Pep Guardiola est mort ? Vive Pep Enrique !

Alors que l’annus horribilis de Pep Guardiola se poursuit en dévaluant son statut de coach à succès, ses préceptes de jeu sont paradoxalement hissés au plus haut par le Paris Saint-Germain de Luis Enrique. Ce PSG 2025 ressemblant même furieusement au Barça 2009-2011...
« Je l’ai déjà dit il y a plusieurs mois, je ne suis pas assez bon », avait déploré Pep Guardiola, juste après le 2-3 de Manchester City face au Real Madrid, à l’aller. Par cette autocritique sans concession d’entraîneur génial ayant perdu son mojo, il avait pris acte d’une saison ratée. Dans le même temps, le PSG de Luis Enrique accentuait sa montée en puissance de façon guardiolesque en mettant KO la Ligue 1 et en atomisant Brest 10-0 en cumulé en C1.
Paris 2025, résurrection du Barça de Pep
Dans les grandes lignes, le PSG actuel de Luis Enrique imite sur beaucoup de points le Barça de Pep 2009-2011. Mêmes 4-3-3 en pointe basse, avec des petits gabarits techniques et mobiles au milieu (Vitinha, Neves, Lee, Zaïre-Emery).
Placé parfois en 6 (contre Saint-Brieuc, par exemple), le grand Fabian Ruiz prend lui des airs de Sergio Busquets. On note aussi l’importance des latéraux qui montent et qui font très mal (Abidal/Alba + Dani Alves au Barça, Nuno Mendès + Hakimi à Paris). On observe surtout l’usage intensif du pressing et du contre-pressing hauts et agressifs des Parisiens chers au Barça de Guardiola marqués par une même possession étouffante avec redoublements (70% en moyenne pour Paris, avec une pointe à 75% contre Lyon, dimanche soir).
« C’est une culture “Barça ancrée”, résume Philippe Montanier, dont le Valenciennes 2009 a été qualifié de “Barça du Nord”, dans L’Équipe du 28 février. On cherche davantage à faire perdre le ballon qu’à le récupérer avec de l’impact athlétique. Avec une notion de cadrage, d’occupation des espaces, de couverture de chaque adversaire et donc cette obligation d’une vitesse de réaction rapide à la perte. »
La puissance offensive décline deux-mêmes équipes à buteurs multiples (Messi-Henry-Villa-Pedro, autrefois, et Dembélé-Barcola-Doué-Ramos, aujourd’hui), pour des mêmes totaux très élevés de buts inscrits (105 pions TCC pour Paris, dont 54 en 2025). Constats également partagés en ce qui concerne la grosse densité dans la surface adverse en phase d’attaque, les mêmes renversements de jeu d’une aile à une autre façon handball, ainsi qu’un même étalement offensif dans la largeur pour étirer les défenses adverses… Il y a enfin et surtout l’utilisation d’un même faux 9 : Dembélé est en train de devenir – toutes proportions gardées et dans ses moments de grâce – la réincarnation de Messi, en électron libre tout aussi dribbleur déséquilibrant et tout aussi buteur prolifique, comme la Pulga l’était à Barcelone. Ousmane « Dembé-léo » reste souvent positionné côté droit plongeant dans l’axe, tout comme Messi l’était à droite au Barça, notamment à ses débuts. L’Équipe avait lancé le débat le 12 février dernier : « Dembélé est-il le meilleur joueur du monde actuellement ? » Peut-être… En tout cas, sa métamorphose inouïe le rapproche du super Messi des grandes années blaugrana.
La porosité défensive de Paris 2025…
Divergence doctrinale intéressante, le PSG actuel n’est pas exactement le Barça de Luis Enrique (2014-2017) qui était plus vertical, plus en transition, animé par un vrai 10 (Neymar) et un vrai 9 (Suárez), avec en plus un bloc pas aussi haut et sans longues possessions confiscatoires. Le Paris 2025 n’est évidemment pas non plus le calque absolu du Barça de Guardiola. La jeunesse du PSG tranche avec la moyenne d’âge globalement un peu plus élevée du Barça d’avant, de ce fait plus mature et tout droit sorti du moule fédérateur de la Masia. Surtout, malgré une cohésion tactique en progrès constants, le PSG actuel ne présente pas encore l’étanchéité défensive du Barça de Guardiola. L’Équipe du 24 février dernier le soulignait après OL-PSG (2-3) : « Le champion de France a peiné à contrôler le tempo de la fin de match pour aller plus tranquillement jusqu’au coup de sifflet final. Son niveau de panique monte encore beaucoup lorsqu’il s’agit de défendre sa surface, secteur qui ternit systématiquement le bilan des milieux de terrain. » En sanctuarisant leur moitié de terrain, les Blaugrana 2009-2011 concédaient peu d’actions dangereuses défensivement et prenaient de ce fait peu de buts. Le PSG de Luis marque beaucoup mais concède encore trop d’occases et de buts.
Et c’est justement l’un des enjeux de la confrontation contre Liverpool : à défaut d’un positionnement bloc bas qu’il ne maîtrise qu’imparfaitement, le PSG pourra-t-il défendre efficacement en misant sur la possession face à des Reds eux aussi mobiles et harceleurs, mais en plus physiques, et qui savent à la fois jouer en transition rapide ou assumer aussi la possession ? On verra bien… Alors, voilà : Pep est « mort » symboliquement ? Pas grave ! Son œuvre se poursuit ailleurs, avec Luis Enrique, disciple indirect, ami très proche et ancien coéquipier, ex-coach aussi du Barça et âgé comme lui de 54 ans. « J’aime tout de Luis Enrique, de sa façon de jouer », louait Guardiola au moment de PSG-City de janvier dernier. « Ce que j’ai à dire sur Pep ? Son idée du football est merveilleuse, la mienne aussi », s’emballait l’Asturien sur Eurosport après le récent Lens-PSG (1-2). CQFD. Luis a la même obsession maniaque que Pep du détail, des longues mises en place tactiques et de la possession pour un même jeu de position, même s’il n’est pas un guardioliste dogmatique : il accepte aussi le jeu de contre, les prises de profondeur, etc. La preuve du génie intact de Guardiola, c’est qu’il se diffuse ailleurs (au « Pep-SG » ?), même quand lui est momentanément à la rue…