L’État bloque le paiement des indemnités
L’Inspection générale d’État avait épinglé l’institution pour avoir passé son temps à payer des indemnités mensuelles, parfois non dues, alors que la loi prévoit des indemnités par session pour les conseillers. Aminata Tall, Aminata Touré, Idrissa Seck, Abdoulaye Daouda Diallo, tous auraient outrepassé les rigueurs de la loi pour satisfaire les intérêts politiques du moment.
Après la tentative avortée de suppression du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) suivie du limogeage, par le président de la République, des présidents des deux institutions, un climat délétère continue de régner au niveau du Cese. En cette fin du mois, alors que leurs homologues du HCCT ont pu recevoir leurs indemnités, les conseillers du Conseil économique, social et environnemental ont été surpris de se voir refuser tout paiement par le Trésor.
Matar Diop s’indigne : ‘’Depuis Aminata Tall jusqu’à Abdoulaye Daouda Diallo, en passant par Aminata Touré et Idrissa Seck, les conseillers ont toujours été payés mensuellement. Pour la première fois, ils ont été privés de leur salaire, sous le prétexte que nous n’avons droit qu’à des indemnités de session.’’
De l’avis du conseiller, c’est injustement que l’administration du Conseil économique, social et environnemental a refusé de leur verser leurs indemnités qui sont dues mensuellement. ‘’Certes, nous avons des indemnités de session, mais le président Macky Sall avait pris un décret pour instaurer des indemnités mensuelles pour tous les conseillers, au même titre que ce qui se fait dans les autres institutions. Aujourd’hui, nos homologues du Haut conseil ont été payés, mais nous on refuse de nous payer. Or, même si les présidents ne sont plus là, nous restons des conseillers et on nous doit ces indemnités’’, fulmine Matar Diop qui a toutefois tenu à dédouaner le président de la République et le Premier ministre. ‘’Ce n’est pas l’Administration centrale qui bloque, c’est l’administration du Cese qui a refusé de transmettre les mandats au Trésor. C’est de la faute exclusive de l’administration actuelle du Cese’’, s’est-il insurgé.
Après avoir dénoncé vigoureusement l'attitude des actuels dirigeants, Matar Diop soutient qu'ils n’excluent pas de saisir la justice pour être rétablis dans leurs droits. ‘’Nous cherchons à alerter l’opinion pour inviter ces gens à revenir à la raison. Ils ne peuvent pas bloquer nos salaires pour nous fournir des arguments qui ne tiennent pas, parce que nous avons travaillé. D’ailleurs, normalement, il devait y avoir une session ce mois, mais avec la position du nouveau régime qui veut dissoudre l’institution, le travail est bloqué’’.
Les conseillers n’excluent pas de saisir la justice
‘’EnQuête’’ a essayé d’en savoir plus, notamment en revisitant les textes constitutifs de l’organe consultatif, mais aussi en discutant avec des sources dont certains anciens membres qui ont préféré garder l’anonymat.
Aux termes de la loi organique instituant le Cese, il est clairement indiqué que les membres du Conseil économique, social et environnemental bénéficient d’indemnités de session fixées par décret (nous n’avons pu avoir accès à ce décret), qu’ils peuvent aussi prétendre aux remboursements de leurs frais.
Dans la pratique, chaque fin du mois, l’institution versait plus de 1 500 000 F CFA à chaque conseiller. Selon nos informations, certes les choses se sont toujours passées ainsi, mais cela ne reposerait sur aucune base légale. D’ailleurs, soulignent nos interlocuteurs, ce point a été soulevé par l’Inspection générale d’État lors de son passage dans l’institution sous Aminata Touré. Les inspecteurs avaient alors décelé deux manquements à propos des indemnités. D’abord, elles ne doivent pas être payées par mois, mais par session. Ensuite, il est arrivé que les conseillers perçoivent plus que ce qu’ils n’auraient dû recevoir.
En vérité, comme les conseillers sont payés par session, on a calculé le montant total qu’ils doivent recevoir par an, s’ils tiennent les quatre sessions prévues par la loi – deux sessions ordinaires et deux sessions extraordinaires. On a divisé le montant par 12 pour leur permettre de percevoir par mois. Malheureusement, il est arrivé que le Cese paie l’intégralité des indemnités, alors que les conseillers n’ont pas fait toutes les sessions. Dans les normes, ils devaient rembourser une partie de cet argent, mais ils ne l’ont pas fait, soutiennent certains de nos interlocuteurs.
Il faut rappeler que le salaire plus l'indemnité de transport d'un conseiller du Cese s'élèvent à 1 540 000 F CFA.
Toutefois, pour rationaliser les dépenses publiques, le président de la République avait soumis à l’Assemblée nationale deux projets de loi portant suppression du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT), des institutions jugées budgétivores.
Mais les députés de l'ancien régime, majoritaire à l'Assemblée nationale, avaient rejeté ces projets de loi. Raison pour laquelle les deux institutions continuent d’exister même si leurs présidents ont été démis de leurs fonctions.
Fatima Zahra Diallo