En une année d'existence, le GIE Fedde Mamadou Bilel a réussi la prouesse de rassembler plus de 300 femmes du département de Kanel autour d’activités génératrices de revenus. Pour marquer leur premier anniversaire, ces femmes ont offert des climatiseurs et des kits hygiéniques aux maternités des structures sanitaires de Kanel et de Seno Palel.

À 20 km de la ville de Ourossogui, poumon économique de la région de Matam, Kanel-commune trône majestueusement dans la province du Damnga, grâce à son poids historique. Ici, les femmes se sont regroupées autour du GIE Fedde Mamadou Bilel pour enclencher le développement endogène. Sous la houlette de leur présidente Rougui Bocoum, elles exploitent un jardin communautaire de plusieurs hectares où elles produisent ce qu'elles consomment, une véritable fabrique du consommer local. Les adhérentes, pour la plupart issues de familles de modestes conditions, y trouvent nettement leur compte. Marième Coulibaly habite au quartier Thielol, elle est une jeune femme mariée à Kanel avec un jeune menuisier depuis deux années. Elle est membre du GIE par le biais de sa voisine ; une aubaine pour elle.

‘’Je vis avec mon mari qui travaille comme menuisier, fait-elle savoir. Parfois, c’est très compliqué pour nous, d’autant que je suis femme au foyer. Mais grâce au GIE, j’ai pu légèrement améliorer ma situation. J’achète mes légumes au jardin à prix bas et parfois je revends quelques produits à d’autres ménages avec une marge bénéficiaire assez importante’’, témoigne la jeune mère d'une fille.

Au jardin du GIE, ça mange bio et ça coûte moins cher

En effet, toutes les femmes membres du GIE dépensent moins pour l’achat des légumes provenant du jardin. Un gain salvateur pour les maigres bourses des ménages. Ça mange bio et ça coûte moins cher. ‘’Nous cultivons toutes sortes de légumes dans notre périmètre agricole, fait noter la présidente. Grâce au dynamisme des femmes, les récoltes sont toujours au rendez-vous. Les femmes s'y retrouvent après la commercialisation. Nous avons aussi mis sur pied un système de solidarité qui permet aux membres du GIE d’acheter à prix réduit. Par exemple, pour le kilo de gombo qui est vendu à 1 200 F CFA sur le marché, les femmes du GIE l’achètent à 700 F CFA. Ainsi, elles économisent 500 F CFA et cet argent peut servir à payer d’autres produits’’, explique Rougui Bocoum.

Malgré des écueils liés à l’approvisionnement en eau, le jardin parvient à offrir de belles productions. Les femmes faisant preuve de beaucoup de courage se rabattent sur les puits pour assurer l'arrosage au quotidien. ‘’Tous les après-midis, on se retrouve au jardin à 17 h pour arroser. Il faut voir comment ces femmes travaillent avec abnégation. Nous travaillons avec plaisir, car nous travaillons pour nous. Puiser de l’eau au puits est fastidieux, mais on doit faire avec en attendant qu’on trouve de l’énergie solaire pour nous soulager’’, soutient Mounasse qui a souligné la  générosité de leur présidente. ‘’C'est Rougui Bocoum, notre présidente qui a mis ses propres terrains à la disposition du GIE. C’est une belle preuve de sa disposition à accompagner les femmes de Kanel’’, ajoute-t-elle.

Située dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal, la ville de Kanel fut érigée en commune en 1996. Elle est aussi le chef-lieu du département du même nom. À part le commerce, ce terroir n'offre quasiment aucune opportunité aux femmes. Un obstacle que le GIE a cherché à contourner grâce à son système d’autofinancement. La présidente a injecté deux millions dans les caisses. Les membres peuvent ainsi contracter un petit crédit à rembourser au bout de trois mois avec un taux relativement bas. ‘’Le développement est possible quand vous avez des femmes aussi dynamiques que celles qui forment le GIE Fedde Mamadou Bilel. Au lieu d’aller contracter du crédit auprès des institutions de microfinance à des taux d’intérêt rédhibitoires, je leur ai proposé d'instaurer un système d’autofinancement où les dividendes reviendront au groupement. C’est ainsi qu’on pourra se développer’’.

Fedde Mamadou Bilel sème les graines de l’autosuffisance alimentaire…

En un temps record, le GIE Fedde Mamadou Bilel a réussi à s'imposer dans le cercle restreint des groupements de femmes les plus crédibles de la région de Matam. Ses principes directeurs ont trouvé un écho favorable auprès des nouvelles autorités du pays. Le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, dans sa volonté d’installer une rupture, a fait de l’autosuffisance alimentaire son cheval de bataille. Il a invité les Sénégalais à produire ce qu’ils consomment et à consommer ce qu’ils produisent. Un slogan qui trouve corps dans le GIE.

C’est ainsi que le mouvement And Doolel Bassirou Diomaye s’est déplacé jusqu’à Kanel, il y a deux mois, pour constater de visu l’exemple du GIE Fedde Bilel. Babacar Faye, qui portait la parole du secrétaire général national du mouvement, a souligné le caractère pragmatique du GIE dans la mise en œuvre du projet de l’autosuffisance alimentaire prônée par le nouveau régime. ‘’En parlant de l’autosuffisance alimentaire, les femmes du GIE Mamadou Bilel sont en train de poser des actes forts allant dans ce sens. On a trouvé sur place deux acteurs très engagés pour porter le projet. Il s’agit de Mamadou Oumar Bocoum et de son épouse. Ils ont la lourde responsabilité de faire participer les citoyens de Kanel à ce projet d’autosuffisance alimentaire. On a été rassuré de voir, ici, à travers des GIE comme celui-ci, que les gens se sont engagés pour que le département puisse donner l’exemple à tous les autres départements du Sénégal’’.

… et souffle sa première bougie

Pour marquer son premier anniversaire, le GIE n'a pas lésiné sur les moyens. Tous les daaras de la commune de Kanel ont reçu des draps et des détergents. ‘’Nous avons choisi les daaras parce que nous considérons les talibés comme des orphelins. Ils vivent loin de leurs parents. Ils dorment sur des tapis sans drap et n’ont jamais de savon pour se laver les mains et laver leurs habits’’, explique la vice-présidente Athia Mamoudou Diallo lors de la cérémonie de remise des dons aux structures sanitaires de la commune. Pour le poste de santé, le GIE a cristallisé ses efforts au service de la maternité. Des couches pour adultes en grande quantité ont été remises à l’infirmier-chef de poste Mané accompagné du matériel de climatisation pour soulager les patientes en période de chaleur. Un geste hautement salué par le responsable de la structure de santé. Le centre de santé implanté à quelques encablures du poste a aussi reçu la même quantité de matériel. Ces actions sociales ont délié les langues des thuriféraires du GIE dont le comptable des matières du centre de santé. ‘’Le centre de santé avait besoin d’actions de cette envergure et ces dons arrivent au moment opportun’’.

Deux jours durant, le groupement de femmes a multiplié les dons à Kanel. Les associations sportives et culturelles, les associations d’étudiants, les écoles élémentaires ont toutes reçu des enveloppes financières et des fournitures scolaires.

Mais le GIE ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Rougui Bocoum : ‘’Nous avons l'ambition de multiplier nos actions sociales et de les étendre dans toute la région. Pour cela, nous lançons un appel aux bonnes volontés, à l’État et aux ONG. Le GIE voit grand et dispose d'une base solide pour construire un développement durable avec les femmes.’’

Djibril BA