Africa, il faut dépassionner le débat concernant cette question des audits et des poursuites judiciaires contre les anciennes personnalités du régime de Macky Sall. ‘’La responsabilité finale appartient à la justice qui doit faire son travail. Nous sommes dans un État organisé avec des institutions. Donc, nous devons dépolitiser cette affaire. Il faut épurer le débat concernant un possible narratif autour de chasses aux sorcières et de vengeance des nouvelles autorités et laisser la justice faire son travail’’, conclut-il.
Mamadou Makhfouse NGOM