Une nouvelle panne ajourne les procès
A cause d’une nouvelle panne du véhicule de l’administration pénitentiaire, les prévenus n’ont pas pu être jugés hier, au Palais de justice Lat Dior. Une situation qui a mis dans tous leurs états les justiciables mais aussi des acteurs de la justice.
‘’Des renvois à n'en plus finir’’, n’ont cessé de fulminer plusieurs justiciables lorsqu’ils quittaient hier la salle 1 où siège la première composition de l’audience des flagrants délits du tribunal régional hors classe de Dakar. Ils étaient dans tous leurs états, parce qu’une fois de plus, les audiences des flagrants délits ont été renvoyées. Le véhicule de l’administration pénitentiaire devant convoyer les prévenus est encore tombé en panne. C’est aux environs de 13h que le juge El Hadj Issa Ndiaye, présidant l’audience de la première composition, a annoncé la nouvelle. Du coup, c’était la déception chez de nombreux justiciables, présents depuis 8h30mn, qui avaient jusqu'ici bravé la chaleur et subi l’odeur pestilentielle qui se dégageait de la salle.
Pourtant à l’arrivée des juges, plusieurs justiciables qui prenaient l’air dehors ont accouru. Habités par l’espoir de voir leurs proches détenus enfin jugés, ils ont vite déchanté, en constatant que le box réservé aux prévenus était complètement vide. Le juge confortera leur crainte, en annonçant le renvoi des dossiers dont les mis en cause sont en détention préventive. Seule une poignée de dossiers, notamment ceux dont les prévenus sont en liberté provisoire, ont été jugés. En revanche, l’écrasante majorité des prévenus ont vu leur détention provisoire prolongée. Une situation dont s’est désolé un juge. ‘’Ce n’est pas de gaîté de cœur qu’on renvoie les détenus, mais à l’impossible nul n’est tenu’’, a confié le magistrat. Qui poursuit : ‘’Cela nous fait mal, parce que des personnes qui pouvaient être relaxées aujourd’hui voient leur détention préventive prolongée, alors que la population carcérale est déjà pléthorique.‘’
''Cotiser 100 F, pour payer un véhicule aux prisonniers''
Même si ce renvoi est indépendant de la volonté des juges, les justiciables ne veulent rien comprendre. Furieux, ils n’ont pas manqué de qualificatifs pour juger cette situation. ‘’C’est inacceptable’’, a martelé Isaac Thiam dont le parent fait l'objet d'un second renvoi. ‘’C’est scandaleux’’, a lâché un vieux venu assister un de ses proches poursuivi pour coups et blessures volontaires. Pointant du doigt le régime de Macky Sall, il a trouvé scandaleux que l’État ne puisse pas doter l’administration pénitentiaire d’un véhicule. Pourtant, a-t-il poursuivi, ‘’le gouvernement a renouvelé le parc automobile des députés, des sénateurs’’. Une dame debout à ses côtés l'a conforté, en soutenant que ‘’les 200 000 francs offerts aux députés lors de la Tabaski auraient pu servir à l’achat d’un véhicule’’. A défaut, elle a estimé que les justiciables devraient eux-mêmes prendre à bras le corps ce problème. ‘’Puisque l’État est incapable d’acheter un véhicule qu’on mette des caisses au tribunal et au niveau des prisons et que chacun cotise 100 francs, l’administration pénitentiaire aura son véhicule et les prévenus ne seront plus renvoyés, à cause d’une panne’’, théorise la dame.
Avocats : ''incompétence notoire'', ''une République bananière''
Pour Me Diallo, selon qui cette deuxième panne ‘’est la preuve d’une incompétence notoire’’, l’administration pénitentiaire devrait penser à louer un véhicule pour pallier cette situation. La même solution est préconisée par Me Youssou Camara. Très en colère, l’avocat a trouvé ‘’la situation plus que déplorable, après 53 ans d’indépendance’’. ‘’C’est le seuil d’une République bananière. Si on veut se développer, il y a des fondamentaux à respecter’’, a enragé Me Camara. Dénonçant une violation des droits de la défense, du fait que les détenus ne sont pas jugés à temps, la robe noire a pointé du doigt la politique répressive. ‘’Il y a une politique de répression extraordinaire. Pour un plus petit délit, on amène la personne en prison, alors qu'on pouvait même se passer de jugement pour certains délits’’, a-t-martelé. Pour le journaliste Issa Thioro Guèye, il est temps que l’État renforce les moyens de l’administration pénitentiaire. ‘’A l’image des autres corps, ce corps mérite considération, respect et beaucoup d’attention’’, a plaidé ce fils d’un garde pénitentiaire à la retraite.
FATOU SY
Le véhicule, l’arbre qui cache la forêt au niveau de la cave Le 1er octobre dernier, le véhicule de l’administration pénitentiaire devant convoyer les détenus à la cave était tombé en panne. Hier, encore une nouvelle panne a empêché le jugement des prévenus. En réalité, rapportent nos sources, c’est depuis lundi que le bus est tombé en panne. Et depuis lors, c’est un minibus du Camp pénal qui convoyait les détenus après plusieurs rotations, puisqu’il s’agit d’un véhicule de 16 places. Toujours est-il que ce problème de véhicule, que la direction de l’administration avait tenté de minimiser, est l’arbre qui cache la forêt au niveau de la cave. Selon nos sources, au-delà du problème du transport des détenus, la cave fait face à d’autres difficultés comme le déficit du personnel. Ils sont 11 gardes pénitentiaires, y compris le responsable de la cave, à s’occuper et des personnes déférées et des détenus extraits pour audition et pour jugement. Le déficit est tellement criard que dans chaque salle d’audience, il n’y a qu’un seul garde pour assurer la surveillance des détenus, quel que soit leur nombre. A ce propos, il faut relever que le nombre de détenus peut atteindre la centaine. Il est très rare de voir une trentaine de détenus dans le box. D’ailleurs, leur sous-nombre poussent souvent les matons à solliciter l’aide des gendarmes auxiliaires. L’autre problème que rencontre la cave, c’est l’absence d’infirmier ou de médecin. Le responsable de la cave s’en était même plaint lors de la seconde édition des journées portes ouvertes organisées par le ministère de la Justice. ‘’Il n’y a même pas de médecin en cas de malaise. Surtout qu’il arrive qu’une personne soit déférée avec des blessures graves’’, faisait-il savoir aux services du ministère de la Justice. La solution qui s’impose, c’est le recours au major de la Maison d’arrêt de Rebeuss. La restauration des détenus demeure également une équation pour les matons. Car, certaines personnes devant comparaître sont contraintes au jeûne. Les personnes en détention préventive dépendent de la Maison d’arrêt de Rebeuss responsable de leur restauration. Mais seulement, confient nos sources, ‘’quand les gens viennent au procès, ils quittent la prison à 5h du matin, sans prendre de petit de déjeuner’’. Ce qui fait que lorsque l’audience tire en longueur, il n’est pas rare de voir une personne se tordre de douleur au ventre ou plutôt de faim. Les plus chanceux sont ceux dont les parents où les avocats sont présents dans la salle pour leur acheter à manger. A défaut de compter sur la solidarité de leurs co-détenus, certains peuvent retourner en prison avec le ventre creux… |