Le pinceau qui combat les Mgf
Sortie de l’école des beaux-arts depuis 2006, Awa Ndiaye est une jeune artiste plasticienne. A travers ses belles œuvres, non seulement elle se libère, mais aussi et surtout essaie de sensibiliser les femmes et la population sur les mutilations génitales féminines, pratiques dont elle a été elle-même victime.
Derrière la carapace, se cache des déchirures, des marques indélébiles qui marquent la jeune Awa Ndiaye, artiste-plasticienne de talent. Par la peinture, elle se libère et tente de se battre contre certains fléaux qui continuent de décimer certaines contrées du Sénégal. Parmi lesquels, il y a les mutilations génitales.
Mère de 2 enfants, la jeune Hal Pulaar en a elle-même été victime. Aujourd’hui, elle est plus que jamais déterminée à faire cesser cette pratique. Elle raconte le calvaire des femmes excisées : ‘’La première catastrophe reste le moment des noces. Aussi, l’accouchement est un problème. Moi, j’ai eu la chance d’avoir un mari artiste et compréhensif. Au moment de l’accouchement, on n’a pas déchiré mon orifice vaginal, contrairement à d’autres femmes excisées.’’
Ainsi, la présence de cette thématique dans l’œuvre d’Awa Ndiaye est loin d’être fortuite. Pour elle, en plus d’être une passion, la peinture est un moyen de se libérer, de s’évader.
C’est au cours d’une visite à la galerie Léopold Sédar Senghor, rouverte le 11 juillet dernier, après sa rénovation par la Fondation Sonatel, qu’Awa Ndiaye a été découverte hasardeusement. Ici, les multiples tableaux accrochés aux cimaises, tantôt abstraits, tantôt figuratifs, dévoilent de profondes inspirations de la part de leurs auteurs. Dans cette pléthore de créations, une attire particulièrement l’attention. Elle est intitulée ‘’L’amour maternel’’.
Au-delà de l’aspect géométrique, s’y dégage beaucoup d’affection : celle d’une mère envers son enfant. Selon la galeriste, ce chef-d’œuvre en dit long sur la personnalité de l’auteure qui n’est personne d’autre qu’Awa. ‘’Vous voyez la symétrie dans son tableau ? Elle traduit sa personnalité. Dans la vraie vie, Awa est une jeune femme organisée, droite et vraiment correcte’’, renseigne-t-elle, ravie.
Retrouvée dans un des 52 ateliers du Village des arts, tableau sur ses cuisses découvertes, Awa manie bien son pinceau. Accueillante et chaleureuse, la jeune fille à la noirceur d’ébène est très ravie de présenter ses tableaux d’art. Loin de la distraire, cette petite visite l’inspire davantage. Au bout de quelques minutes, apparait ’’miraculeusement’’ l’image d’une petite enfant inquiète et pensive, mais cette fois en l’absence de la mère comme dans l’exposition à la galerie.
‘’Je travaille sur le thème de la femme et de l’enfant, les enfants de la rue, l’amour maternel et surtout sur les mutilations génitales. Disons que je m’inspire de moi-même’’, informe-t-elle.
Consciente que ces messages qu’elle livre dans ses tableaux n’atteignent pas le quart de sa cible, Awa ne se décourage pas pour autant. A côté de la céramique et de la mosaïque, la peinture, en plus d’être un moyen de sensibilisation, reste une grande passion chez elle. Ce qui peut être une petite consolation. Elle affirme : ‘’Même si tout le monde ne comprenait pas l’art, même si toutes les femmes ne pourront ni voir ni déchiffrer mon message, je me réjouis d’exercer ma passion. D’abord, il faut aimer l’art pour pouvoir vivre avec.’’
En attendant de posséder son propre atelier au Village des arts, l’artiste Awa continue de matérialiser ses inspirations quotidiennes, dans l’espoir que les mutilations génitales qu’elle juge illégales et injustes soient arrêtées.
FATMA MBACKE (STAGIAIRE)