Publié le 2 Jul 2024 - 15:22
AFRIQUE

ATTENTION AU DÉGUERPISSEMENT INTEMPESTIF DES MARCHÉS

 

Le taux de chômage est abyssal en Afrique. Selon la Banque mondiale, les jeunes représentent 60 % de l’ensemble des chômeurs du continent. Rien que pour le Sénégal, plus de 200 000 d’entre eux arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. La situation est tellement préoccupante que des milliers de candidats à l’émigration tentent, en prenant énormément de risques, de rejoindre une Europe barricadée.

Pourtant, ces derniers ont tout fait pour braver les incertitudes liées à l’avenir. Nombre d’entre eux, par dignité, ont investi les marchés pour survivre, certains comme vendeurs ambulants, d’autres comme cordonniers, tailleurs mobiles, portefaix, etc.

Un beau jour, les autorités étatiques et municipales, sous prétexte de mieux organiser et moderniser les marchés, les ont déguerpis ostensiblement, ravivant ainsi la question du chômage des jeunes.

L’une d’entre eux, d’un âge assez avancé, me disait : « J’ai quatre jeunes enfants à nourrir et je n’ai pas les moyens, je compte sur cette activité au marché et on veut m’en priver, que vais-je devenir ? »

Les autorités africaines appliquent ces mesures de déguerpissement par mimétisme du monde occidental qui ne s’appuie évidemment pas sur les mêmes réalités socio-économiques. En agissant ainsi, elles contribuent à affaiblir un secteur informel qui représente, dans certains pays, plus de la moitié du PIB et contribue  activement à l’emploi.

Bien entendu, les réalités sont différentes comparées a celles du monde occidental. En effet, le marché n’a pas la même vocation selon que l’on se trouve en Afrique ou ailleurs, dans les pays développés. Sur le continent, ce sont des lieux de rencontre entre villageois et citadins, des espaces de dialogue culturel et religieux. Des occasions de partage d’expérience mais aussi de réflexion sur l’avenir. Oui, les marchés permettent aussi d’acheter moins cher, lorsque les marchands ambulants sont autorisés à vendre.

Les autorités préfèrent accorder la priorité aux automobilistes en leur réservant plus de places pour le stationnement de leurs véhicules ; le privilège est aussi réservé aux quelques commerçants opulents qui n’ont pas de difficultés à se procurer des étals. Tout ceci au détriment de la conservation de millions d’emplois précaires qui contribuent à la lutte contre la pauvreté.

Ces déguerpissements intempestifs notés dans les marchés africains sont incohérents, contre-productifs et lourds de danger. Voilà pourquoi les lieux publics de commerce en Afrique deviennent de plus plus des espaces fantômes, au lieu de conserver leur charme exotique, convivial, comme socles de prospérité partagée.

L’Afrique doit mettre fin à ces incohérences de politique publique. Il est temps de réfléchir à des formules endogènes qui puissent éviter les obstructions de circulation dans les marchés tout en permettant au secteur informel d’exprimer généreusement ses talents au grand bénéfice des populations.

Les solutions se trouvent sans doute dans  la capacité des autorités municipales à mettre en place  de véritables stratégies d'accompagnement autour d'une démarche consistant à ne déguerpir que lorsque on a trouvé une solution en amont l'État doit être intraitable sur cette question sous peine de voir le chômage des jeunes atteindre son paroxysme.

Aussi dans la mesure où le phénomène d'engorgement des marchés publics est  causé par des politiques économiques défaillantes qui laissent peu de place à des stratégies efficaces d'aménagement du territoire il faudra repenser nos modèles d'urbanisation et d'occupation de l'espace. Cela passe pas de véritables politiques de décentralisation

 

Magaye GAYE

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