Publié le 1 Sep 2015 - 00:00
AGRICULTURE A SEDHIOU

Quand le Prodac occupe les jeunes 

 

Dans la région de Sédhiou, le programme des  domaines agricoles communautaires (Prodac) répond à la problématique de la pauvreté et du sous-emploi des populations. Aujourd’hui, sur une superficie de 2 000 ha délibérés, 2 096 ha (hors Dac) sont emblavés par le programme dans les communes de Diendé et Koussi. A la découverte d’un trésor de la région du Pakao, à bord de la caravane du ministre de la Jeunesse, à l’occasion des vacances citoyennes.

 

Il est 9 heures ce jeudi 27 août 2015 à Kolda, quand la caravane du ministre de la Jeunesse quitte la capitale du Fouladou. Direction Sédhiou, capitale du Pakao, en cette saison pluvieuse. Après quelques minutes à regarder défiler la verdure, contempler la densité des branches et feuilles d’arbres, sentir le vent fouetter les visages, et à se réjouir des gazouillis d’oiseaux, nous voilà dans le DAC (Domaine agricole communautaire) du Séfa. Plus précisément au village voisin de Nimaya, dans la commune de Koussi, située à une vingtaine de km de la capitale régionale, Sédhiou. Dans ce DAC, a été aménagée une station d’essai inaugurée le 23 février dernier par le président Macky Sall. Tout autour, s’étendent à perte de vue des plantes de maïs et de sorgho, filières prioritaires dans ce domaine lancé il y a un an.  

Après Koussi, cap sur la zone dite Bloc, à mi-chemin de la commune de Sédhiou. A 13 heures, le ciel a ouvert ses vannes et une pluie, bien à-propos, s’abat sur la localité comme un heureux présage.

Dans les localités visitées, des tracteurs continuent de labourer ou semer. A la besogne, de jeunes agriculteurs suant à grosses gouttes du fait d’une forte chaleur. La plupart d’entre eux sont vêtus de polo gris ou blanc qui vante les mérites du programmes des domaines agricoles (Prodac) : « Pour l’émergence du Sénégal : je m’engage » ou encore « Merci Prodac pour l’insertion des jeunes ». Parmi eux, Sadibou Traoré, gérant du GEA (Groupement d’exploitation agricole) « Kékindo » au DAC de Koussi. ‘‘Tout le matériel est là, les productions sont là. Il y a 96 GEA dans Séfa composés de 05 à 25 membres par GEA. Et chaque personne a trois incubés’’, a-t-il déclaré.  

Agriculture, un moyen de lutte contre la migration

Dans le Séfa, bon nombre de jeunes trouvent que l’agriculture nourrit son homme. Il ressort de certaines confidences que les jeunes de cette contrée ne recherchent plus l’Eldorado ailleurs parce qu’il leur suffit d’avoir une parcelle, du matériel et des intrants pour tirer leur épingle du jeu. Ainsi, pour booster la production agricole, les jeunes agriculteurs ont été formés sur les nouvelles techniques agricoles. Ceci pour améliorer les systèmes de productions. Le paquet technologique se résume au semis en ligne de cultures pures, à l’utilisation de semences améliorées et à l’usage des engrais minéraux. Une nouvelle technique qui a permis d’améliorer les exploitations et le mode de vie des producteurs. ‘‘Aujourd’hui, nous parvenons à assurer nos revenus réguliers comme des fonctionnaires. Parce que notre production continue’’, confie le jeune Traoré.

Un autre gérant de Groupement d’exploitation agricole d’emboucher la même trompette : ‘‘Nous ne sommes plus désœuvrés car nous trouvons nos comptes dans ce DAC. Quand un jeune paysan est muni de matériels modernes en production, il ne peut qu’accroître ses rendements’’, se réjouit-il. Pour lui, si l’Etat peut faire un effort pour que les semences leur parviennent plus tôt, au mois de mai par exemple, ce serait un grand soulagement.

‘‘Le PRODAC a mis à notre disposition 50 hectares. Mais pour le moment, nous sommes à 27 ha cultivés en maïs et à partir de la semaine prochaine, nous allons entamer la culture du sorgho’’, souligne pour sa part Jean Bassène, directeur exécutif national de YMCA (Union des jeunes chrétiens du Sénégal), qui y tient un camp avec de jeunes Sénégalais et Britanniques. Il précise que « YMCA a mobilisé 4 millions pour assurer l’achat du matériel agricole et la prise en charge de 150 jeunes campeurs qui s’activent tous les jours dans le camp d’immersion DAC de Séfa ».

Lamine Sagna, chef du village de Koussi, quant à lui, se réjouit de la politique du chef de l’Etat. Un programme qui a permis de retenir les jeunes dans le village et leur évite les aventures hasardeuses. ‘‘Actuellement, nos jeunes ne voyagent plus parce qu’ils ont tous des parcelles, des matériels et des intrants qui leur permettent de manger, de se marier et de subvenir à leurs besoins. En plus de retenir les jeunes sur place, l’agriculture de subsistance les met à l’abri de la délinquance’’, jubile-t-il. Une vision que le chargé de programme compte améliorer. Car, Jean-Pierre Senghor, coordonnateur national du Prodac, estime que ‘‘la formation nous semble être la seule, équitable, durable et susceptible de tirer notre pays de la pauvreté’’. Une posture due au fait que ‘‘la quasi-totalité des experts en développement rural et agricole sont convaincus que les faibles performances de l’agriculture paysanne au Sénégal sont dues à l’ignorance des paysans et à la faible utilisation des semences de qualité et des engrais minéraux‘’.

200 techniciens forment des agriculteurs sur les pratiques agricoles

Le travail se fait sous encadrement de 200 techniciens qui accompagnent les cultivateurs dans les DAC. Ceci pour booster la production. ‘‘L’Etat travaille à moderniser l’agriculture, c’est pour cela que les formateurs accompagnent les agriculteurs sur le terrain pour la mise en œuvre des bonnes pratiques agricoles’’, indique Ismaïla Diallo, directeur du DAC de Séfa.

‘‘Avec les encadreurs, tout est bien suivi et nous avons de meilleurs rendements du fait de leurs conseils. Nous maîtrisons les bonnes pratiques agricoles’’, renchérit Laye Camara, représentant des jeunes du Bloc de Diendé.  Ce dernier estime qu’à travers le Prodac, l’Etat a trouvé une alternative à l’emploi des jeunes.

Des revenus satisfaisants

Dans cette partie sud du pays, le souci des agriculteurs est de s’assurer de leur sécurité alimentaire mais aussi d’accroître leurs revenus. Partis de rien, ils arrivent désormais à vivre décemment. Tout est rendu possible grâce au matériel agricole, aux intrants, aux semences, entre autres, mis à la disposition des populations. ‘’L’expérience de ces Dac a montré à la face du monde rural que tout paysan peut réussir sans quitter son milieu pour aller en Europe ou tenter l’exode rural’’, croit savoir le jeune Camara.

 De ses explications, il ressort ‘’qu’aujourd’hui, l’agriculture est reconsidérée de manière positive. Contrairement aux années précédentes où les jeunes paysans étaient découragés et n’avaient pas de point de repère. Les produits sont de qualité et à des prix intéressants à la fois pour le producteur et le consommateur’’.

 Sadibou Traoré renseigne qu’il y a ‘‘14 sociétaires par GEA. Chaque membre bénéficie d’un hectare. Quant au salaire du personnel, chaque sociétaire a 100 mille francs. Ce qui fait un total d’un million 400 mille francs pour chaque mois’’

Il poursuit qu’il y a aussi la bourse des 42 incubés. ‘‘Elle s’élève à 1 million 260  mille francs CFA. Chacun a 30 mille francs par mois’’, avant d’ajouter qu’au moment de la vente de la production, les sociétaires débloquent 350 mille francs pour assurer le transport des produits. Pour le remboursement des intrants, ils déboursent 637 mille francs. Pour l’achat des gants, des protections et autres, la somme de 140 mille francs est requise pour le premier mois et 70 mille francs pour le troisième mois. Le total des charges pour les mois est à 13 millions 447 mille francs CFA.  Le prix d’un kilogramme de maïs est vendu à 200 francs. La production par moyenne est de 84 tonnes pour les 14 hectares. La vente de la production est à 16 millions 800 mille francs. Après avoir payé les salaires, il reste 3 millions 350 mille francs CFA.

‘‘Grace à cet argent, poursuit Binta Mané, nous payons les frais de scolarité de nos enfants, du primaire à l’université, sans nous tourner forcément vers nos maris. Des enfants qui, il y a quelques années, étaient sur le point de quitter l’école faute d’argent, ont repris la classe’’. Son amie Awa Sadio d’ajouter : ‘‘La plus-value majeure que j’ai tirée de cette opération est le changement de comportement adopté par mon mari qui m’accorde désormais plus de respect et d’estime et m’appuie dans mes activités personnelles. Il se sent vraiment fier de moi’’, témoigne-t-elle.

Le maire de Sédhiou, Abdoulaye Diop, salue la concrétisation de la vision du Président Macky Sall visant à créer des opportunités d’emplois, notamment d’insertion pour les jeunes, et à trouver une solution au déficit de production agricole et aquacole du Sénégal, à travers le Prodac.

300 millions pour financer les projets de Sédhiou

Un tour dans les Dac du Séfa et Diendé a permis de constater la pertinence de la culture du maïs et du sorgho. Mais aussi de savoir que les jeunes sont engagés dans l’agriculture pour réduire le chômage, la pauvreté et la criminalité.

 ‘’Ces Dac sont la preuve vivante de la possibilité d’un développement rural sain. Car ils représentent la réussite pour la population. Ils sont  le fruit d’un rêve, le PSE ‘’, a dit le ministre de la Jeunesse, Mame Mbaye Niang.

Très satisfait de l’engagement des jeunes dans l’agriculture, il a souligné, lors du forum tenu à la chambre des métiers de Sédhiou, que ‘‘les jeunes marchent sur des milliards pour aller en Europe chercher des millions’’.

A en croire le ministre de la jeunesse, ‘‘le président de la République a créé l’ensemble des conditions possibles pour qu’un jeune Sénégalais qui veut travailler et qui est porteur d’un projet fiable et bancable puisse bénéficier de financement, sans distinction. ‘’Il y a 300 millions de francs CFA qui sont disponibles pour financer des projets de la région de Sédhiou. Les objectifs fixés pour 2015 sont : 50 projets à financer en phase 1 et 50 autres projets à financier en phase 2’’, informe t-il.

En outre, Mame Mbaye Niang a profité  de cette étape de Sédhiou pour rappeler aux jeunes que l’heure est au travail pour faire du Sénégal un pays émergent. ‘’Le PSE, c’est la production’’, a-t-il martelé, avant de poursuivre que des initiatives comme le PAPEJ, l’ANPEJ et le PRODAC constituent des programmes phares du gouvernement qui ont en commun la résorption du chômage endémique des jeunes Sénégalais.   La visite s’est terminée par la pose de la première pierre du centre multifonctionnel des jeunes de Kapoundoune, une localité située dans la commune de Bona, département de Boukiling.

Sefa, terre d’émergence

Lancé il y a un an, le Dac de Séfa a connu de grandes avancées. Couvrant les communes de Diende et Koussi, le domaine polarise 56 villages pour une population directement touchée de 20 862 habitants. Sur 2000 hectares délibérés dont 1 750 ha réellement disponibles, les responsables du Prodac ont pu emblaver d’autres superficies hors Dac, portant les cultures, 2096 ha. En 2014, il y avait 987 hectares emblavés, 600 producteurs impliqués pour une production de 4 500 tonnes de maïs. Cette année, les responsables projettent la production à 10 000 tonnes. Présentement, avec 106 Groupements d’exploitation agricole, Sefa compte 972 sociétaires impliqués et 2 975 jeunes incubés. Ils sont encadrés par 200 techniciens issus des dernières promotions d’écoles sénégalaises de formation en agronomie.

EMMANUEL BOUBA YANGA (SEDHIOU)

 

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