Publié le 8 Dec 2020 - 03:38
BUDGET 2021

Le paradoxe parlementaire

 

Accès à l’électricité, contentieux avec les entreprises privées, augmentation de la participation publique dans les projets d’hydrocarbure, le gouvernement décline sa feuille de route.

 

C’est à croire que l’essentiel des problèmes d’électricité de ce pays relève désormais du domaine des rêves. Hier, au passage de la ministre du Pétrole et des Energies, Mme Sophie Gladima, à l’Assemblée nationale, c’était le satisfecit presque généralisé. En dehors, évidemment, des diatribes de la minorité d’opposants, hostile, comme à son habitude, à toute action du gouvernement.

Paradoxalement, malgré les discours souvent dithyrambiques, chaque député a une montagne de doléances concernant son village, sa commune ou son département. Et pourtant, les autorités ont fait un travail ‘’exceptionnel’’ dans le domaine de l’énergie selon les mêmes intervenants. Pendant ce temps, des chefs-lieux de communes, dans les départements de Kolda, Sédhiou, Koumpentoum, Kédougou, Kaffrine, Nioro du Rip et Birkelane, peinent à voir la lumière. Le même constat est noté à Diana Malari, Keur Madiabel, Labgar, Samba Kane, Lambaye, Babagarage, l’île à Morphil, pour ne citer que ces localités.

Aux nombreuses sollicitations, la ministre a présenté le programme opérationnel pour l'accès universel à l’électricité, dont la mise en œuvre devrait permettre d’électrifier 13 819 localités supplémentaires. A ce jour, selon le gouvernement, 4 325 localités ont été électrifiées, soit un taux d’électrification rurale de 53,9 % en fin 2019, contre 43,2 % en fin 2018.

Dans le domaine des énergies renouvelables, le Sénégal continue de faire sa mue. D'ici la fin de l'année, il compte porter le taux de couverture en énergie renouvelable de 23 à 30 %. Dans le même registre, la successeure de Mouhamadou Makhtar Cissé est revenue sur le programme des 50 000 lampadaires qui a cristallisé l’attention des députés. Chacun plaidant pour sa chapelle.

La ministre annonce la poursuite du programme : ‘’Pour la première phase, 42 500 lampadaires ont été installés. Le président de la République a décidé récemment de commander 100 mille autres lampadaires solaires, afin de satisfaire les nombreuses sollicitations des populations.’’ L’Etat va-t-il lancer un appel d’offres pour cette deuxième phase ? La ministre déclare : ‘’Nous allons y revenir. Une première phase a été menée. Il y a eu des manquements… Nous sommes en train de procéder aux évaluations. Après, nous allons proposer au président un schéma.’’

Par ailleurs, Mme Sophie Gladima est revenue sur les pas importants accomplis en matière de disponibilité de l'électricité. La puissance totale installée, a-t-elle rappelé, sera de 1 350 MW, d'ici la fin de cette année, contre 1 249 MW en 2019.Les différents projets vont porter l'offre en énergie propre à 456 MW en fin 2020, soit un taux d'énergie propre de 34 %, a-t-elle renchéri.

‘’Les pétrolivores et les gazivores se sont enfin tus...’’

A l’Assemblée nationale, hier, Maitre Djibril War s’est livré à son exercice favori. S’attaquer, insulter certains leaders de l’opposition, particulièrement Ousmane Sonko. Il dégaine : ‘’Il faut vraiment s’interroger sur les écoles d’où sortent certaines personnes. Quelqu’un qui se réclame inspecteur des impôts et domaines et qui ne sait même les revenus imposables ou non. C’est honteux.’’

Maitre Djibril War ne s’en limite. Avec la même violence qui le caractérise à chaque fois qu’il parle du député Ousmane Sonko, il peste : ‘’L’atmosphère a été longtemps pollué par les pétrolivores, les gazivores, mais ils ont tous disparu. Je parle aux journalistes qui sont là. Ceux qui avaient l’habitude de s’agiter quand il s’agit de pétrole, est-ce que vous les avez vus ici ? Eux qui avaient l’habitude de nous tympaniser avec des Tullow par-ci, des Timis par-là… Heureusement, aujourd’hui, il fait jour. Et comme on le sait tous, les vampires n’aiment pas le jour.’’

18 % dans Sangomar, 20 % dans le projet GTA

Sur un autre registre, le gouvernement a affiché ses ambitions dans la gestion du pétrole et du gaz. Après avoir augmenté la participation de Petrosen dans le projet Sangomar de 10 à 18 %, l’Etat s’apprête à multiplier ses parts dans le projet Grand Tortue Ahmeyim. ‘’Le Sénégal a pu mobiliser les ressources qu'il faut pour porter le portefeuille de Petrosen à 20 % pour la première phase dudit projet’’, informe la ministre.

Pour rappel, les réserves du Sénégal en gaz sont estimées à 910 milliards de m3, tandis que celles en pétrole sont projetées à plus d’un milliard de barils. Aussi, la ministre a rappelé les actions du gouvernement visant à développer le bassin sédimentaire national, avec la mise en compétition de 12 blocs sur les 29 blocs que compte le bassin sénégalais.

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TRANSFERT A LA SENELEC

Les milliards de la discorde

Dénonçant les transferts faits par l’Etat à la Senelec, le député Cheikh Abdou Mbacké a donné un prétexte au ministre Samba Sy qui assurait l’intérim de son homologue des Finances et du Budget, de se défouler, contrairement à ses habitudes.

Les Sénégalais devraient plutôt remercier le gouvernement. Selon les chiffres fournis par ce dernier, le prix de l’électricité aurait dû normalement coûter beaucoup plus cher qu’il ne l’est, si la vérité des prix avait été appliquée. En l’absence du ministre en charge des Finances et du Budget, hier, son homologue Samba Sy (ministre du Travail et des Relations avec les institutions) a assuré l’intérim.

Au député Cheikh Abdou Mbacké qui dénonçait les transferts de 125 milliards de l’Etat à la Senelec au titre de l’exercice 2019 et 73 pour 2020, le ministre explique : ‘’Le gouvernement ne donne pas des ressources à la Senelec comme ça. Ce qu’on donne à la Senelec, c’est une compensation tarifaire. C’est pour aider les Sénégalais à supporter le prix de l’électricité. Si on appliquait la vérité des prix, ce serait intenable pour les usagers. Cette compensation, c’est pour rendre le prix soutenable et permettre à la Senelec de continuer à vivre.’’

Quand le très calme Samba Sy sort de ses gonds

D’habitude si calme, taiseux, Samba Sy semblait attendre avec impatience ce moment pour se défouler dans l’hémicycle. Après avoir servi la réponse au député de Bokk Giss Giss, il enchaine : ‘’Je voudrais maintenant en venir à une considération de fond. Depuis que nous avons entamé cette session, nous avons remarqué la récurrence d’un certain questionnement….’’ Et d’ajouter : ‘’La problématique qui se pose souvent, c’est de choisir entre le regard lointain, axé sur l’horizon, et celui qui est braqué dans l’immédiateté, l’instant présent… Que faut-il préférer ? Devons-nous viser le ciel ou plutôt regarder simplement à nos pieds ?’’

Pour le ministre en charge des Relations avec les institutions, il faudrait plutôt poser la question autrement. Il justifie : ‘’Telle que la question est formulée, elle se présente sous une forme manichéenne qui peut être paralysante. Ce que nous comprenons de la vision du président de la République, c’est qu’elle allie à la fois la dimension prospective et l’exigence de faire face au quotidien. Ce n’est pas l’un contre l’autre. C’est les deux en même temps…’’

Pour le philosophe, l’approche qui peut faire gagner est une approche dialectique. Selon lui, on ne peut avoir un regard rivé sur l’horizon, si l’on ne s’emploie pas à résoudre les problèmes brûlants, pressants, dirimants. Lesquels ont pour noms la faim, l’éducation, la pandémie… A ceux qui estimaient que, dans les villages, il valait mieux investir ce montant dans les champs que d’acheter des lampadaires, il rétorque : ‘’Il faut savoir que des lampadaires dans un village, cela permet à nos enfants d’apprendre. Nous misons sur l’avenir ; nous parions sur la jeunesse ; nous voulons que cette jeunesse se hisse au faîte de ce qui se fait de mieux. Quand on est fils de la ville, quand on a un certain nombre de privilèges, il est facile d’imaginer que ça représente seulement la lumière. Pour quelqu’un qui ne l’a jamais vu, c’est plus que ça…’’

GESTION DES LITIGES

Conciliant avec Akilee, menaçant avec Locafrique

L’affaire Locafrique s’est aussi invitée aux débats. Interpellée sur la question par certains députés, la ministre dira : ‘’C’est un conflit privé entre actionnaires qui est pendant devant la justice. Néanmoins, l’Etat essaie de prendre les dispositions pour que cette situation ne puisse pas compromettre les activités de la Sar. Nous avons réussi à tenir un conseil pour nommer un directeur général. Nous essayons de régler le problème, en discutant avec les uns et les autres. Un rapprochement entre les parties est souhaité. A défaut, l’Etat étudie des alternatives pour préserver la Sar.’’ 

Dans la même veine, la ministre en charge des Energies est aussi revenue sur le différend opposant la Senelec à Akilee. A l’en croire, l’Etat travaille à rapprocher les parties. ‘’Suivant les instructions de l'autorité, les parties sont en voie de rapprochement pour éviter un contentieux coûteux, long et néfaste pour elles’’, informe Sophie Gladima.

BUDGET PETROLE ET GAZ

Une cagnotte de plus de 210 milliards F CFA

Pour l’exercice budgétaire 2021, le budget du ministère du Pétrole et des Energies est arrêté à 210 363 658 201 F CFA. Ce budget est réparti en trois programmes principaux. Le plus grand chapitre porte sur le programme ‘’Optimisation du système d’offre d’électricité’’ qui caracole en tête avec une enveloppe de 118 079 500 967 F CFA. Pour le programme ‘’Electrification rurale et énergie renouvelable’’, il englobe plus de 41 milliards F CFA en crédits de paiement. Le reste du montant des crédits de paiement est réparti entre les programmes ‘’Sécurisation de l’approvisionnement en hydrocarbures et combustibles domestiques’’ et ‘’Pilotage, coordination et gestion administrative’’.

MOR AMAR

 

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