Quand les élèves déraillent
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Suite aux actes de vandalisme survenus mercredi au collège de Hann, le secrétaire général du Cusems/Authentique exige des sanctions allant jusqu’à l’exclusion définitive des auteurs. Joint par ‘’EnQuête’’, l’enseignant demande comme mesure structurelle l’application correcte des recommandations des Assises nationales de l’éducation et de la formation.
L’incompréhension est générale ; l’indignation unanime devant les vidéos des actes de vandalisme dont ont été coupables les élèves du collège d’enseignement moyen de Hann. Des images choquantes qui traduisent un mal profond.
En effet, pour célébrer la fin de l’année scolaire, les apprenants ont déchiré leurs cahiers de cours, brûlé certains, vidé les poubelles de l’établissement dans les couloirs et la cour de l’école, non sans manifester une joie déconcertante. Des salles de classe ont été saccagées à la fin des dernières évaluations. Les élèves ont aussi pris un malin plaisir à piétiner et à traîner dans la poussière leurs blouses.
Si le CEM de Hann a poussé loin le bouchon, il est à noter que des actes similaires se sont produits au lycée de Sindia (incendie de la surveillance) et au CEM Lamine Guèye. Du côté du CEM de Mbao, la tentative des élèves de mettre à sac leurs salles de classe n’a heureusement pas abouti. La surveillante générale et les autres adultes présents veillaient au grain. Devant cet état de fait, certains ont passé leurs nerfs sur leurs cahiers ; d’autres leurs blouses qu’ils ont mises en pièces.
Le secrétaire général du Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire/Authentique (Cusems/Authentique) y voit un effet de mode pour marquer son mépris pour l’école et ses enseignants. Dame Mbodj estime que, dans une société de l’avoir et du paraître où les références sont les possesseurs de l’or et de l’argent, le mythe de l’enseignant s’est effondré. D’autant plus qu’il exerce dans la précarité et que son dû est bien loin des missions qui lui sont assignées.
Triste, selon l’enseignant, de voir que dans les localités où on a, récemment, enregistré des actes de violence à l’encontre des enseignants, les parents d’élèves se sont constitués en bloc pour protéger leurs enfants. ‘’Il faut qu’on revienne au châtiment corporel au niveau de l’élémentaire, afin d’éduquer les élèves, les corriger sans les violenter. C’est l’Occident qui nous a imposé le retrait de cette manière d’éduquer. Auparavant, l’enfant était éduqué par la communauté, corrigé lorsqu’il dérayait et donc il arrivait au collège avec un profond respect pour l’enseignant en face de lui’’.
Il appelle de ses vœux le retour de cette mesure structurelle qu’il juge salutaire, tout comme celui de l’enseignement de la morale dans les écoles. ‘’ Il n’y a pas d’éducation dans nos établissements, mais juste de l’instruction. On donne des connaissances, mais on n’éduque pas les enfants. Le ministère de l’Education nationale doit revenir à sa vocation première. Que les modules d’éducation morale reviennent en force dans le curriculum’’, insiste Dame Mbodj.
Les recommandations des assises de 2014 rangées dans les tiroirs
Par ailleurs, il estime qu’il est temps que les recommandations des Assises de l’éducation et de la formation en 2014 soient appliquées. ‘’Parmi les recommandations, renseigne-t-il, il était question d’introduire correctement les langues nationales au niveau de l’école de base. Les assises demandaient que les enfants, à la première étape au niveau de l’élémentaire (trois premières années à l’école) apprennent dans la langue du milieu ou encore la langue qu’il maîtrise, on ne parle pas de langue maternelle. C’est ce qu’on appelle la langue matricielle. C’est le sérère, le diola ou le wolof qui doit servir de langue d’apprentissage. Il ne s’agit pas d’alphabétiser les enfants dans une langue nationale’’.
Selon l’enseignant, ‘’dans tous les pays qui ont un système éducatif de qualité, les choses se passent comme ça. Il n’y a que le Sénégal qui continue à faire les cours d’initiation avec une langue étrangère. Dans la langue, on véhicule une culture et quand l’enfant est fortement ancré dans sa culture, il y a des comportements qu’il ne peut pas avoir. Il va consolider à l’école les acquis de la maison. Ainsi, à d’autres étapes de son cursus scolaire, on lui ajoute de nouvelles langues. Cela a fait l’objet d’un consensus au niveau des Assises de l’éducation et de la formation, mais ce n’est pas ce qui est en train d’être fait. Pourtant, on a mobilisé plus de 500 000 000 F CFA pour réfléchir sur le système éducatif’’.
‘’La religion doit être au cœur des réformes’’
Considérant, en outre, que la religion doit être au cœur des réformes, il plaide pour ‘’l’introduction correcte’’ de l’éducation religieuse dans l’apprentissage des élèves. ‘’C’est une autre recommandation des assises qui va permettre aux enfants de savoir qu’ils ont des érudits qui constituent des références. On doit leur apprendre l’histoire de nos érudits musulmans et chrétiens, car la religion permet à l’individu de se libérer de tout ce qui est haine et méchanceté. La religion prône la paix. Il faut l’introduire pour pouvoir moraliser les rapports et former les enfants à être des citoyens disciplinés, responsables et intègres’’.
Au chapitre des mesures conjoncturelles, le secrétaire général du Cusems/A exige des enquêtes menées par les inspecteurs d’académie et les inspecteurs de l’éducation et de la formation dans les établissements vandalisés. Des sanctions devraient suivre, au risque de voir se répéter ces faits.
A cet effet, l’enseignant préconise la modification des textes en vigueur, afin de donner la prérogative aux instances scolaires de procéder à des exclusions définitives d’élèves, à l’image de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Vu le niveau de violence, le professeur appelle de tous ses vœux une réaction de la tutelle : ‘’Le ministre de l’Education nationale doit siffler la fin de la récréation. On se demande s’il y en a un dans ce pays. Lorsque la police est accablée, le ministère de l’Intérieur réagit ; pareil pour le secteur de la santé. Mais lorsque des enseignants sont violentés et que des écoles sont vandalisées, on ne voit pas le ministre de l’Education. Ce n’est pas normal.’’
EMMANUELLA MARAME FAYE