Une production qui redonne espoir à l'économie sénégalaise
Le Sénégal fait une entrée remarquée dans le cercle des pays producteurs de pétrole, grâce à la performance inattendue du gisement de Sangomar. Situé à environ 100 km au large de Dakar, ce champ pétrolier, exploité par la société australienne Woodside Energy, a largement surpassé les prévisions initiales, offrant une bouffée d'oxygène à une économie nationale en difficulté.
Initialement, les experts avaient tablé sur une production de 11,7 millions de barils pour les six premiers mois. Mais les chiffres publiés par le ministère de l'Énergie en novembre 2024 indiquent que la production a atteint 15 à 16 millions de barils. Cette performance représente un surplus de près de quatre millions de barils et est qualifiée de ‘’très encourageante’’ par les acteurs du secteur.
‘’Pour un gisement qui vient de débuter, ces résultats sont au-delà des attentes et montrent que le Sénégal est sur la bonne voie’’, souligne Charles Thiemele, directeur Afrique de la société de trading pétrolier et gazier BGN. Cette réussite est le fruit de l'application de technologies avancées et de l'expertise des équipes sur le terrain.
L’objectif, à terme, est d’atteindre 100 000 barils/j, soit le double de la production actuelle. Une perspective prometteuse pour le Sénégal, qui détient 18 % des parts dans le projet Sangomar. En matière de revenus, cela pourrait rapporter plus d’un demi-milliard de dollars aux caisses de l’État dès l’année prochaine. Une partie de ce pétrole sera également destinée au marché local, grâce à la raffinerie de Mbao.
‘’Dès le premier trimestre 2025, il est prévu que la raffinerie utilise partiellement du pétrole sénégalais, en complément du pétrole nigérian qu’elle traite traditionnellement’’, précise Charles Thiemele.
Selon les estimations, cette progression pourrait générer plus de 500 millions de dollars de revenus pour les caisses de l’État en 2025, soit près de 300 milliards de francs CFA.
Le directeur général de la Société africaine de raffinage (Sar), Mamadou Abib Diop, assure que la raffinerie de Mbao sera prête à accueillir une partie de cette production dès le premier trimestre de 2025. Le raffinage local pourrait réduire les coûts de l'énergie tout en stimulant la production de dérivés comme le fioul pour alimenter la Société nationale d'électricité (Senelec).
Malgré ces résultats encourageants, le brut extrait de Sangomar présente des caractéristiques complexes : il est lourd et riche en soufre, ce qui complique son raffinage. Pour le moment, les exportations sont orientées principalement vers les marchés asiatiques, faute d'infrastructures locales suffisantes. Toutefois, avec le projet de modernisation SAR 2.0, la raffinerie de Mbao envisage de passer d'une capacité actuelle de 1,5 million de tonnes à 5 millions d'ici 2030, permettant ainsi de traiter l'intégralité de la production nationale.
‘’Le Sénégal est en train de combler des décennies de retard en matière d’investissements et de modernisation des infrastructures. Cela prendra du temps et nécessitera des coûts importants’’, précise Mamadou Touré, expert en régulation pétrolière.
L'exploitation de Sangomar redonne espoir à la société sénégalaise. Alors que la balance commerciale du pays affiche des signes de dégradation, les revenus issus de la production pétrolière offrent une opportunité unique pour inverser la tendance. L’État a annoncé que les fonds pétroliers seront investis dans des secteurs prioritaires comme l'éducation, la santé et les infrastructures, favorisant ainsi un développement durable.
En termes d’emploi, le projet Sangomar devrait créer près de 4 400 postes, renforçant ainsi l’économie locale. De plus, l'entrée du pétrole sénégalais sur le marché local dès 2025 symbolise une avancée majeure vers l'indépendance énergétique.
Le gisement de Sangomar n'est que le début de l'aventure pétrolière et gazière du Sénégal. D'autres projets majeurs comme le gisement gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA), situé à la frontière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie ou encore Yakaar-Teranga, au large de Saint-Louis, devraient générer des revenus colossaux estimés à plus de 30 milliards de dollars sur plusieurs décennies.
Un nouvel espoir pour l'économie nationale
Dans un contexte où le Sénégal fait face à des difficultés économiques persistantes, les performances du gisement de Sangomar apportent un souffle nouveau. L'économie nationale, marquée par une balance commerciale déficitaire, pourrait bientôt bénéficier des retombées positives de cette réussite.
La balance commerciale du Sénégal a connu une détérioration inquiétante en octobre 2024, avec un déficit qui s’est creusé à 258,6 milliards F CFA, contre 56,3 milliards en septembre 2024, selon le journal ‘’Libération’’ de ce mardi. Cette dégradation, marquée par une augmentation de 202,3 milliards F CFA en un mois, témoigne d’une conjoncture économique préoccupante.
D’après ‘’Libération’’, cette évolution négative s’explique principalement par une hausse significative des importations, estimée à +154,0 milliards F CFA, couplée à une baisse des exportations évaluée à -66,8 milliards F CFA. Cette situation a conduit à une chute du taux de couverture des importations par les exportations, qui s’est établi à 57,9 %, accusant ainsi une perte de 30,3 points de pourcentage en un mois.
Parmi les facteurs ayant aggravé ce déficit, on note notamment l’augmentation des importations de produits pétroliers, en raison de la flambée des cours mondiaux et d’une demande croissante liée aux besoins énergétiques nationaux. À cela s’ajoutent les importations d’équipements industriels et de denrées alimentaires indispensables pour répondre aux besoins internes.
Le défi reste toutefois de garantir une gestion transparente et équitable des revenus pour que cette manne pétrolière profite durablement à l'ensemble de la population.
Avec des ambitions claires et des efforts constants pour moderniser ses infrastructures, le Sénégal semble enfin être sur la voie de l'émergence économique. Le gisement de Sangomar, bien plus qu'une simple exploitation pétrolière, incarne l'espoir d'un avenir meilleur pour le pays et ses citoyens.
Le gisement de Sangomar marque le début d’une nouvelle ère pour le Sénégal, non seulement sur le plan économique, mais aussi énergétique. Avec des projets comme Grand Tortue Ahmeyim et Yakaar-Teranga en ligne de mire, le pays a désormais une chance unique de s'imposer sur la scène mondiale tout en améliorant les conditions de vie de ses citoyens. Encore faut-il que cette manne pétrolière soit gérée avec transparence et équité, pour transformer l’or noir en levier de développement durable.
AMADOU CAMARA GUEYE