Risque d’une quatrième vague
Le Sénégal risque de connaître une quatrième vague de la pandémie de Coronavirus, si la situation perdure. Le pays fait face à une augmentation du taux de contamination à la Covid-19, depuis plus d'une semaine.
Comme l’année dernière, 2022 débute avec une grande recrudescence des cas de Covid-19. Prolongement de la troisième vague ou quatrième vague ? Mais si la courbe ne fléchit pas, le pays risque de connaitre une nouvelle poussée épidémique. Sur 1 942 tests réalisés hier, 288 cas ont été déclarés positifs, soit un taux de positivité de 14,83 %. Selon l’épidémiologiste sénégalais Marcel Diop, Professeur à la faculté de Médecine de Montpellier, le Sénégal n’est pas concentré sur la gestion de cette crise.
‘’Quand on est en crise, il faut arrêter tout ce qui peut distraire ou déconcentrer. Ce n’est pas le cas au Sénégal. Tous les pays qui ont eu zéro cas, à un moment donné, ne sont plus aujourd’hui au niveau du Sénégal. Ces pays ont su bien profiter des opportunités pour s’en sortir. C’est inadmissible que le Sénégal en soit à ce stade. Cette augmentation va aller crescendo, si rien n’est fait’’, a dénoncé le Pr. Diop.
A son avis, la faute est partagée entre le gouvernement qui ne prend pas de décisions courageuses, les spécialistes qui se taisent toujours et la population qui croit tout savoir. Cette pandémie alterne ses facettes, précise le spécialiste. C’est pourquoi, ‘’dès qu’il arrive et trouve qu’il y a un relâchement où un manque de concentration, il en profite au maximum. On n’arrive toujours pas à le cerner. C’est pourquoi aucun pays ne doit baisser les bras. J’ai l’impression qu’au Sénégal, les gens pensent qu’ils ont vaincu le virus où qu’ils ont gagné un combat. Il faut se détromper. Le pays risque de tomber dans une autre poussée. Ce virus voyage comme tout le monde. Il mute tout le temps. Il faut agir vite, avant qu’il ne soit trop tard’’, a averti le Pr. Diop.
Pour lui, il faut que le renforcement des stratégies de lutte se fasse en permanence et non quand il y a urgence. Selon lui, les acteurs sont toujours dans la réaction et non dans l’action. ‘’La première erreur du Sénégal, c’est d’avoir fermé les centres de traitement épidémiologique, après la deuxième vague. C’est inadmissible. En plus de cela, les mesures de sécurité ne sont plus respectées au niveau des frontières et des portes d’entrée aéroportuaires. Comment ne pas avoir de nouveaux cas, si aucune mesure n’est respectée ? Heureusement, Omicron n’est pas aussi virulent que Delta. Les autorités doivent prendre toujours les devants pour sauver la population’’, a-t-il conclu.
Le directeur de la Prévention, El Hadj Mamadou Ndiaye, a, quant à lui, demandé à la population de se faire vacciner. A son avis, il n’y a pas de quoi s’alarmer, même s’il reconnait l’accroissement des cas. ‘’La vaccination est un moyen sûr de prévention. Il faut que les gens aillent vers cela tout en respectant les mesures. Il faut que la population respecte les recommandations du Comité national de gestion des épidémies. On n’est pas au stade de s’alarmer. La situation sera bien gérée’’, a rassuré le Dr Ndiaye.
Lors d’un déjeuner de presse organisé par la Direction générale de la Santé sur l’évolution du Corona, le professeur Souleymane Mboup a renseigné qu’il y a une inversion des proportions entre les variants Delta et Omicron. Sur une série de 16 échantillons positifs, 11 sont Omicron contre 5 pour Delta. Une semaine après, sur une série de 24 échantillons, il y a eu 20 variants Omicron et seulement 2 variants Delta. Il y a une augmentation de la proportion d’Omicron et une décroissance du Delta.
‘’Le variant Omicron est devenu nettement prédominant’’
‘’Le variant Omicron est devenu nettement prédominant dans les cas de nouvelles infections au Sénégal’’, précise le Pr. Mboup, avant de soutenir que le Sénégal, à travers l’Institut Pasteur et l’Iressef, dispose de toutes les technologies. Ce qui n’est pas fréquent dans beaucoup de pays pour caractériser les virus, notamment le coronavirus et en particulier déterminer les différents variants. ‘’Nous prenons en moyenne 10 % des positifs que nous essayons de caractériser pour savoir. Ceci nous a permis de suivre l’évolution des variants dans les différentes vagues survenues au Sénégal. En accord avec le ministère, nous avons fait des rétrospectives et des recherches prospectives’’, a-t-il expliqué.
La troisième vague du variant Delta a été caractérisée par une transmission particulièrement intense. Elle a exercé une forte pression sur le système de santé. En trois mois seulement, de juin à août 2021, 31 487 cas positifs dont 634 décès ont été enregistrés. Soit 15 380 cas de plus que la première vague et 6 161 de plus que la deuxième.
‘’Depuis le 26 juillet, le pays est en train de sortir progressivement de la troisième vague, mais continue de maintenir l’essentiel du dispositif en place pour pouvoir faire face à toute éventualité’’, note un document du ministère de la Santé et de l’Action sociale. Le Sénégal a eu à faire face à la deuxième et à la troisième vague de la pandémie. La deuxième vague, qui a débuté en décembre 2020, s’est prolongée jusqu’au mois de mai 2021, soit six mois au cours desquels 25 326 cas confirmés dont 807 décès ont été enregistrés. Pour limiter la transmission, le chef de l’Etat avait instauré l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu dans les régions de Dakar et de Thiès, alors épicentres de la maladie.
VIVIANE DIATTA