Publié le 7 Aug 2023 - 16:17
ÉLIGIBILITÉ OUSMANE SONKO

Le chemin de croix

 

Pour espérer participer à la prochaine Présidentielle, Ousmane Sonko, qui n’avait pas jugé utile de répondre à la justice dans l’affaire Adji Sarr, a revu sa stratégie et demande à être jugé de nouveau dans cette affaire de mœurs. Même s’il parvient à anéantir la décision rendue dans cette affaire, plein d’autres obstacles l’attendent sur le chemin de la Présidentielle de 2024.

 

À côté du combat politique qui se mène âprement sur le terrain politique, la bataille judiciaire et procédurale continue de plus belle devant les autorités compétentes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le président de l’ex-parti Pastef/Les patriotes ne néglige aucun moyen pour parvenir à ses fins.

C’est-à-dire, d’une part, se tirer de la prison en mettant la pression sur l’État et en exhortant ses partisans à se mobiliser. D’autre part, se battre pour ne pas être écarté de la prochaine Présidentielle, avec notamment des moyens de droit. C’est dans le cadre de ce deuxième objectif qu’il faudrait inscrire la décision prise le week-end de ne pas acquiescer à la décision de condamnation ferme dans l’affaire l’opposant à Adji Sarr.

Dans sa lettre, le candidat à la prochaine Présidentielle déclare : ‘’J’ai été arrêté le vendredi 28 juillet à mon domicile et écroué à la maison de correction de Sébikotane le 31 juillet 2023. J’ai donc l’avantage, depuis cette maison de correction, de vous informer de ma décision et ma volonté de non-acquiescement au jugement susvisé, pour transcription dans les registres du greffe ; ce qui entraîne d’office son anéantissement, conformément aux dispositions de l’article 31 de la loi 2016.30 du 8 novembre 2016.’’

C’est donc un revirement à 180 degrés par rapport à la stratégie initiale du leader politique. Par cette décision, Ousmane Sonko, qui n’avait pas voulu aller au tribunal pour se défendre face à Adji Sarr, décide de son ‘’plein gré’’ d’être rejugé et serait contraint maintenant de répondre à l’appel de la justice. Par cet acte, Ousmane Sonko compte déjouer l’inéligibilité qui pèse sur sa tête.

Juriste et responsable au niveau de Pastef, Amadou Ba semble en tout cas convaincu que cette attitude anéantit la première décision. Il explique : ‘’Ousmane Sonko a officiellement envoyé sa décision de non-acquiescement de son jugement par contumace dans l’affaire Adji Sarr. Concrètement, cela signifie que le jugement est définitivement ANÉANTI et qu’un nouveau procès devra incessamment être tenu. Cette action annule la stratégie de l’APR de le sortir du fichier électoral pour état de contumace.’’

Le patriote réagissait ainsi à la sortie du procureur de la République dans laquelle il affirmait que l’arrestation du président de l’ex-parti n’a aucun lien direct avec la contumace.

Derrière cette bataille politico-médiatico-juridique, se joue la question de l’éligibilité de Sonko à la prochaine Présidentielle du 25 février 2024.

En effet, il résulte des articles 29 et suivants de la loi électorale que les personnes condamnées par contumace n’ont aucune chance d’être électeur et éligible aux différentes élections. Autrement dit, tant que perdurait sa condamnation par contumace, Ousmane Sonko pouvait mettre fin à son rêve présidentiel en 2024, malgré toutes les déclarations contraires. Mais avec sa lettre de non-acquiescement, Sonko relance le débat juridique sur son éligibilité. Une bataille qui s’annonce rude.  

Il existe deux voies pour anéantir la décision rendue par contumace

Aux termes des articles 307 et suivants du Code de procédure pénale qui traitent de la contumace, il existe principalement deux voies pour anéantir la décision rendue par contumace.

D’une part, l’arrestation du contumax, d’autre part, le fait pour ce dernier de se constituer prisonnier. Selon l’article 307 dudit code, ‘’s’ils se constituent ou s’ils viennent à être arrêtés avant les délais de prescription, l’arrêt de condamnation est anéanti de plein droit et il est procédé à nouveau au jugement du contumax’’. Pour ne pas être rejugé parce que peut-être il est satisfait par la décision qui a été rendue, le contumax a dix jours pour déclarer expressément acquiescer à la première condamnation.

Sous ce rapport, on pourrait se demander à quoi sert donc la décision de non-acquiescement, puisque la loi parle d’acquiescement dans le cas où le condamné se satisfait de la première décision ? Pour l’anéantissement, la loi parle de constitution de prisonnier ou d’arrestation.

En fait, jusque-là, il y a deux thèses qui s’affrontent. D’une part, les avocats d’Ousmane Sonko qui ont défendu depuis le début que l’arrestation de leur client anéantit systématiquement la première décision. D’autre part, le ministère public qui semble défendre une thèse contraire, prétendant que cette arrestation n’a pas de rapport avec le jugement par contumace. D’ailleurs, cet imbroglio avait poussé dernièrement le chroniqueur judiciaire Daouda Mine à s’interroger en ces termes : ‘’… Ma question ‘bête’ est de savoir, si cette arrestation de Sonko n’anéantit pas sa condamnation par contumace dans l’affaire Sweet Beauté, comme le fait remarquer le procureur, comment Sonko pourra-t-il se constituer prisonnier pour faire anéantir la contumace, étant entendu qu’il est déjà entre les mains de la justice ?’’

Quand Me Doudou Ndoye disait que le juge peut fixer le délai accordé au contumax pour la purge de la contumace

À cette question qui est loin d’être bête, Ousmane Sonko et ses conseils semblent donc apporter une réponse qui ne manquera pas de susciter des commentaires dans les milieux de la justice, à travers ce qu’ils ont appelé une lettre de non-acquiescement.

Par ailleurs, les dispositions sur la contumace dans le Code de procédure pénale sont extrêmement complexes et peuvent paraitre confuses à certains égards. Alors que la plupart des juristes renvoient à l’article 307 pour régler le cas d’Ousmane Sonko, l’éminent avocat et ancien ministre de la Justice sous Diouf, Me Doudou Ndoye, invoquait l’article 310 du Code de procédure pénale. Une disposition qui semble donner au juge la prérogative de fixer au contumax un délai pour se constituer.

Celui-ci dispose : ‘’Si le contumax est condamné, ses biens, s'ils ne font pas l'objet d'une confiscation, sont placés sous séquestre et le compte de séquestre est rendu à qui il appartiendra après que la condamnation est devenue irrévocable par l'expiration du délai donné pour purger la contumace ou par l'acquiescement du condamné.’’ Il en déduit alors que le délai pour purger la contumace peut être fixé par le juge. Ce qui n’a pas été le cas dans l’affaire Sonko, soulignait-il sur la 7TV face à Maimouna Ndour Faye, sans donner plus de détails sur les conséquences qui peuvent en découler.

Comme pour rendre encore plus compliquée cette problématique, l’article 312 du Code de procédure pénale est venu ajouter à la confusion : ‘’À partir de l'accomplissement des mesures de publicité prescrites par l'article précédent, le condamné est frappé de toutes les déchéances prévues par la loi.’’ Parmi ces formalités fixées à l’article 311, il y a l’insertion dans l'un des journaux de la République, l’affichage à la porte du dernier domicile du condamné, à la porte de la mairie de sa commune ou à la porte des bureaux de son arrondissement ou de l'arrondissement où le crime a été commis et au tableau d'affichage du tribunal de grande instance.

Autant d’obstacles qu’Ousmane Sonko devra surmonter pour espérer participer à la prochaine Présidentielle.

Dans le cas où la justice considère que le premier jugement a effectivement été anéanti, Ousmane Sonko pourrait retrouver ses chances d’être candidat. À condition, soit de ne pas être condamné par la Chambre criminelle, soit de retarder la procédure d’ici la Présidentielle.

Toutefois, même si tous ces obstacles sont levés, le régime détient entre ses mains un joker, à savoir la condamnation à six mois de sursis dans l’affaire Mame Mbaye Niang.

MOR AMAR

 

Section: 
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