Publié le 17 Oct 2024 - 15:16
GRÈVE DES AGENTS DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Un vent de dégel

 

La grève des agents des collectivités territoriales du Sénégal, qui a paralysé le secteur depuis près de deux ans, semble enfin connaître un début de dégel. Après des mois de tensions et de négociations infructueuses, une rencontre décisive a eu lieu entre le ministre de l'Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l'Aménagement du territoire, Balla Moussa Fofana, et les représentants de l'Intersyndicale des travailleurs des collectivités territoriales du Sénégal (ISTCTS). Cette réunion marque un tournant important dans la résolution de cette crise qui a considérablement affecté les services publics locaux et les citoyens.

 

Entamée en 2022, la grève des agents des collectivités territoriales a perduré sous le nouveau régime, se prolongeant malgré les appels répétés à la reprise du travail. À l’origine du mouvement social, l’Intersyndicale revendique principalement une revalorisation des salaires ainsi que l'amélioration des conditions de travail des agents territoriaux.

Ces agents, en particulier ceux de la Fonction publique, réclament une indemnité qui, selon eux, leur est due en vertu de leur statut. Cependant, selon les chiffres avancés par le ministre Fofana, sur les 16 000 agents recrutés par les collectivités territoriales, seuls 1 073 sont officiellement des fonctionnaires et ont droit à ces indemnités. Le reste des agents sont des contractuels et ne bénéficient pas des mêmes avantages. Le ministère a souligné que les revendications de ces derniers sont sans base légale, les contrats signés étant de droit privé et non régis par les statuts de la Fonction publique.

Cette distinction a été source de confusion et de frustration parmi les travailleurs qui ont multiplié les mouvements de grève pour exiger une égalité de traitement. Ces interruptions du service ont eu des répercussions particulièrement sensibles dans les communes où l’accès aux documents d’état civil et à d’autres services administratifs essentiels a été perturbé.

La reprise du dialogue : une avancée vers la résolution

La rencontre entre le ministre Fofana et l'Intersyndicale des travailleurs des collectivités territoriales, qui s'est déroulée dans une atmosphère ‘’conviviale’’ et marquée par un ‘’respect mutuel’’, a permis de poser les jalons d'une sortie de crise.

Selon les représentants syndicaux, cette réunion a constitué une véritable reprise du dialogue, élément fondamental pour une résolution durable de la crise.

Au cours des discussions, plusieurs propositions ont été formulées de part et d’autre. L’Intersyndicale a suggéré des solutions concrètes visant à améliorer la situation des agents, notamment à travers la révision du Code général des collectivités territoriales et la mise en place d’un audit social pour évaluer les besoins en personnel dans les différentes communes.

Le ministre des Collectivités a, de son côté, reconnu l’importance des revendications des travailleurs, tout en soulignant les contraintes budgétaires de l’État. Il a affirmé que des consultations interministérielles seront organisées pour évaluer la faisabilité des mesures proposées, tout en tenant compte des spécificités de chaque collectivité territoriale. Cette approche vise à garantir que les solutions apportées soient à la fois équitables et viables sur le long terme.

Les efforts pour éviter une nouvelle escalade

Dans le cadre de ces échanges, il a été décidé que l’Intersyndicale et le ministère se retrouveraient à nouveau dans une semaine pour faire le point sur les consultations menées par le gouvernement. L’objectif est de parvenir à un protocole d’accord avant la fin de l’année, mettant ainsi un terme définitif au mouvement social qui paralyse le secteur.

Cette rencontre a également permis d’aborder la question de la mise en place d’un accompagnement social pour les agents territoriaux, avec un accent particulier sur le développement de leurs compétences et la valorisation de leurs diplômes, grades et ancienneté. Un programme d’accompagnement sera mis en place pour répondre aux besoins spécifiques des agents, tout en tenant compte des réalités économiques du pays.

Avec cette reprise du dialogue, une sortie de crise semble désormais possible. Le ministre Fofana a réaffirmé l’engagement du gouvernement à trouver une solution équitable qui tient compte des intérêts des agents des collectivités territoriales tout en respectant les contraintes budgétaires de l’État. De leur côté, les représentants syndicaux se sont dits prêts à travailler de concert avec le ministère pour aboutir à un accord qui satisfasse les deux parties.

L’annonce d’un plan de renforcement des compétences et d’un accompagnement social pour les agents est perçue comme un pas important vers une résolution durable du conflit. Le fait que le ministre ait évoqué la nécessité d’une approche interministérielle pour résoudre la crise témoigne également de la volonté du gouvernement de prendre en compte la complexité de la situation.

Pour le moment, la grève n’est pas encore officiellement levée, mais les deux parties semblent déterminées à éviter une nouvelle escalade et à œuvrer pour un retour à la normale dans les communes et conseils départementaux du pays.

Un climat tendu et des services publics perturbés

La grève, qui dure depuis près de deux ans, a entrainé de nombreux désagréments pour les citoyens, en particulier ceux des communes de Keur Massar et de Yeumbeul, où les services d’état civil ont été paralysés. Néanmoins, certaines communes ont assuré un service minimum, permettant aux citoyens d’accéder aux documents les plus urgents. Mais dans l’ensemble, le mouvement a mis en lumière les tensions croissantes entre les agents territoriaux et les autorités, et a révélé les faiblesses structurelles du secteur public local.

Le ministre Moussa Balla Fofana, tout en reconnaissant la légitimité de certaines revendications, avait fermement rappelé que l’État ne pouvait pas soutenir les revendications salariales de l’ensemble des 16 000 agents territoriaux, en raison des limites budgétaires.

Selon lui, les revendications des grévistes coûteraient 61 milliards de francs CFA, un montant jugé ‘’insoutenable’’ pour les finances publiques. Il avait également averti les agents contractuels qu’ils n’étaient pas couverts par le statut de la Fonction publique et qu’ils ne pouvaient donc pas revendiquer des avantages destinés aux fonctionnaires. Le ministre a demandé aux maires de faire respecter les termes des contrats signés et de veiller à ce que les travailleurs retrouvent leurs postes sous peine de sanctions pour abandon de poste.

Un enjeu politique majeur

Cette crise a révélé des tensions profondes au sein des collectivités territoriales et a mis en lumière la nécessité d’une réforme globale du secteur. Pour le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye, la résolution de ce conflit est un enjeu politique majeur, car elle touche directement à la vie quotidienne des citoyens et à la stabilité des services publics. Le Premier ministre Ousmane Sonko, qui a appelé à la conclusion d’un ‘’pacte social’’ pour garantir une stabilité durable dans le pays, a également souligné l’importance de cette grève. Il a réitéré l’engagement de son gouvernement à améliorer les conditions de vie des travailleurs tout en mettant en œuvre des réformes structurelles pour renforcer les collectivités territoriales.

Toutefois, il reste encore du chemin à faire pour apaiser les tensions et mettre en place des réformes durables. Le dialogue reste ouvert et les prochaines semaines seront décisives pour déterminer si les propositions avancées par les deux parties aboutiront à un accord solide et pérenne.

Amadou Camara Gueye

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