Publié le 4 May 2023 - 20:51
ALASSANE DIAGO (RÉALISATEUR)

''Le cinéma a bouleversé ma vie''

 

Alassane Diago est un réalisateur sénégalais passionné d’écriture et de cinéma. Initié par Chantal Richard à cet art, il a aussi appris aux côtés de Samba Félix Ndiaye. Celui qui a toujours eu le besoin de raconter son histoire est l’auteur de ‘’Raconter mon père’’, ‘’La vie n’est pas immobile’’ et Maayo Wonnaa Keerol’’.

 

‘’Mon père a émigré au Gabon, sans donner de nouvelles, obligeant ma mère à nous élever, seule, ma sœur et moi, sans revenus’’, confie le réalisateur Alassane Diago né en 1985 à Agnam Lidoubé, un village peul situé au nord-est du Sénégal. Grandi avec un projet, il a toujours eu ce besoin de raconter son histoire. ‘’J'ai toujours beaucoup raconté, en écrivant d'abord, tout petit déjà. Cela me passionnait de relater mon quotidien et ceux de mes proches, la vie au village et bien sûr de parler de l'absence. L'absence de ce papa qui est parti m'a hanté pendant toute mon enfance. Ça a été une source d'inspiration pour tout ce que j'ai fait et tout ce que je continue de faire. Dès le début, je n'étais attiré que par le documentaire’’.

 Samba Félix Ndiaye lui a appris qu'il n'y avait pas de grandes différences entre les deux genres. D’après lui, s’il devait faire de la fiction, cela ne pourrait être qu'avec des personnages réels, des décors réels : une fiction qui prend sa source et se nourrit du réel.

 ‘’Le cinéma est venu à moi et a bouleversé ma vie. C'est lui qui a rendu cette démarche possible, soutient M. Diago. À l'âge de 9 ans, il rencontre la réalisatrice française, Chantal Richard, alors qu’elle était en visite dans son village. Une chance pour lui. L’auteur de ’’Raconter mon père’’ et de ‘’La vie n’est pas immobile’’ explique que Chantal Richard était sensible à sa situation. Et lorsqu'elle est repartie en France, ils ont commencé à correspondre. ‘’L'idée de faire du cinéma est liée à Chantal. Je viens d'une région enclavée où il n'y a presque rien, ni en termes d'images, ni d'écoles, ni de transmission quelconque’’, relate-t-il.

‘’Un jour, Chantal Richard m'a envoyé la cassette vidéo de son court-métrage ‘Charles Péguy au lavomatic’. Nous n'avions pas de téléviseur, pas de lecteur pour visionner la cassette. Je suis allé dans un village voisin pour la voir. J'ai grandi avec les histoires de Chantal, ses films, ce qu'ils me racontaient. Et dès le lycée, je lui ai dit que je voulais faire du cinéma. Je me suis battu. C'était mon rêve, je voulais le réaliser’’, poursuit-il.

Ainsi, après un DEUG en philosophie, Alassane Diago participe au tournage de plusieurs films dont ‘’Lili’’ et ‘’Le baobab de Chantal Richard’’ en 2004, et suit une formation en audiovisuel au Média Center de Dakar en 2007 d'où il est sorti technicien audiovisuel polyvalent.   

‘’A la sortie du Média Centre, je me suis rendu compte que mes acquis étaient insuffisants et que j'avais envie d'aller plus loin. Par chance, cela correspondait au moment du retour au pays du documentariste sénégalais Samba Félix Ndiaye’’, fait-il savoir. Samba Félix Ndiaye est revenu avec la volonté de transmettre son savoir à la nouvelle génération. ‘’Je l'ai rencontré un samedi et le lundi, il m'avait installé un bureau. J'avais accès à un banc de montage, à sa bibliothèque, à sa vidéothèque. Il m'a dit : ’Je ne suis pas ton formateur, je suis un père pour toi. Tu es mon fils adoptif. Il faut que notre relation soit ainsi. Je ne te donnerai pas d'argent. Si tu as envie de certaines choses, considère-moi comme ton père’, se remémore Alassane Diago.

Avec M. Ndiaye, il a appris beaucoup et a découvert Godard, Flaherty et Cocteau. Il avait bon nombre de livres  à sa disposition. Samba Félix voulait que le jeune Ndiaye s'intéresse d'abord au cinéma des autres avant de se forger un cinéma. Monsieur Diago a travaillé sept mois sur des tournages comme stagiaire, puis assistant-réalisateur, mais il commençait à s'impatienter.

Depuis 2009, Alassane Diago tisse, film après film, une œuvre cohérente qui interroge, bouscule et documente une mémoire familiale et collective. Depuis ses débuts, il filme avec l'espoir que le cinéma documentaire, en plus du pouvoir de montrer, aura celui de changer le réel.

BABACAR SY SEYE

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