Une procédure qui tire en longueur
La rencontre, hier, entre le principal opposant du pouvoir et la jeune femme qui l’accuse de viol est un nouveau jalon dans ce feuilleton qui tient en haleine tout le peuple.
Robe moulante rouge, lunettes de soleil posées sur la tête, une démarche sûre, c’est une Adji Sarr décontractée qui s’est rendue hier dans le bureau du doyen des juges pour faire face à son présumé ‘’bourreau’’, Ousmane Sonko. À ses côtés, l’activiste féministe Gabrielle Kane et son avocat Me El Hadj Diouf lui tiennent compagnie, sur le chemin de l’une des dernières étapes devant décider d’une orientation vers un procès, dans cette accusation de viol qui secoue le Sénégal depuis mars 2021. En effet, la jeune masseuse dans une institution de beauté, accuse le principal opposant du pays, Ousmane Sonko, de viol et de menaces de mort.
De l’autre côté, c’est un Ousmane Sonko tout aussi serein qui s’est rendu au tribunal. Accompagné de sa garde personnelle, de membres de son bureau, le leader de Pastef, en costard cravate bleu ciel, était même très souriant au moment de quitter son domicile. Dopé certainement par les prières d’un homme d’apparence religieuse, l’opposant a vu son domicile cerné par les forces de sécurité. D’ailleurs, c’est tout le quartier qui a été quadrillé par les hommes de tenue qui là aussi, filtrent les rares personnes effectuant des va-et-vient.
Cette confrontation d’hier survient un mois après l’audition sur le fond d’Ousmane Sonko, le 3 novembre 2022. Le grand enseignement de cette première rencontre entre l’opposant et le juge Maham Diallo avait été le refus du leader du parti Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) de se soumettre à une proposition de tests ADN. Lors d’une conférence de presse, après son audition, Ousmane Sonko avait rapporté ses échanges avec le magistrat pour révéler lui avoir répondu, sur ce point : ''Vous n'avez aucune preuve, vous voulez que je donne mon sang à des comploteurs ?'', ''Mon sang, vous ne l'aurez jamais''.
Et une nouvelle fois devant le juge, le leader de Pastef n’a pas changé sa ligne de défense. Au parquet et aux avocats de la victime, Ousmane Sonko a refusé de répondre. Sa justification au représentant du maître des poursuites est que le parquet aurait falsifié le PV d’enquête de la gendarmerie dans le but de l’enfoncer.
Le leader de Pastef ne cesse de clamer, depuis l’éclatement de cette affaire, être victime d’un complot politique destinée à l’éloigner de la course à la Présidentielle du Sénégal. Pour étayer cette thèse, l’opposant et ses avocats disent avoir versé dans le dossier un rapport d’enquête de la gendarmerie nationale accréditant la cause du complot dénoncé depuis toujours par Ousmane Sonko.
‘’C’était un massacre’’
L’attitude du leader de l’opposition a été également adoptée par Adji Sarr face aux avocats de ce dernier (voir ailleurs). La plaignante avait déjà vécu une première confrontation avec Ndèye Khady Ndiaye, la gérante du salon de beauté où elle était employée comme masseuse, en avril 2022. Devant des partisans venus l’acclamer, elle avait demandé la tenue d’un procès.
L’interpellation, en mars 2021, de celui qui est devenu maire de Ziguinchor entretemps, alors qu’il répondait à une convocation de la justice dans cette affaire, avait déclenché les pires troubles qu’ait connus ces dernières années le Sénégal, avec la mort de 14 personnes dans des affrontements entre des partisans de l’opposant et les forces de l’ordre, de même que plusieurs dégâts matériels. Depuis, le leader de Pastef a été inculpé pour viol et menaces de mort et placé sous contrôle judiciaire à l’issue de la plainte déposée en février 2021 par Adji Sarr.
À sa sortie de cette confrontation, Ousmane Sonko, une fois à son domicile, très souriant, a déclaré : ‘’Ce n’était pas une confrontation, c’était un massacre.’’
Toujours est-il qu’à l'issue de cette instruction, le juge aura la responsabilité de renvoyer l’affaire devant la chambre criminelle pour un procès ou de rendre une ordonnance de non-lieu. Mais jusque-là, il reste maître de son instruction, avec la possibilité de convoquer chacune des parties prenantes de même que de possibles autres témoins.
Lors de son audition sur le fond, les avocats d’Ousmane Sonko avaient adressé une nouvelle requête au doyen des juges portant sur l’audition de l’ancien directeur des Domaines, Mamadou Mamour Diallo, cité dans cette affaire, de même que Mbaye Niass dit ‘’MC Niass’’, un marabout qui dit ‘’détenir des audio d’Adji Sarr avouant le complot’’.
LAMINE DIOUF