Les festivals ont-ils joué un rôle important ?
Des professionnels du septième art se demandent si leurs différentes organisations à travers le continent africain ont pu avoir une incidence sur l’affirmation du cinéma africain. La question mérite d’être posée si l’on se rend compte que 50 ans après la tenue du premier festival de films africains, on n’est toujours pas arrivé à une industrie cinématographique africaine ou encore moins à faire connaître des films africains aux Africains eux-mêmes. Des débuts de réponses ont été donnés au symposium tenu hier au cours de la 18éme édition du festival de cinéma africain de Khouribga.
‘’Les festivals de cinéma africain ont-ils encore leur raison d’être ? Ont-ils aidé le cinéma africain à s’affirmer ?’’. Voilà des questions auxquelles ont tenté de répondre des responsables de festivals de films africains. C’était au cours d’un symposium organisé dans le cadre de la tenue de la 18ème édition du festival de cinéma africain de Khouribga. Il s’est tenu dans un hôtel de cette ville marocaine. A la première question, l’essentiel des intervenants ont répondu par l’affirmative. ‘’Cette question que certains se posent n’a pas sa raison d’être’’, a d’emblée précisé le directeur des journées cinématographiques de Carthage (JCC) Ibrahim Letaif. Comme pour donner un écho à sa réflexion, le directeur du festival panafricain de l’audiovisuel et du cinéma de Ouagadougou (FESPACO), Soma Ardiou, ainsi que la représentante du festival Vues d’Afrique de Montréal, Gisèle Kayambe Mbuyi, disent ‘’qu’il est important de maintenir (nos) festivals’’.
Même si le premier cité se demande à quoi ont servi toutes les résolutions prises depuis 50 ans, lors de festivals. Ce qui pousse dans la même veine le directeur du festival de cinéma africain de Khouribga Nour-Eddine Saïl de soutenir à son tour que ‘’si après toutes ces pratiques, durant ces années, nous n’avons réussi ni à exister ni à faire exister des cinématographies nationales, alors ne serait-il pas plus économique, pour nous tous, à commencer par nos Etats, d’arrêter de parler et d’arrêter de faire ce pour quoi nous sommes censés être là : des cinématographies libres, libres dans leur expression, responsables dans leur position, accomplies dans leur esthétique et leur écriture’’. Mais sa position n’agrée pas tout le monde, à commencer par son collègue burkinabé.
‘’On n’a pas fait de grands pas certes mais des pas ont été faits quand même. Nous sommes encore utiles même s’il y a encore à faire et même beaucoup à faire’’, avoue-t-il. C’est dans ce sens que le journaliste sénégalais et président de la fédération africaine des critiques de cinéma (FACC), Baba Diop, a rappelé les opportunités qu’offrent différents festivals de cinéma africain à l’image d’écrans noirs du Cameroun. Cette rencontre permet de faire vivre le cinéma en Afrique centrale. Ce que confirme d’ailleurs son initiateur Bassek Ba Kobhio. ‘’Il n’y a pas de salles de cinéma au Cameroun, pourtant la demande est forte’’, explique-t-il.
En outre, le Cameroun n’est pas le seul pays africain à souffrir de cette anomalie. Bon nombre d’autres pays sont dans le même cas. Par conséquent, le public ne voit les films africains qu’au cours des festivals. Ce qui donne un sens fondé à ces rencontres cinématographiques. Car comme l’a relevé le directeur des JCC, M. Letaif, ‘’le public permet la viabilité d’un festival’’. Et ce n’est pas ce qui manque. En guise d’exemple, il n’est pas allé chercher loin en citant les JCC qui ont reçu lors de la dernière édition 135 mille cinéphiles. Cependant, ce public a été acquis au cours des différentes éditions. Donc, pour lui, ‘’il y a un travail à faire en amont pour avoir un public’’.
Mais aussi, il ne faut pas seulement compter sur le nombre. Comme prévient l’exploitant et directeur du festival ‘’image et vie’’ Khalilou Ndiaye, ‘’il faut un public en quantité et en qualité’’. Par conséquent, les organisateurs de festivals ne doivent se tenir à convier les gens. Ils doivent les initier et les aider à pouvoir lire un film. ‘’Nous, quand on termine une édition d’image et vie, on prépare la seconde non pas dans les bureaux mais sur le terrain. On a initié des cinéclubs formés de jeunes âgés de 7 à 15 ans. On projette des films et recueille leurs avis après’’, déclare-t-il. De cette manière, ils les forment. Etant donné que, selon Baba Diop, ‘’il y a toute une jeunesse qui n’a été nourrie qu’au biberon de la télévision, elle n’a pas connu le grand écran’’. Cette jeunesse-là doit être amenée dans les salles et initiée. Ce qui est le combat actuel, entre autres, du festival Vues d’Afrique de Montréal.
D’autre part, une fois le public acquis, se pose le problème du financement de ces festivals qui ne doivent, pour la plupart, leur survie qu’au bon vouloir des pouvoirs publics. Et il n’est pas dans l’intérêt de ces derniers que la culture se développe, comme l’a fait savoir le Pr Maguèye Kassé. ‘’La culture permet à l’homme de s’émanciper. Les Etats n’ont aucun intérêt à la booster’’, certifie-t-il. Ce qu’ont compris certains responsables de festivals. ‘’Il faut réfléchir sur d’autres sources de financement afin d’être indépendants en développant en même temps des synergies avec les pouvoirs publics, les cinéastes, etc.’’, selon M. Adiouma du Burkina Faso.
Au Cameroun on semble avoir déjà trouvé une parade. ‘’Nos partenaires financiers ont eux-mêmes des problèmes d’argent. Il faut donc mettre le juste milieu pour que les rentrées financières du festival puissent servir’’, suggère Kobhi. Donc, il faut une programmation attrayante afin d’attirer le plus grand nombre de cinéphiles.
BIGUE BOB