Publié le 29 Apr 2021 - 22:15
ASSISTANCE ALIMENTAIRE AU SEIN DE LA CEDEAO

19,6 millions de personnes actuellement dans le besoin 

 

Au total, près 19,6 millions de personnes ont actuellement besoin d’une assistance alimentaire au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). L’annonce a été faite, hier, par le commissaire en charge de l’Agriculture, de l’Environnement et des Ressources en eau de l’organisation sous-régionale.

 

Malgré une production agricole en hausse dans l’espace CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) estimée pour la dernière campagne agricole de 2020 à plus de 74 millions de tonnes de céréales et 194 millions de tonnes de tubercules, la situation alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l’Ouest reste ‘’structurellement à risque’’.

‘’Cette situation alimentaire difficile est provoquée par la conjonction de plusieurs facteurs liés aux impacts négatifs du changement climatique, l’insécurité civile, elle-même générée par le terrorisme, les conflits intercommunautaires entre agriculteurs et éleveurs. Mais aussi par les invasions des ennemis des cultures et par les conséquences de la pandémie de Covid-19’’, dit le commissaire en charge de l’Agriculture, de l’Environnement et des Ressources en eau de la CEDEAO.

Sékou Sangaré, qui s’exprimait hier, lors de la Conférence internationale sur le système ouest-africain de stockage de sécurité alimentaire, a relevé que l’inflation continue de frapper certains pays, entrainant des pertes de pouvoirs d’achat en devise locale des populations. ‘’Cette situation, ajoutée aux effets des mesures sanitaires liées à la Covid-19, maintient à la hausse les prix alimentaires. Ce qui limite ainsi l’accès des plus vulnérables aux aliments. Les résultats du cadre harmonisé du Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (Cilss) publiés en avril 2021, dans le cadre du Réseau de prévention des crises alimentaires, montrent que près 19,6 millions de personnes ont actuellement besoin d’une assistance alimentaire dans notre région. Ce chiffre pourrait atteindre 27,1 millions de personnes pendant la période de soudure prochaine, d’ici mai à août 2021, si des mesures appropriées ne sont pas prises’’, annonce-t-il.

Par ailleurs, le commissaire Sangaré informe que la prévalence de la malnutrition aiguë globale dépasse déjà 10 % dans la majorité des pays du Sahel. Il convient aussi de signaler, d’après lui, que la cartographie de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle gagne de plus en plus les pays côtiers comme au Liberia, en Sierra Leone et en Gambie. ‘’Cette envie d’apporter des réponses structurelles à ces crises alimentaires et nutritionnelles a fait que les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO ont adopté, en 2012, la Stratégie régionale de stockage et, en 2013, par acte additionnel au traité créant la CEDEAO, nos chefs d’Etat ont créé la Réserve régionale de sécurité alimentaire. Ce système régional constitue un cadre d’intégration des approches développées aux différentes échelles par les différentes catégories d’acteurs’’, poursuit-il.

45 mille tonnes de céréales à produire d’ici la fin de l’année

La première ligne de défense est constituée par le stockage de proximité organisé au niveau villageois, des communes, des organisations professionnelles de producteurs et d’éleveurs. La deuxième ligne de défense est constituée par les stocks nationaux de sécurité placés sous la responsabilité directe des étrangers ou au sein de dispositifs cogérés par les Etats avec leurs partenaires locaux. La troisième ligne de défense est le stockage régional cogéré par la CEDEAO et tous les Etats membres. ‘’La mise en œuvre de projet de stockage régional sur la période 2015-2021, a produit, entre autres, plusieurs résultats. Le premier, c’est la constitution aujourd’hui, dans notre région, d’une capacité d’intervention de 40 mille tonnes de céréales et qui atteindra environ 45 mille tonnes d’ici la fin de l’année. Cette capacité représente l’instrument de la solidarité régionale envers les pays demandeurs ou bénéficiaires touchés par des crises. Elle est complémentaire des dispositifs nationaux de stockage et est dotée d’organes de gouvernance transparentes et aux règles de gestion adoptées par tous les Etats membres’’, souligne le commissaire Sangaré.

Depuis sa création, d’après lui, la réserve régionale est intervenue à neuf reprises, en réponse aux crises alimentaires, pour un volume global de 25 mille tonnes au Niger, au Burkina Faso, au Nigeria et au Mali. Plus de 2 millions de personnes, dont la majorité des enfants et des femmes, ont bénéficié d’assistance ciblée pendant les trois à quatre mois de période de soudure.

‘’Cependant, ces acquis doivent être consolidés et renforcés au-delà de cette phase pilote qui se termine dans quelques semaines. Les défis restent considérables. On peut notamment citer les capacités d’intervention de la région qui restent pour l’instant encore limitées. Il y a la réserve financière qui n’est pas encore opérationnelle et ce malgré des échanges prometteurs avec la Banque mondiale et l’African Risk Capacity. Un autre défi est les retards constatés lors de la reconstitution des stocks mobilisés en faveur des Etats les plus touchés par la crise, les modalités de déplacement qui devront être adoptées’’, note le représentant de l’Agence française de développement (AFD) à cette occasion.

Pour Pascal Grangereau, les achats de céréales menés par les Etats ou la CEDEAO peuvent jouer un ‘’rôle important’’ dans le renforcement et l’amélioration de la structuration de la filière céréalière régionale. ‘’Les crises permettent de vérifier la pertinence au niveau local de nos politiques publiques. Et celle sanitaire que nous avons connue et qui n’est malheureusement pas terminée, a cruellement rappelé l’intérêt des stocks stratégiques’’, fait savoir le directeur de l’AFD au Nigeria.

Associer les jeunes entrepreneurs dans le processus

Il urge aussi de noter que le commissaire de la CEDEAO a, par ailleurs, relevé que les appuis de l’Union européenne à soutenir la CEDEAO dans le financement de sa lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle sont à hauteur de 56 millions d’euros, dans le cadre du Projet d’appui au stockage de sécurité alimentaire de l’Afrique de l’Ouest. Un projet qui a servi à opérationnaliser le système régional de réserve de la zone.

Et selon Sékou Sangaré, la vision de la région est d’atteindre l’objectif du capital de la réserve, fixé à 410 mille tonnes de céréales, à l’horizon 2025, dont environ 140 mille tonnes de stocks physiques et 270 mille tonnes équivalent de réserve financière, soit 140 millions de dollars. Ce qui constitue les deux tiers de la réserve de 410 mille tonnes de la CEDEAO.

Ainsi, il estime qu’ils doivent veiller à ce que les productions des agriculteurs de la CEDEAO soient achetées à un ‘’bon prix’’ et transformées pour assister non-seulement localement les personnes vulnérables, en cas de crise alimentaire et nutritionnelle, mais également pour contribuer à la sécurité des approvisionnements de nos marchés en denrées alimentaires produits localement, susceptibles de constituer des flux importants de change entre les zones déficitaires et les zones excédentaires dans notre région.

Dès lors, le commissaire Sangaré a lancé un appel pour la constitution d’une vaste coalition de partenaires locaux, nationaux, régionaux et internationaux pour bâtir ce système régional résilient, pérenne et compétitif.

MARIAMA DIEME

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