Lorsque la solidarité gouvernementale étouffe le débat politique
L’absence de véritables débats politiques au sein de la majorité présidentielle actuellement inquiète jusqu’au sein de cette majorité. Au Sénégal comme ailleurs dans le monde, une certaine tradition républicaine voudrait que des partis membres de la mouvance présidentielle fassent preuve de «solidarité gouvernementale». Mais lorsque cette solidarité gouvernementale ferme les yeux sur certaines dérives, il y a risque d’étouffement du débat politique.
En dehors des cris d’orfraie poussés par le Parti démocratique sénégalais (PDS), qui a du mal à se remettre de sa débâcle, et les alertes des acteurs du Mouvement Y’en marre, c’est une accalmie inquiétante qui règne dans l’espace politique.
Cette situation ne surprend guère le Dr. Dialo Diop, leader du Rassemblement national démocratique (RND), car «les ''grand partis'' qui constituent le gouvernement n’ont pas de projet pour leur pays ni pour l’Afrique». Ils «sont plutôt préoccupés par l’accaparement et la conservation du pouvoir». Pour ce faire, ces «géants au pied d’argile» comme il les appelle «sont prêts à des compromis et des compromissions». Attaché aux conclusions des assises nationales, le leader du RND dit ne pas comprendre que le président de la République veuille revenir sur certains de ses engagements pris devant le peuple sénégalais durant la campagne électorale comme la limitation de la taille du gouvernement à 25 ministres. «Cela montre l’amateurisme de nos dirigeants, dit-il. Les engagements pris par rapport aux assises nationales sont irrévocables !»
En tous les cas, Fadel Barro, coordonnateur de Y en a marre, pense qu’au nom de la démocratie», les partis membre de la mouvance doivent pouvoir critiquer quand il le faut les actions du gouvernement. «Malheureusement, nous avons une classe politique qui pense qu’être ensemble, c’est avaler des couleuvres». Mor Faye, membre de Vision socialiste, structure affiliée au PS, lui, n’est pas prêt à en avaler. «Il n’y a plus débats contradictoires» au sein de la mouvance présidentielle, dit-il. «Le Parti socialiste devra retourner dans l’opposition et travailler à la base» d’autant plus que, ajoute-t-il, «on est dans un partenariat qui n’est pas sincère» (...) Et puisque «cette coalition ne va pas durer», Mor Faye suggère à son parti de «se retirer du gouvernement» pour pouvoir jouer son rôle d’opposant.
Pour cerner le problème de la mouvance présidentielle, le député Cheikh Oumar Sy rappelle les conditions de la naissance de Benno Bokk Yaakaar (BBY). «Cette coalition n’a pas de base programmatique, dit-il. Après la victoire, les leaders se sont complus dans une logique de partage de postes». Une logique contre laquelle le mouvement Bés Du Niak s’est démarqué en «allant seul aux législatives» à l’issue desquelles il a récolté 4 députés, se réjouit Cheikh Oumar Sy. Néanmoins, «cette alliance ne nous empêche pas d’élever notre voix si nécessaire», indique-t-il.
A Rewmi, on se veut respectueux de la «solidarité gouvernementale». Waly Fall, un des responsables de la communication du parti d'Idrissa Seck, se veut catégorique. «Lorsqu’on est dans une coalition, on ne peut pas faire état de ses divergences sur la place publique», dit-il. L’ex-maire de la commune de Dieupeul d’ajouter : «Notre collaboration repose sur la vérité. Nous avons des canaux de communication avec le président de la République qui permettent d’exposer nos problèmes. Et les leaders sont assez responsables pour lui dire la vérité». El Hadji Malick Guèye, du Mouvement national des jeunesses progressistes (MNJP, AFP), se dit favorable à la mise en place d’une direction politique unifiée pour servir de «cadre de dialogue» afin «d’harmoniser les positions». Une DPU que la Ligue démocratique du Pr. Abdoulaye Bathily avait en vain proposé à Me Wade aux premières années de l'alternance de 2000.
DAOUDA GBAYA
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