«Si j’étais à la place d'Abdoul Mbaye, je n’aurais pas réagi»
Dans cet entretien exclusif accordé à EnQuête, le directeur adjoint du cabinet présidentiel revient sur différents sujets d'actualité, notamment sur le cas du Premier ministre. Economiste, Moubarack Lô traite également de pistes tournant autour de la maîtrise des prix des denrées de première nécessité, sans oublier le casse-tête de l'autosuffisance alimentaire.
Quel commentaire vous faites de la réaction des responsables du PDS en réaction à la sortie du Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite ?
Je pense qu’il faut savoir raison garder. Quand on est un homme d’Etat, il y a l’esprit de responsabilité qui veut que pendant, après, voire même avant que vous n’exerciez une fonction publique, vous ayez une certaine attitude, notamment républicaine. En 2000, lorsque Me Wade est venu au pouvoir, il a fait des audits, il a mis des gens en prison. Mais vous n’avez jamais entendu parler de déballage. Les Socialistes ont accepté que ces audits-là se fassent puisqu’ils sont soupçonnés d’avoir fait des fautes. Certains ont été injustement attaqués, mis en prison, avant d’être libérés. Mais vous n’avez jamais entendu quelqu'un d'entre ces gens-là menacer de faire des déballages. C’est ce qu’on attend d’un homme public. Jusqu’à présent, rien ne prouve que ces personnes citées par le Procureur sont coupables. Il y a la présomption d’innocence. Si le procureur spécial a jugé bon de les faire convoquer, c’est parce qu’il y a des soupçons qui pèsent sur eux. C’est à eux de se justifier en termes de biens mal acquis. S’ils sont capables de prouver que ces biens ont été acquis de manière propre, il n’y a pas le feu.
Me Wade aurait déclaré que tout ce que son fils Karim Wade a eu, c’est lui qui le lui a donné, au même titre que son ancien Premier ministre Macky Sall.
Le président Wade a une approche politique des faits. C’est un avocat, et pour un homme de droit, cette réflexion étonne. Maintenant, qui connaît l’homme - il a toujours eu cette attitude politique voire politicienne - sait qu’il met toujours en avant l’aspect politique dans ses interprétations. Alors que là, il s’agit d’une affaire sérieuse. Son fils va se défendre devant les enquêteurs, éventuellement devant les tribunaux. Il faut attendre.
Me Wade a aussi remis en cause la légalité de la CREI qui devrait être réformée. N’a-t-il pas eu raison sur vous ?
Ça aussi, c’est son interprétation. Vous ne doutez pas que ce gouvernement, avant d’enclencher quoi que ce soit, prend toutes les garanties nécessaires.
Beaucoup de Sénégalais ont été surpris d’entendre le procureur dire que seuls les milliards les intéressent. Une maladresse ?
Oui, il aurait dû trouver d’autres explications. Ça c’est vrai.
Le Premier ministre Abdoul Mbaye est accusé d’avoir blanchi de l’argent provenant du Trésor public du Tchad. Il l'a même avoué.
En tant que haut fonctionnaire, je ne peux pas juger l’appréciation faite par le Premier ministre. Si c’était moi, je n’allais pas parler. C’est le seul commentaire que je peux faire.
Est-ce que cela ne va pas favoriser les spéculations ?
Mais il y a les secrets bancaires ; je ne sais pas de quoi demain sera fait. Dans ces genres de dossiers, les preuves que vous donnez ne sont jamais suffisantes. Il y a eu des sorties dans la presse qui colportaient certaines rumeurs. Est-ce qu’il fallait répondre ? Personnellement, si j’étais à sa place, je n’aurais pas réagi.
Certains réclament sa démission. Y-êtes-vous favorable ?
C’est une décision qui appartient au président de la République. Ils vont tous les deux voir comment gérer cette situation. Je suis persuadé qu’ils trouveront la meilleure solution pour eux-mêmes et pour le pays.
PAR DAOUDA GBAYA
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