Que faisaient Bernard Squarcini et Bachir Saleh au pied de la tour Eiffel le 3 mai ?
Recherché par Interpol pour détournements de fonds, Bachir Saleh, ancien directeur de cabinet de Kadhafi, est introuvable depuis le 3 mai. A-t-il été discrètement exfiltré par les autorités françaises ? Dans son édition de la semaine dernière, Les Inrockuptibles racontent que le soir de son départ, le Libyen et l’ancien patron de la DCRI Bernard Squarcini se trouvaient sur la même pelouse du Champ-de-mars, avec l’intermédiaire Alexandre Djouhri faisant la navette entre les deux...
Saleh connaît beaucoup de secrets franco-libyens. Son nom a été beaucoup commenté lorsque Mediapart a révélé une note secrète, dont l’authenticité est contestée, mentionnant un feu vert de Kadhafi à un financement de 50 millions d’euros de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007 (Sarkozy poursuit le site pour « dénonciation calomnieuse » et le parquet a ouvert une enquête). La note était adressée à Saleh, qui était l’un des trésoriers du régime libyen.
Le 2 mai, quatre jours avant le second tour, Nicolas Sarkozy déclare à la radio que Bachir Saleh serait livré à Interpol. Saleh s’inquiète alors. Un drôle de rendez-vous a alors eu lieu, selon Les Inrocks. A 18 heures, le Libyen retrouve devant le pilier Est de la tour Eiffel Alexandre Djouhri. Homme d’affaires français d’origine algérienne, intermédiaire roué, c’est l’ami de la Sarkozie en général et de Claude Guéant en particulier. Djouhri, selon Le Canard enchaîné, aurait déjà mis son jet privé à la disposition de Bachir Saleh pour qu’il échappe au nouveau pouvoir Libyen, après la mort de Kadhafi.
A quelques pas du marchand de glaces
Les deux hommes s’installent sur un carré de gazon du Champ-de-Mars, à quelques pas d’un marchand de glaces. Saleh, menacé d’arrestation, accepte la proposition qui lui est faite de prendre illico un avion pour l’étranger. L’hebdomadaire poursuit : « Les deux hommes passent quelques coups de fil, puis on les voit [...] patienter encore un quart d’heure sur leur petit gazon. Soudain, Djouhri voit approcher un quinquagénaire au visage rond et costume gris. Il abandonne la pelouse pour marcher jusqu’à l’homme [...]. Il s’agit de Bernard Squarcini, le patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI).» Squarcini : l’homme de confiance de Sarkozy, viré depuis par François Hollande. Selon l’hebdomadaire, « le squale », prudent, se tient à distance de Saleh : «Djouhri fait la navette entre les deux hommes [...]. Squarcini l’écoute, passe un appel, puis s’en va. Djouhri revient vers le Libyen. Ils discutent. Dans les minutes qui suivent, sur le tarmac d’un aéroport parisien, un petit avion chauffe ses moteurs.»
Des consignes données au personnel du vol
L’avion bimoteur emporte Saleh à 20h12. Le personnel qui a géré le plan de vol aurait reçu des consignes : « Ne rien répondre à toute question venant de l’extérieur. » Selon les sources des Inrocks, la destination est le Niger. D’autres sources parlent du Sénégal, de l’Afrique du Sud ou encore de l’Egypte. L’ancien ministre de l’Intérieur Claude Guéant affirme ne rien savoir de ce qui s’est passé sur le Champ-de-Mars. Interrogé par Les Inrocks, Bernard Squarcini admet avoir rencontré Djouhri « trois minutes. Sans plus» mais nie avoir parlé avec lui de Saleh : «Ce n’est pas moi qui l’ai fait partir», jure-t-il. Quinze minutes après avoir raccroché, Squarcini rappelle les journalistes : il n’est plus du tout sûr, le jour du départ de Saleh, d’avoir rencontré Djouhri au pied de la tour Eiffel...
PASCAL RICHÉ (RUE89)