Un Amadou Ba de rupture !
Présidant la cérémonie d’ouverture de la 9e Conférence mondiale de l’ITIE qui se tient au Centre international Abdou Diouf (Cicad) de Diamniadio les 13 et 14 juin, le Premier ministre, Amadou Ba, contrairement à ses habitudes, a décliné sa nouvelle vision de l’ITIE. Selon lui, les parties prenantes devraient davantage s’intéresser aux enjeux majeurs comme la juste rémunération des ressources naturelles, la lutte contre les pertes de recettes fiscales, la problématique de la transformation locale des matières premières…
Alors que tout le monde attendait le président de la République qui a été annoncé parmi les intervenants dans le programme initial, la 9e Conférence mondiale de l’ITIE –la première en terre africaine - a finalement été présidée par le Premier ministre. Réputé proche des patronats et des milieux capitalistes, ce dernier a cette fois tenu un discours peu habituel, invitant les acteurs à viser un peu plus haut.
‘’Au-delà du souci légitime de transparence, de responsabilité et de redevabilité, l’enjeu de la juste rémunération des ressources et de leur transformation locale doit rester au cœur des préoccupations de l’ITIE, si nous voulons qu’elle soit un véritable outil protecteur de tous les intérêts’’, souligne le Premier ministre.
Ancien directeur général des Impôts et Domaines sous le président Wade, ancien ministre des Finances et du Budget, le n°2 du régime, inspecteur des Impôts de surcroit, laisse entendre qu’il faut également lutter contre les congés fiscaux. Selon lui, ‘’la faible rémunération des ressources minérales des pays en développement, africains en particulier, combinée aux congés fiscaux abusifs, à l’évasion et à l’optimisation fiscales, privent nos pays d’importantes ressources qui auraient pu largement contribuer au financement de leur développement’’.
‘’Il faut que l’industrie extractive paie sa juste part d’impôt là où ses bénéfices sont réalisés’’, renchérit un Amadou Ba dans une posture peu habituelle.
Dans cette perspective, le Premier ministre a salué l’accord ‘’historique’’ sur l’impôt minimum mondial de 15 % qui, selon lui, marque une étape significative dans la lutte contre les pratiques fiscales anormales. ‘’En outre, rappelle-t-il, le rapport de la Cnuced sur l’investissement dans le monde en 2022 souligne qu’il est important d’apporter l’assistance technique requise aux pays en développement, afin d’appuyer l’exécution du projet BEPS et atténuer les risques liés au règlement des différends entre investisseurs et États. C’est toute la problématique des contrats complexes que l’ITIE doit prendre en charge et aider à résoudre’’.
‘’Pas d’avantages mutuellement bénéfiques quand ceux qui ont plus gagnent toujours plus et ceux qui ont moins perdent toujours plus’’.
Très en verve, le coordonnateur du gouvernement sénégalais invite l’ITIE et toutes les parties à travailler davantage pour rompre le cercle vicieux de l’échange inégal qui fait de l’Afrique un réservoir de matières premières exploitées à bas cout et dont une partie lui est ensuite revendue à des prix exorbitants. ‘’Nous sommes conscients qu’il y a urgence à améliorer nos outils de production, y compris les infrastructures énergétiques, du numérique, de la logistique et du transport, afin de soutenir la productivité de nos industries. En tout état de cause, la transformation locale, au moins en partie, des ressources naturelles est une exigence minimale d’un commerce mondial plus juste et plus équitable. Il ne peut y avoir d’avantages mutuellement bénéfiques quand ceux qui ont plus gagnent toujours plus et ceux qui ont moins perdent toujours plus’’, insiste-t-il.
Abordant la thématique de la neuvième conférence, le Premier ministre a rappelé ‘’la nécessité d’œuvrer pour une transition énergétique juste et équitable’’, permettant aux pays africains ‘’d’utiliser leurs ressources disponibles pour soutenir leur processus d’industrialisation et d’accès universel à l’électricité. Voilà des enjeux majeurs que nous ne pouvons passer sous silence, si nous voulons rester fidèles à l’esprit d’inclusion, de justice et de transparence que prône l’ITIE’’.
Par ailleurs, le PM a appelé à un débat plus serein. ‘’Il est important que le débat sur l’exploitation des ressources naturelles reste sain, serein et informé, au lieu d’être parasité par la suspicion et des jugements de valeur sans fondement’’, a-t-il clamé.
NORME ITIE ‘’Une transparence en transition’’ En cette 9e Conférence mondiale de l’ITIE, coïncidant avec les 20 ans de l’ITIE international, les 10 ans de l’ITIE Sénégal, les participants sont venus de tous les recoins du globe, pour se pencher sur les enjeux actuels de l’exploitation des ressources naturelles. Cette année, le thème principal tourne autour de ‘’La transparence en transition’’. Pour la présidente du Conseil d’administration de l’ITIE, Helen Clark, le programme de la conférence a été façonné autour des questions prioritaires auxquelles l'ITIE et le secteur extractif sont confrontés. Elle cite, à ce propos, ‘’la transition énergétique, la lutte contre la corruption, la transparence des contrats et de la propriété effective, la prise en compte de l'équité entre les sexes dans le secteur, la garantie d'un impact communautaire et social positif, en obtenant une plus grande transparence autour du commerce des matières premières et de la participation de l'État dans le secteur extractif’’. Pour sa part, la présidente d’ITIE Sénégal, Awa Marie Coll Seck, est revenue sur l’importance du dialogue multipartite. ‘’Cette conférence est une belle occasion de renforcer le dialogue multipartite face aux défis nouveaux et de répondre aux besoins des acteurs pour le bien-être des citoyens et des communautés. En effet, l’ITIE est devenu un formidable espace de discussions, d’échanges et d’outil d’aide à la décision’’. Pour elle, le maintien d’un débat public informé avec la publication régulière d’un volume de données reste l’âme de l’ITIE dans un contexte mondial de mutation. ‘’La nouvelle norme ITIE 2023 s’inscrit dans une dynamique de changement reflétant les priorités nationales et les enjeux liés à la transition énergétique, à la propriété effective et à la lutte contre la corruption’’, a-t-elle relevé, non sans se féliciter : ‘’Dakar sera le point de départ de la nouvelle norme ITIE 2023, avec des changements intervenus après de longues discussions parfois houleuses entre gouvernement, entreprises minières, pétrolières et gazières et organisations de la société civile.’’ Dans le même sillage, le Premier ministre a souligné l’importance stratégique des industries extractives comme levier de développement économique et social. ‘’Lorsqu’elles sont exploitées de façon responsable et conforme aux exigences de l’ITIE, les industries extractives contribuent à la croissance des pays et à la prospérité des peuples en améliorant leurs conditions de vie. À l’inverse, ces industries peuvent engendrer des dérives, voire constituer des facteurs d’instabilité pour les pays et d’appauvrissement des populations, quand les normes de transparence, de responsabilité et de redevabilité sont ignorées’’. La Mauritanie mise sur l’hydrogène vert ! Invité de marque de la 9e Conférence mondiale de l’ITIE, le Premier ministre de la Mauritanie a axé son propos sur la nécessité de promouvoir le développement durable à travers l’exploitation des ressources naturelles. ‘’La Mauritanie, souligne-t-il, dispose d’un énorme potentiel dans le domaine des énergies renouvelables estimées à plus de 40 000 gigawatts, dont 500 peuvent être développés immédiatement, tout en respectant les normes environnementales les plus strictes’’. Dans la même veine, il a relevé la grande importance que le pays accorde au développement de l’hydrogène vert. ‘’Notre ambition est de faire de notre pays un hub de l’énergie à bas carbone des minerais verts. Dans ce cadre, des mémorandums ont été signés avec quatre grands partenaires pour la production à grande échelle de l’hydrogène vert avant la fin de la décennie’’. Mohamed Ould Bbilal a par ailleurs salué la parfaite entente entre son pays et le Sénégal dans les domaines de haute importance comme la pêche, l’élevage et plus récemment le pétrole et le gaz. |
MOR AMAR