Les recettes succulentes d'une famille maroco-libanaise
Si dans l'absolu les Libano-syriens, appellation qui englobe tous les arabes vivant au Sénégal, célèbrent la Tabaski comme les autres communautés du pays, ils y apportent, en particulier sur le plan culinaire, une certaine touche venue tout droit du pays du cèdre qui ne rend que plus appétissantes les plats concoctés à cette occasion.
Sachez-le, qui dit «Tabaski» chez les arabes du Sénégal (et plus précisément de Dakar), dit «bonne cuisine et en grande quantité»! Que ce soit les recettes spéciales de viande cuite ou crues accompagnée d’une belle sélection de noix, ou les délicatesses en sucré servies au dessert, la fête de l’Aïd est une occasion unique de se remplir l’estomac de mets aussi succulents que variés.
Vendredi 25 octobre, il est 10 heures. Le mouton vient d’être égorgé et deux garçons, probablement de l’ethnie Hal Pulaar, s'attellent à dépecer le mouton de la famille alors que les plus jeunes - frères, sœurs et cousins confondus - les regardent faire avec fascination. Très vite, leurs mères les poussent du chemin pour venir récupérer le foie de l’animal et ce qui semble être de la graisse extraite de son estomac. De retour dans la cuisine, elles le lavent à l’eau courante pour le dégorger de sang avant de le découper en cubes, qu’elles enrobent de graisse distendue avant de les monter en brochettes. Une vraie spécialité marocaine. «Les enfants d’aujourd’hui n’ont sont pas très friands à cause de l’odeur que la graisse dégage en brûlant, mais ces brochettes, qu’on appelle Boulfaf en arabe, sont succulentes», explique Zohra, 68 ans, alors penchée au dessus d’une large bassine où elle enfile des morceaux de foie sur des piques en acier. A l’essai, les brochettes incriminées se révèlent être délicieuses, la partie extérieure de la viande est tendre, sèche et croquante du fait d’avoir flambé avec la graisse dont on l’avait enroulée…
Sur le plan de travail adjacent, Amale, sa belle-sœur, prépare du Frakeh. C’est une recette libanaise qui consiste à mélanger viande et graisse pilées très fin (de préférence passées au mixeur), auxquelles on ajoute du blé concassé, des oignons, des poivrons, du persil et autres condiments. Le tout est assaisonné de sel et d’un mix d’épices, parmi lesquelles du cumin et de la marjolaine, et servi très frais. On le mange ainsi cru, parfois avec du pain plat communément appelé pain arabe. Là aussi, c’est une question de goût qui s’acquiert et donc, tout le monde n’en est pas friand mais ceux qui le sont sont des convertis : «Je prépare le Frakeh de mouton pour mon mari et nos oncles… A vrai dire, ils ne viennent ici fêter la Tabaski avec nous que pour en manger, c’est un plat qu’on ne leur présente qu’une fois l’an !», explique la dame qui, pour l’occasion, a revêtu un tablier de cuisine à carreau.
Plus tard viendra le plat de résistance, véritable clou de la journée, qu’on appelle Ousa. Il s’agit de côtelettes de mouton bouillies, farcies avec un mélange de viande hachée et de riz cuit à l’eau du même bouillon. L’ensemble est servi parsemé d’amandes et de pignons de pin grillés. La raison pour laquelle ce plat n’est pas servi en même temps que les autres est la durée de sa cuisson, très longue de manière à «ce que la viande vous suive quand vous la touchez», dixit Zohra. Succulent, le plat est poli par l’ensemble des invités en moins de 15 minutes chrono… Après, vient le temps de la sieste, où, somnolent, chacun caresse son estomac distendu.
Le soir, quand l’essentiel de ce qui devait être digéré l’a été, il est temps de sortir «les sucrés» : Namoura, Basma Bjeben (encore appelés Knafé bi giben), Mâamoul et autres gâteaux au miel et aux éclats de pistaches sont disposés en pyramides sur de larges plats, prêts à se laisser manger par le premier venu. On boit des cocktails très frais à base d’eau de rose pour faire passer le trop de sucre qui colle au palais… Tous sont heureux et rassasiés, encore une belle fête de l’Aïd qui est passée !
SOPHIANE BENGELOUN
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