Publié le 4 Jul 2024 - 20:24
DAKAR- CADRE DE VIE

Les bancs publics transformés en dortoirs par les sans-abris

 

Dans la capitale dakaroise, les bancs publics symbolisent des lieux de repos et de convivialité destinés à la population. Ils doivent être protégés et maintenus propres par la communauté. Cependant, il a été révélé que ces espaces sont de plus en plus utilisés par des sans-abris comme des dortoirs improvisés.

 

Il est 14 h 30, l'heure de la pause pour de nombreux employés d’entreprises aux alentours de l’agence Sonatel. Sous le pont, l'atmosphère est bien différente de celle des bureaux climatisés. Des hommes et des femmes de tous âges ont trouvé sur ces bancs un semblant de refuge. Parmi eux, trois sans-abris dorment sur différents bancs. Aminata Diagne, agent de parc, ne voit aucun inconvénient à cette pratique, car selon elle, ces personnes n'ont pas d'autre choix : "Vous savez, il y a des gens qui travaillent, mais qui n’ont pas où dormir. Donc, ils dorment ici et le matin, ils vaquent à leurs occupations", explique-t-elle.

Elle appelle à la compréhension de tous, car elle admet ne pas pouvoir  comprendre leur situation, n'ayant pas vécu la même réalité : "J’ai un chez-moi, donc je ne peux pas comprendre ce qu’ils vivent. Mais essayons de comprendre, car ces personnes, je pense qu’elles n’ont pas les moyens de se payer un logement", ajoute-t-elle.

C’est dans cette optique qu’un habitant de Guédiawaye, Assane Diouf, trouvé à la place de l’Indépendance, exprime son malaise face à ce phénomène : "Je reste à Guédiawaye et de temps en temps, je m’assois ici pour travailler par téléphone. Mais c’est vraiment dérangeant de trouver des gens endormis ici, ça m’empêche parfois de bien travailler. Ils ne sont pas toujours très propres et ce n’est pas plaisant. Ces bancs publics sont pour tout le monde. Donc, il faut trouver des solutions."

À côté de lui, un artiste-musicien nommé Ibou Cissé souligne que ce phénomène accroît l’insécurité et que tous ceux qui occupent ces espaces publics ne sont pas forcément des sans-abris. "Vous savez, toutes ces personnes-là ne sont pas des sans-abris. Il y a des drogués, des bandits et même des enfants. Ces délinquants sont là pour agresser et voler les gens, en se faisant passer pour des sans-abris", relate-t-il. "Ce ne sont pas tous les sans-abris qui ont une bonne moralité", insiste-t-il.

Il critique également l’indifférence des autorités face à ce problème : "Les autorités savent ce qui se passe ici. Elles ont toutes les informations nécessaires. Rien ne leur est caché. Donc, si elles veulent que cela cesse, cela pourrait cesser dès demain. Elles choisissent juste de ne pas réagir. Tous ces voyous doivent partir d’ici."

Après un regard vers le ciel, il ajoute : "Nous comprenons leur situation, mais cela rend les lieux moins accueillants pour les autres et il y a des problèmes de propreté et de sécurité."

Un peu plus loin, dans son véhicule, Pape préfère patienter pendant sa pause plutôt que de s'asseoir sur les bancs publics. Il exprime son souci pour l'image de la ville, notant que la présence des sans-abris sur les bancs publics pourrait ternir l’apparence de Dakar : "Ces bancs ne sont pas faits pour dormir. À mon avis, ce n’est pas joli du tout. Cela salit l’image du Sénégal, parce que ces personnes ne se cachent pas."

Les municipalités invitées à agir

Il suggère que ces personnes retournent chez leurs familles ou trouvent d'autres abris : "Elles ont des familles ici. Pourquoi ne pas retourner chez elles ? Ces bancs sont devenus leur lit, leur salon. C’est abusé." Il recommande une prise en charge de ces personnes par les autorités : "Je comprends que le Sénégal est un pays en développement et qu’il fait face à des défis économiques. Construire des logements pour les sans-abris pourrait être difficile, mais nous devons encourager la participation au développement du pays en aidant les plus démunis. Les municipalités doivent se pencher sérieusement sur ce problème."

Face au nombre croissant de sans-abris qui utilisent ces bancs, certains espaces publics manquent de places disponibles. Une résidente du quartier Liberté 6, Noëlle Epimbia, partage son expérience : "Nous sommes allées avec ma sœur au banc public à IPD. Non seulement la majorité des places étaient occupées, mais elles l’étaient par des sans-abris." Elle exprime sa gêne en affirmant : "J’avais l’impression de voler le lit de quelqu’un et cela me faisait de la peine."

Elle souligne que cette situation est de plus en plus fréquente. Noëlle propose une solution d'adaptabilité pour les sans-abris afin que ceux qui ont besoin de se relaxer ne se sentent pas mal à l’aise vis-à-vis d’eux : "Je pense qu’il faudrait réserver des places spécifiques pour ces personnes-là, comme pour les personnes handicapées ou âgées. Elles ont droit à un espace sans marches sur les passerelles, par exemple. Ainsi, nous saurons que ces places ne sont pas destinées à tout le monde."

En conclusion, il est crucial de prendre conscience de cette réalité et de ne pas la normaliser. Les bancs publics ne devraient pas devenir un refuge pour les sans-abris, mais rester des lieux de détente et de repos pour le public.

THECIA P. NYOMBA EKOMIE

Section: