Publié le 27 Aug 2025 - 17:15
AFFAIRE JUAN BRANCO CONTRE ÉTAT DU SÉNÉGAL

Les dessous d’un dossier sensible

 

Saisi par Juan Branco dans une plainte contre X, le tribunal central d'instruction n°6 de Madrid, qui est derrière la commission rogatoire, veut se substituer à la justice sénégalaise pour juger de hautes personnalités sénégalaises.

 

On en sait un peu plus sur l’acharnement de l’avocat Juan Branco sur la justice sénégalaise. Depuis quelques jours, la robe noire multiplie les sorties dans lesquelles il charge vigoureusement la justice et les autorités sénégalaises. L’avocat les accuse de traîner un peu trop les pieds, dans le cadre d’une commission rogatoire internationale mise en branle par la justice espagnole. 

Jusque-là silencieux sur cette question, le ministre de la Justice a réagi avant-hier à l’Assemblée nationale, à la suite d’une interpellation publique du député Guy Marius Sagna. Il affirme : “Nous avons effectivement été saisis par les autorités espagnoles, en avril dernier, dans le cadre de ce dossier. Nous avons répondu le 19 mai pour leur dire deux choses. D’abord, le dossier n’est pas complet, parce que la plainte objet de cette procédure ne nous a pas été communiquée. Ensuite, nous leur avons demandé de nous remettre la demande en version française, puisqu’ils nous ont donné une lettre en espagnol.”

Une réaction qui est loin de calmer l’avocat franco-espagnol. Ce dernier est revenu à la charge pour dénoncer ce qu’il considère comme une entrave à la justice. “J'apprends que le ministre de la Justice vient de répondre à Guy Marius Sagna, en indiquant que le gouvernement exige la  transmission de la plainte, traduite en français (sic), au préalable de toute réponse. Jamais un gouvernement démocratique ne fait dépendre la transmission d'informations en commission rogatoire de l'accès au dossier pénal”, peste-t-il.

De l’avis de la robe noire, ceci dénote une volonté d’entraver la machine judiciaire espagnole dans cette affaire le concernant. “… Vouloir savoir ce que contiennent la plainte et la procédure, c'est admettre que l'on se range du côté des responsables de la commission des crimes. Refuser de transmettre les informations demandées par une autorité judiciaire indépendante et démocratique, c'est montrer et démontrer sa forfaiture et sa trahison”, vocifère Branco qui accuse les autorités sénégalaises de bloquer à dessein cette procédure. Il ajoute : “J'ai honte, ce jour, de ceux que j'ai accompagnés et pour lesquels je me suis montré prêt à tout sacrifier. Honte à vous !”  

Quand Juan Branco accuse des Sénégalais d’enlèvement à des fins terroristes

‘’EnQuête’’ a essayé d’en savoir un peu plus sur ce dossier à l’origine de la colère de l’avocat franco-espagnol. Pourquoi l’avocat a-t-il porté plainte en Espagne pour des faits ayant eu lieu au Sénégal et concernant des personnalités sénégalaises ? Que reproche-t-il aux personnes visées dans sa plainte ?

Dans un post précédent, Maître Juan Branco renseignait que les faits portent sur son supposé enlèvement en Mauritanie, lors de la crise, suivie de son envoi en prison. À l’Assemblée, c’est Guy Marius Sagna, son messager, qui interpelle le garde des Sceaux en ces termes et en citant le plaignant : “Cela fait un an que la justice espagnole demande aux autorités sénégalaises de leur transmettre des informations relatives à l’enlèvement de l’avocat Juan Branco en Mauritanie et son incarcération à Dakar. Est-ce vrai que malgré plusieurs relances, aucune information n’a été mise à la disposition de la justice espagnole ?”, a demandé le député souverainiste. Une démarche qualifiée de néocolonialiste par les détracteurs de l’avocat.

En effet, il serait difficilement envisageable qu’un Sénégalais victime d’une supposée détention arbitraire en Espagne puisse se faire justice au Sénégal. Quelle posture adopterait la justice espagnole dans un tel cas de figure, si les autorités sénégalaises tentent de se saisir d’une telle affaire ? Le scénario est simplement quasi impossible.

Un juge d’instruction du tribunal central d'instruction n°6 de Madrid derrière la procédure

Il ressort des informations d’’’EnQuête’’ que l’avocat Juan Branco vise particulièrement, dans sa plainte contre x, les magistrats, agents et officiers de police judiciaire impliqués dans son interpellation et son incarcération. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas été tendre dans la qualification. L’avocat les accuserait, en effet, “d’enlèvement à des fins terroristes, de détention illégale et de délit contre la liberté”.  Il a, à cet effet, saisi le tribunal central d'instruction n°6 de Madrid qui est donc à l’initiative de cette procédure.

La commission rogatoire internationale a ainsi été transmise au ministre de la Justice qui n’a pas tardé à la diligenter et à servir sa réponse.  

Pour rappel, Juan Branco a été interpellé lors de la crise préélectorale pour divers chefs dont : séjour irrégulier, diffusion de fausses nouvelles, actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à créer des troubles politiques graves et outrage à magistrat. Appréhendé en Mauritanie alors qu’il tentait de fuir par voie terrestre, il a d’abord été incarcéré un moment avant de bénéficier d’une liberté provisoire et finalement expulsé du territoire.

Selon nos sources, l’affaire confiée à un juge d’instruction du tribunal de Madrid a été bien reçue et suit son cours. C’est dans ce cadre que les autorités sénégalaises ont été saisies pour disposer des pièces du dossier. Le juge d’instruction vise particulièrement le procès-verbal d'interrogatoire de première comparution et une copie de la loi d'amnistie.

Les pièces demandées par le Sénégal comme préalable à l’examen de la requête

Au ministère de la Justice, l’affaire est traitée avec la plus grande attention, compte tenu de la nature sensible du dossier.

En effet, ce dont il s’agit, c’est de voir si le Sénégal - État souverain - va essayer de faire plaisir à des juges étrangers, en livrant ses enfants et en foulant aux pieds ses propres lois.

Pour le moment, l’autorité a demandé des pièces complémentaires et en français comme préalable à tout examen du dossier, confient des sources à ‘’EnQuête’’. Entre autres pièces, le Sénégal réclame : une copie de la plainte, la déposition du plaignant recueillie par le juge d'instruction ainsi que les textes de loi sur la base desquels la procédure a été initiée. Nos sources de préciser que c’est pour disposer de suffisamment d’éléments objectifs permettant de mieux apprécier la demande.

Pour Me Branco, c’est tout simplement du dilatoire. “Les autorités sénégalaises savent parfaitement que l'autorité judiciaire espagnole ne répondra jamais à cette requête, pour une raison très simple. La protection du secret de l'enquête est un principe cardinal qui permet de faire la vérité et de protéger les victimes en évitant toute disparition de preuve, toute fuite d'information, toute pression et tout mensonge de la part des potentiels mis en cause”, réagit l’avocat sur sa page Facebook. Branco parle d’un subterfuge, dont le but est de bloquer de façon indéfinie la procédure sans avoir à l'assumer.

La colère de Branco

De manière très incisive, provocante et discourtoise, il s’interroge et accuse sur les raisons potentielles susceptibles de motiver cette posture de la justice sénégalaise. La question à se poser, selon lui, c’est “pourquoi les autorités sénégalaises bloquent-elles cette procédure depuis un an, en mentant ?”. L’avocat proche de Sonko enchaîne les interrogations-accusations : “Que s'est-il passé entre les mois de janvier et de mars 2024, qui expliquent que toutes les initiatives visant à faire la vérité sur les crimes commis par le régime précédent soient systématiquement enterrées ? Qui donne les instructions pour s'assurer que l'impunité puisse perdurer ? Qui a trahi et à quel prix ?”

Il faut rappeler que sous Wade, une affaire similaire s’était présentée aux autorités judiciaires sénégalaises, qui avaient de manière non équivoque défendu la souveraineté du Sénégal et sa détermination à protéger ses fils. Surtout quand les affaires en question se sont passées sur son propre territoire et que ses juridictions sont territorialement compétentes, ses lois matériellement applicables.

DU PETIT JUGE D’ÉVRY AU PETIT JUGE DE MADRID

Une condescendance occidentale sans limites

Abdoulaye Wade avait parlé du ‘’petit juge d’Évry’’ qui voulait se substituer aux grands juges du Sénégal, pour s’immiscer dans des faits ayant eu lieu dans notre pays, impliquant des personnalités de notre pays.

Aujourd’hui, c’est un petit juge de Madrid qui veut humilier notre justice, sur commande de Juan Branco Lopez. Nous sommes d’ailleurs surpris qu’il ait préféré Madrid à Paris. Nous sommes encore plus surpris de voir des souverainistes parrainer cette demande irrespectueuse d’un avocat qui se comporte comme un enfant trop gâté à qui le papa vient de refuser un nouveau caprice.

Le Sénégal est un État de droit. Si Branco estime que ses droits ont été bafoués, il n’a qu’à venir réclamer justice là où les faits se sont déroulés. Imaginez un instant nos compatriotes victimes tous les jours de torture, de maltraitance ou même parfois de meurtre en Espagne ou dans n’importe quel autre pays qui se respecte venir porter plainte au Sénégal… Évidemment, c’est nul et de nul effet.

Au nom de quoi nos autorités judiciaires devraient-elles répondre aux injonctions d’un petit juge de Madrid qui, peut-être, se croit encore sous la colonisation ? Moi, je pense que le ministre a été trop gentil.

 Dans les années 2000, quand le petit juge d’Évry s’était aventuré à ouvrir une information contre des personnalités sénégalaises, notre justice avait immédiatement réagi en ouvrant des procédures contre des personnalités françaises pour la mort de compatriotes dans des édifices publics français. C’est cela un État responsable qui défend ses enfants, a fortiori ceux qui l’ont servi. Nous sommes de tout cœur avec le ministre de la Justice qui a été très courtois. Faut pas en abuser.

Mor AMAR

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